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Portrait Rencontre

Jochen Kirstätter, l’Allemand qui fédère les informaticiens autour du «Smart Island»

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Jochen Kirstätter

Installé à Maurice depuis 2007, le codirecteur de la firme Indian Ocean Software a fondé en 2013 la Mauritius Software Craftsmanship Community. Nous l’avons rencontré en marge de la Developers Conference 2015 qui s’est tenue récemment à Voilà Bagatelle à l’initiative de l’organisation.

Jochen Kirstätter, développeur de logiciels d’origine allemande, est arrivé à Maurice en 2007 dans le but d’y implanter une antenne de la compagnie ProLib Software GmbH. La crise économique et la rencontre de celle qui partage désormais sa vie, Mary Jane, feront qu’il décidera de ne pas repartir pour l’Europe. C’est ainsi qu’en 2008, il intègre l’entreprise créée par son épouse et dont il assurera par la suite la direction avec elle, Indian Ocean Software (IOS) puis, en 2013, fonde la Mauritius Software Craftsmanship Community (MSCC). Ce regroupement a organisé fin avril la Developers Conference 2015 en collaboration avec des compagnies locales et internationales.

C’est à Ludwigshafen am Rhein, dans le sud-ouest de l’Allemagne, que Jochen Kirstätter voit le jour. Il vivra ensuite de nombreuses années à Kaiserslautern où il étudiera la chimie appliquée de 1995 à 2000. Toutefois, au bout d’une année d’université, le jeune homme réalise que les perspectives d’emploi dans le domaine de la chimie sont faibles et il décide d’entreprendre des études d’informatique en parallèle. La fibre entrepreneuriale aidant, il lance sa propre compagnie, Midek-Internet Publishing, en 1998.

Employé par Kheops GmbH en 1999, Jochen Kirstätter est envoyé en mission à Maurice en 2007 par la compagnie allemande, devenue entre-temps ProLib Software GmbH. Visant grand, la firme le charge alors de mettre sur pied une antenne mauricienne et de recruter des professionnels locaux qui seraient en mesure de communiquer aisément avec les Allemands et le reste du monde. En fait, relate le développeur, ProLib avait trois options pour ouvrir un bureau hors de l’Allemagne, soit un pays d’Europe de l’Est, l’Inde et Maurice. Or, le projet proposé par le ministre des Finances de l’île à l’époque, Rama Sithanen, soit de transformer Maurice en cyber île séduit l’entreprise allemande. Celle-ci est aussi motivée par le coût de la main-d’œuvre mauricienne et sa maîtrise de la langue anglaise. Jochen Kirstätter ajoute que l’île avait préséance sur l’Europe de l’Est, pourtant plus proche géographiquement du marché principal de ProLib étant donné que l’Union européenne comptait intégrer quelques-uns des pays de cette région, ce qui aurait fait grimper les salaires.

ProLib s’installe donc à Maurice avec le concours de Jochen Kirstätter mais la réussite de l’implantation est compromise par la crise économique qui frappe l’Europe à partir de 2008. Confrontée à des difficultés financières, la filiale mauricienne n’arrive plus à payer ses employés et se voit contrainte de fermer ses portes. Plutôt que de rentrer en Allemagne, le développeur se joint à ce moment-là à l’entreprise de Mary Jane dont il a fait la connaissance à Flic-en-Flac lors d’un mariage. Depuis, ils gèrent tous deux IOS, incorporée le 1er avril 2008. L’entreprise propose, en partenariat avec Microsoft, un ensemble de services allant de solutions logicielles sur mesure à l’externalisation en passant par le design et le développement d’applications web. Son portefeuille clientèle comprend des compagnies à la fois locales et étrangères.

Depuis huit ans qu’il vit à Maurice, le Senior Software Craftsman Jochen Kirstätter ne s’est pas contenté de son rôle de codirecteur d’entreprise mais a aussi pris l’initiative de fédérer les autres développeurs de l’île afin de créer un réseau, la Mauritius Software Craftsmanship Community, officiellement lancée il y a deux ans. Et le mois dernier, ils étaient quelque 300 professionnels du secteur des technologies de l’information et de la communication à se réunir à l’hôtel d’affaires Voilà Bagatelle pendant trois jours, dans le cadre de la Developers Conference. «Ce genre d’événements est récurrent en Europe et il faut que les informaticiens locaux puissent se réunir pour partager leurs idées et s’améliorer», fait ressortir Jochen Kirstätter. Il est à noter que les participants à l’événement venaient aussi d’autres pays, ce qui amène le professionnel à émettre le souhait d’une collaboration entre acteurs mauriciens et internationaux pour transformer le pays en véritable «Smart Island».

Lorsqu’il crée la MSCC, le développeur allemand est rejoint dans un premier temps par deux Mauriciens, Ish Sookun et Nitin Mutkawoa et petit à petit, par médias sociaux interposés, la commnauté d’informaticiens s’agrandira au point de compter aujourd’hui plus de 400 membres. Ils se réunissent tous les premiers samedis du mois pour discuter de l’actualité informatique locale et internationale. En tant que fondateur du réseau, Jochen Kirstätter indique que les membres de la MSCC reconnaissent les efforts du gouvernement en vue de rendre l’Internet plus accessible mais estiment que l’État devrait aider davantage à promouvoir les petites et moyennes entreprises engagées dans le «software development». «Nous avons noté que beaucoup d’entre nous ne savent pas où trouver le capital initial pour démarrer leur affaire ; les plus jeunes nous demandent souvent comment commencer et faire marcher un business», fait-il remarquer.

Rappelant la création de Google, en 1998 dans un garage de Californie par Larry Page et Sergueï Brin, Jochen Kirstätter  affirme qu’à Maurice il est difficile de reproduire ce modèle. Pour appuyer son propos, il cite le cas d’un de ses amis qui conçoit des applications pour téléphones portables à Flic-en-Flac. Ce dernier vend ses services aux pays étrangers dont la Norvège, Singapour et l’Afrique du Sud, n’arrivant pas à le faire à Maurice. Le professionnel s’interroge sur les raisons d’une telle situation. Certain que son ami pourrait vendre ses applications sur le marché local, en collaborant avec les deux principaux opérateurs de téléphonie mobile du pays, par exemple, il blâme le manque d’opportunités et un marché trop fermé.

Quant à IOS, elle travaille actuellement avec une firme comptable de l’île en vue de rendre son système de traitement de données plus performant. La finalité de l’exercice étant que l’entreprise réalise des gains de temps, ce qui représentera des frais moins conséquents pour la clientèle. Toutefois, Jochen Kirstätter indique que leurs plus gros clients se trouvent à l’extérieur, soit en Amérique du Nord, en Australie et en Europe, insistant sur le fait qu’ils paient bien. «Aujourd’hui, grâce à l’Internet, il nous est facile de communiquer avec eux à travers Skype. Les documents, les requêtes ou les spécifications peuvent être échangés via le Cloud. Avec ces outils, nous autres développeurs sommes à même de livrer nos produits n’importe où dans le monde», explique notre interlocuteur. «Le monde est plat pour nous», précise-t-il.

Pour le développeur, la transformation de Maurice en Information Technology (IT) Hub, comme le veut le gouvernement, est réalisable à certaines conditions, notamment que l’accès à l’Internet à haut débit soit élargi et moins coûteux, ce qui aiderait l’île à «bouger au rythme de la région». De fait, Jochen Kirstätter est d’avis qu’il ne faut pas se bercer d’illusions : la compétition en Afrique sera très agressive dans les années à venir et cela constituera une menace pour le rêve mauricien. Et de conclure que «Maurice devra alors compter sur ses propres talents mais pour qu’ils émergent, il faut que les autorités leur donnent plus de visibilité».

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