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Portrait Rencontre

Nabou Fall – L’écrivaine à la fibre entrepreneuriale

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Nabou Fall - L’écrivaine à la fibre entrepreneuriale | business-magazine.mu

Avec un visage aux traits de madone, une imposante taille, de grosses lunettes de fashionista et un style à part, elle ne passe pas inaperçue. Si bien que les éclats de rire retentissent et les paroles avisées abondent quand elle est dans les parages. Belle et rayonnante, Nabou Fall, née à Dakar, au Sénégal, élevée en Côte d’Ivoire, diplômée de France, qui a enfanté de deux garçons aux États-Unis et vivant entre Kinshasa et d’innombrables escales internationales, est une personne au regard avisé. «Connecter avec les gens, c’est une question d’énergie. C’est spontané. On n’y peut rien. On peut connecter avec quelqu’un dès le premier regard et côtoyer d’autres mais ne jamais ressentir cette proximité, cette connexion. Pourtant, des fois, il suffit de gratter un peu sous l’écorce, de rencontrer la personne dans d’autres circonstances et on la découvre sous un jour nouveau», explique celle que l’on pourrait décrire comme une véritable citoyenne du monde.

Nabou Fall s’exprime avec la conviction de ces personnes qui ont vécu plusieurs vies en une et qui sont des globe-trotters avérés. En effet, elle a démarré sa carrière très tôt dans le domaine des télécommunications. «Mon premier poste était comme Responsable Marketing à Abidjan, pour la société MTN», se remémore-t-elle. Nabou Fall était alors loin de se douter que ce premier poste l’emmènerait ensuite en Égypte, puis au Congo, pour endosser des postes à responsabilités dans de grandes compagnies comme MTN et Vodafone. «J’étais à cette époque la seule femme du groupe MTN ayant un poste d’expat», se souvientelle. Son dernier poste dans le domaine sera celui de Directrice Générale en République démocratique du Congo.

Ayant toujours eu la fibre entrepreneuriale, Nabou Fall fait le choix, en 2007, de voler de ses propres ailes et lance son agence de communication. Dorénavant, ses bureaux en Côte d’Ivoire et au Mali ont une activité spécialisée en gestion de panneaux publicitaires. Outre cette activité, la dirigeante est une bloggeuse suivie à travers l’Afrique. De fil en aiguille, elle se lancera dans l’écriture et travaille sur son deuxième roman. «J’ai voulu donner de la voix à la femme africaine à travers mon blog mais aussi à travers mon premier roman. Dans les médias, on rencontre souvent le point de vue occidental, extérieur, voire masculin, mais pas celui des femmes africaines ellesmêmes», expose-t-elle. Son premier roman, enchaîne-telle, raconte tout cela à travers l’histoire d’une femme mariée qui apprend à s’affirmer. «Bien souvent, dans un monde dominé par les hommes, les femmes n’ont pas confiance en elles», constate l’écrivaine. Nabou Fall observe que les hommes savent se regrouper, créer des réseaux et se soutenir, notamment pour faire des affaires. Tel n’est pas le cas pour les femmes. 

REVALORISER LA FEMME

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Appelée à s’adresser à des entrepreneures dans des villes et villages d’Afrique, mais aussi en Europe et ailleurs dans le monde, elle se dit touchée par les réactions des femmes à qui elle s’adresse. «Une entrepreneure analphabète a enregistré une de mes causeries. Elle est venue me voir en me racontant que dans les moments de doute, elle réécoute cette causerie, qui lui redonne confiance en elle», confie une Nabou Fall émue. Ces rencontres autour du monde lui montrent à quel point l’écart est grand entre le réseau de soutien qui existe pour les hommes qui se lancent dans les affaires et celui des femmes. «Women in Boardroom est une organisation qui regroupe des femmes influentes du monde : des ministres, des dirigeantes, des femmes d’affaires, des consultantes de tous bords. Mais, à l’échelle mondiale, ce groupe de femmes est minoritaire. Et, tant que la moitié d’une nation ne sera pas valorisée et considérée de manière égalitaire, la société sera toujours en déséquilibre. Il ne faut pas véhiculer l’image de la femme qui ne sait parler que de futilités. Il faut engager les débats au plus haut niveau et faire valoir les femmes qui sont des expertes dans leur domaine, et ont une véritable connaissance, des compétences et une richesse à apporter sur tous les plans. En disant cela, loin de moi l’idée de rabaisser la femme au foyer. Elle aussi contribue à porter la famille et la société de manière puissante.»

Interrogée sur les mouvances telles les cercles de femmes, Nabou Fall hausse les épaules et déclare sans détour : «Oui, pourquoi pas ! Les personnes ont besoin de soutien ou de différentes émotions à chaque pan de leur vie. Alors, pourquoi pas, pendant un temps, se sentir portée et comprise par un cercle de femmes ? Pourquoi pas, dans une autre phase de vie, suivre un parcours spirituel ? Et encore, pourquoi pas suivre sa passion, se plonger dans l’activité professionnelle ? Ou alors, pourquoi ne pas faire le choix d’être une mère de famille bien dans son intérieur ? Qui sommes-nous pour juger ce dont une personne a besoin à un moment de sa vie ? Des fois, un poème peut nous paraître mièvre ou fade. Pourtant, ce même poème peut redonner goût à la vie ou faire totalement sens à quelqu’un d’autre». Pour la chef d’entreprise qui a travaillé aux quatre coins de l’Afrique, l’épanouissement personnel vient de choix privés sur lesquels autrui n’a pas à commenter.

Elle cite une expression connue au Cameroun : «C’est moi qui porte le pantalon et c’est toi que ça serre ?» pour illustrer le fait que selon elle, le monde des affaires est un univers éminemment masculin où les femmes n’arrivent pas forcément à se faire une place et sont jugées, à l’excès, sur leur physique et sur leur apparence. «Il ne viendrait à l’idée de personne de juger un homme sur les vêtements qu’il porte, sur sa coupe de cheveux, sur son embonpoint ou sur le temps qu’il passe loin de sa famille», fait-elle remarquer. Désignant un enfant qui gambade, elle lance : «Cet enfant, c’est celui d’une des participantes à cette formation que je suis venue suivre à Maurice, Women in the Boardroom. Certaines sont venues avec leurs maris, d’autres avec leurs enfants, d’autres avec leurs parents. Mais, renversons la perspective : en général, personne ne s’attend à ce qu’un homme fasse un déplacement professionnel avec son bébé.»

Cette mère de jumeaux qui œuvre sans relâche comme dirigeante, consultante, bloggeuse et écrivain, conclut : «Mes deux fils sont mes plus grands supporteurs. Quand j’hésite à prendre l’avion pour traverser la moitié de la planète pour m’adresser à des entrepreneures, ce sont eux qui m’encouragent à aller de l’avant. C’est ainsi que nous devons élever nos fils : à nous respecter comme mère, femme active, partie prenante de la société avec une voix et une grande capacité transformatrice».