Type to search

Portrait Rencontre

Vincent Degert (Ambassadeur de la Délégation de l’Union européenne) – Le rassembleur

Share
Vincent Degert (Ambassadeur de la Délégation de l’Union européenne) - Le rassembleur | business-magazine.mu

Vincent Degert était presque prédestiné à venir à l’île Maurice. Fils de parlementaire de l’Union européenne, il s’est intéressé très tôt aux enjeux de la relation de cette union économique et politique avec les pays ACP, dont les îles. L’appel de la mer a fait le reste pour ce passionné de plongée et de protection de l’écosystème marin. Quatre années après avoir été au cœur de la gestion de la crise politique et sociale en Haïti, il a voulu aller à la rencontre d’une autre réalité. Maurice a été le premier choix d’affectation du nouvel ambassadeur de la Délégation de l’Union européenne.

Il a foulé le sol mauricien «un jour béni», jour de commémoration de la mort de Jacques Désiré Laval, le 9 septembre dernier, et jour de la visite au pays du Pape François. Sa prise de fonction a été plutôt discrète, en attendant de présenter ses lettres de créance au chef d’État mauricien. S’en est suivi un déjeuner de travail pour une prise de contact avec la presse et ensuite, en sa capacité de nouvel ambassadeur de la Délégation de l’Union européenne à Maurice, le suivi d’un projet de taille pour les relations économiques évolutives avec le Vieux Continent : la première réunion technique sur l’approfondissement de l’Economic Partnership Agreement intérimaire entre l’Union européenne (UE) et l’Afrique subsaharienne.

Droit dans ses bottes est l’expression qui nous vient en tête lors de cet échange à son bureau, à Port-Louis. Fonctionnaire de carrière de l’institution européenne, Vincent Degert est fils d’une ex-parlementaire européenne engagée sur les questions relationnelles entre l’Union européenne et les pays ACP. Tout est dit, ou presque. Sa voie semble presque déjà tracée dès le départ, bien qu’aucun autre membre de la fratrie Degert ne lui ait emboîté le pas. Ni encore aucun de ses enfants. D’ailleurs, quand on demande à Vincent Degert quel autre métier il aurait pu exercer que fonctionnaire international de l’Europe, sa réponse est sans équivoque : «Je n’ai jamais imaginé faire autre chose que ce métier !»  

},

«J’ai eu la chance d’avoir ma mère qui travaillait au Parlement européen, et qui s’occupait déjà, à l’époque, des pays ACP. Ce qui fait que c’est un héritage familial très ancien.

J’ai eu la chance et le plaisir de fréquenter également une école européenne. Quand on fréquente une école, où déjà à l’époque l’on est appelé à côtoyer six nationalités, une ambition particulière et riche se dessine… Ma thèse de doctorat était sur les accords de pêche entre l’UE et les pays ACP, et on était en 1983 ; c’était la préhistoire des accords de pêche», lâche-t-il, amusé.

Bien que de nature discrète au premier abord, notre interlocuteur se laisse aller à quelques confidences. Cosmopolite de par son éducation et sa profession, Vincent Degert est originaire d’Alsace. Au cours de son cheminement dans la vie, il a migré avec sa famille au Luxembourg, siège de la Commission européenne, avant de prendre le chemin de Strasbourg pour faire ses études. De sa voix grave, posée et ses propos déliés, il confie avoir démarré sa carrière professionnelle en travaillant pendant trois ans pour une entreprise engagée dans la promotion des exportations des entreprises de sa région, l’Alsace.

C’est en 1987 que débute sa carrière de fonctionnaire européen. «J’ai rejoint l’institution européenne à l’époque de Jacques Delors (ndlr : président de la Commission européenne de 1985 à 1990) pour travailler d’abord sur les questions des défavorisés de l’UE. On parlait alors de l’Irlande, de l’Italie du Sud, de la Grèce, après la chute du mur de Berlin, de toute l’Allemagne de l’Est, qui fait également partie de l’espace européen. J’ai aussi eu la chance de travailler sur la thématique de l’élargissement de l’UE. J’ai fait partie de l’équipe ayant négocié «le grand élargissement de 2004» pour une Union européenne et effectivement, la zone a accueilli dix autres pays qui venaient d’un système centralisateur qui était l’Union communiste, qu’on appelait l’Allemagne de l’Est. À l’époque, le processus était communément appelé la grande réconciliation de la famille européenne».

Ce travail lui donne envie ensuite de participer physiquement à la concrétisation du même processus sur les territoires concernés. C’est ainsi qu’il embarque pour les Balkans. Sa première affectation dans l’ex-Yougoslavie et en Croatie «pour préparer l’adhésion de la Croatie à l’UE». Il y travaille de 2005 à 2009, et la Croatie est devenue membre en 2013. «Un travail réussi dans ce cadre-là», souligne-t-il. Il est ensuite envoyé dans le pays voisin, la Serbie, pour répliquer la même tâche. «C’était un peu plus ardu, car les liens avec l’UE étaient à ce moment plus distants et compliqués. La Serbie n’est toujours pas membre à ce jour, ce qui veut dire qu’il y a encore beaucoup à faire. Il y a cependant une forme de progrès de rapprochement pour devenir membre de l’Union européenne». On oublie de rappeler, ajoute-il d’ailleurs en boutade, «qu’il n’y a pas que des gens qui veulent quitter l’UE, d’autres veulent la rejoindre.»

Passionné par l’eau et la mer, il est foncièrement attiré par les îles. C’est ainsi qu’il porte son choix après les Balkans sur Haïti, où il a été posté pendant quatre années. L’envie d’aller explorer d’autres océans lui fournit une inclination naturelle pour l’île Maurice. «Maurice était effectivement mon premier choix. D’abord, parce que j’aime apprendre de différentes zones, et ensuite parce que je viens d’un pays en plein crise. C’est aussi dans l’esprit de travailler davantage sur la durée et la construction, que la gestion de crise, et de faire réaliser certains projets.» Les enjeux relatifs à la mer et à l’environnement le tiennent également à cœur, et rejoignent les valeurs qui régissent le fonctionnement de l’Union européenne. Comme l’approfondissement constant entre le Vieux Continent et ses partenaires, dont Maurice.

«Je suis originairement d’une région frontalière de l’UE, un pays qui a été déchiré par deux grandes puissances européennes. Cette histoire personnelle, familiale, ce contexte et le processus influent forcément sur mon engagement européen, et mon aversion sur tout ce qui est mur, séparation entre les personnes et les cultures. J’ai toujours placé mon engagement européen profond dans cette dynamique, que ce soit le rapprochement des régions, l’adhésion de certains pays, et aujourd’hui sur le partenariat entre l’Union européenne et ses pays partenaires, et dans le cas actuel, Maurice, qui est un partenaire proche et de longue date.»

Qui dit approfondissement des relations, comme le souligne l’ambassadeur de la Délégation de l’UE auprès de la République de l’île Maurice et des Seychelles, dit travailler sur les grands enjeux internationaux «pour qu’on puisse avoir des convergences de vue et des partenariats solides sur des thématiques comme le changement climatique…»

• La plongée sous-marine est une passion familiale chez les Degert. «C’est un espace de découvertes, de tranquillité, et d’apesanteur. L’année dernière, je me suis amusé à faire une expérience sous-marine à 300 mètres de profondeur pour voir ce qui se passe dans les profondeurs du monde aquatique» • Les bons spots de plongée déjà repérés autour de l’île: île Ronde, Coin de Mire…

• Sportif chevronné et multidisciplinaire, Vincent Degert a été capitaine de rugby. Il se consacre aujourd’hui une demiheure de sport par jour, et des heures plus intenses le week-end.

• «Mon genou ne me permet plus de faire du marathon.» L’ancien marathonien s’est donc converti au vélo elliptique.

• Les qualités qui l’animent au quotidien et l’exercice de ses fonctions sont une grande persévérance dans son caractère, une grande capacité de résistance et de résilience à l’effort, une capacité morale et physique de ne pas dévier des objectifs fixés; la capacité de trouver des solutions et des pistes pour faire avancer des sujets