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Portrait Rencontre

Winda Chevalier (Associate partner, EY Maurice) sans limites

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Winda Chevalier (Associate partner, EY Maurice)

À force de persévérance, on parvient à tout réussir. Cette phrase pourrait résumer le parcours de Winda Chevalier, fraîchement nommée Associate partner d’EY Maurice/

VOIR plus grand est omniprésent chez notre interlocutrice mais elle n’en délaisse pas moins la qualité dans tout ce qu’elle entreprend Si aujourd’hui elle tire les ficelles au sein d’un des leaders mondiaux des services de l’audit, de la fiscalité, de la transaction et du conseil, Winda Chevalier n’en oublie pas moins ses racines. Issue d’une famille modeste, elle a très vite pris conscience des sacrifices qui ont été faits pour elle. «Mes parents n’étaient pas scolarisés mais ils se débrouillaient quand même pour nourrir leur famille. Mon père confectionnait des casiers pour pêcheurs alors que ma mère se chargeait de l’achat des matières premières et de la gestion des clients. Si j’ai la chance d’avoir une vie plus aisée, c’est surtout grâce à tous les sacrifices des hommes et des femmes qui ont été là avant moi

Cette vie-là, Winda Chevalier l’avait en ligne de mire depuis sa jeunesse. Après avoir obtenu un BSc en Accounting and Finance à l’Université de Maurice, elle décroche son ACCA (Association of Certified Chartered Accountants) pendant qu’elle travaille pour la firme comptable BDO en tant qu’assistante d’audit. Elle se rend ensuite en France pour se marier à Jérôme Chevalier et, une fois le mariage acté, elle décide de s’établir dans l’Hexagone.

Mais en France, ses qualifications ne lui permettent pas d’accéder aux postes voulus, les firmes françaises exigeant des diplômes français. Winda Chevalier ne baisse pas pour autant les bras : «Les expériences, aussi douloureuses qu’elles puissent être, permettent de passer un cap. J’ai travaillé dans une entreprise familiale à taille humaine.» La particularité de cette entreprise ? Elle compte majoritairement des employés autrement capables. «C’était une expérience unique pour moi car cela m’a permis de voir les choses différemment. Voir quelqu’un se dépasser malgré un handicap, cela me permet aujourd’hui de dire que les limites, je ne peux en avoir.»

L’aventure n’aura cependant duré que deux ans. «Nous avons été contraints de mettre la clé sous la porte après la crise financière de 2008. Du coup, je suis repartie à l’école ; j’ai fait un master à l’université de Nantes en contrôle, comptabilité et audit. L’obtention de ce diplôme m’a ouvert les portes de KPMG France, om j’ai fait un stage

Pendant que Winda Chevalier gravit les échelons au sein de la firme comptable, sa famille s’agrandit avec la venue au monde de Timéo et d’Eva. «Je dis toujours que je suis maman avant d’être professionnelle, mais le fait d’être maman me permet d’être une meilleure personne, que ce soit dans ma vie professionnelle ou dans mes relations de tous les jours

Retour au pays

Dans le sillage de la mort de son père, Winda Chevalier décide que c’est l’heure de rentrer au bercail, auprès de sa mère, accompagnée de sa petite famille fraîchement fondée. S’écrit alors une nouvelle page de son parcours atypique. C’est en 2016 qu’elle fait ses débuts chez EY en tant que manager. «La première année était difficile ; même si je suis mauricienne, les choses ont évolué au niveau culturel. De plus, mon travail était jusque-là encadré par des normes et des lois françaises. Il m’a fallu donc apprendre de nouvelles régulations et aussi m’adapter à Maurice

Outre l’usage optimal de son temps pour se remettre à la page, notamment en transformant sa voiture en “université sur roues”, écoutant des podcasts et lisant des livres, Winda engage aussi un coach de vie. «C’est quelqu’un qui, à travers des séminaires, m’a aidée à prendre plus de recul, à établir un ordre de priorité au sein de mes tâches, à améliorer ma communication et à mieux gérer mes journées

La gestion du temps se révèle être un exercice à la fois primordial et difficile quand on doit s’occuper d’une famille : «Ça a été et ça restera difficile. Il faut accepter qu’il y a eu et qu’il y aura des moments où je ne passerai pas la quantité de temps voulue avec mes enfants à cause du boulot. Mais quand je suis avec eux, je suis vraiment avec eux, et c’est ça qui fait vraiment la différence pour moi. Un des plus gros défis dans notre métier est bien de trouver cette balance entre vie privée – vie professionnelle

Nommée Associate Partner en juillet dernier, celle qui est dans l’audit depuis 15 ans nous donne un aperçu de son métier, qui perd en attractivité, regrette-t-elle: «Le métier de l’audit contribue à la confiance autour de la communication financière, ainsi qu’à la qualité et à la transparence de l’information utile à la prise de décision économique des investisseurs. Mais c’est un métier qui implique beaucoup plus que la comptabilité ou les chiffres ; il permet aussi de rencontrer des gens de tous bords et d’échanger avec eux. Par exemple, j’ai des collègues en Inde et en Afrique du Sud, et le partage mutuel de nos expériences est plus qu’enrichissant, tant sur le plan professionnel que personnel. S’il n’y avait pas cet aspect relationnel, agrémenté d’une notion de challenge personnel, je ne serais pas restée 15 ans dans le domaine. Donc non, l’audit n’est pas ennuyant, contrairement aux idées reçues

Pour Winda Chevalier, devenir Associate Partner est avant tout une fierté ; cela implique évidemment plus de responsabilités, mais le métier reste fondamentalement le même. Il est donc impératif pour elle de garder les pieds sur terre. «En tant qu’Associate Partner, et de ce fait partie intégrante du leadership à EY, l’inclusion de tous est un de mes chevaux de bataille, et je suis très contente d’être au sein d’une entreprise qui abonde en ce sens

La quadragénaire a cofondé en 2021 The Board of Good, une plateforme visant à rendre plus visibles des femmes occupant ou aspirant à des postes à haute responsabilité. «Le but n’est pas de remplacer les hommes ; on collabore d’ailleurs avec ces derniers pour qu’ils partagent leur expérience avec nos membres. Pour moi, The Board of Good relève plus d’une avenue pour amener de la diversité au niveau des preneurs de décisions. On voit bien trop souvent un stéréotype se dégager en termes d’individus – mêmes écoles, même culture, mêmes façons de penser. Les décisions prises ne peuvent alors pas s’appuyer sur la richesse de différentes opinions

Concernant ses objectifs, Winda Chevalier confie que le plus important pour elle, c’est le patrimoine qu’elle laissera aux autres : «Je n’ai plus autant d’objectifs que je n’en avais, jeune. Le but est maintenant de semer les bonnes graines. The Board of Good et les valeurs que je véhicule en sont quelquesunes, pour que demain les autres récoltent les fruits, mais continuent aussi le travail. Et puis, bien sûr, j’ai des objectifs beaucoup plus simples comme voyager, aider les jeunes à réaliser leur plein potentiel, avoir des dossiers de qualité et surtout passer un peu de vacances (rires). Si je peux réaliser tout ça tout en étant une bonne maman, j’aurai déjà accompli énormément de choses

Winda Chevalier (Associate partner, EY Maurice) EN APARTÉ

Les chiffres – 10, nombre d’années que Winda Chevalier a passées en France 300, le nombre de membres de The Board of Good après 1 an 30, l’âge à laquelle Winda a tout recommencé dans sa carrière

Impact de la Covid – Si la pandémie a fait vivre au monde des moments difficiles, Winda a su en tirer profit : «Depuis la Covid, il y a plus de flexibilité, que ce soit au niveau des horaires ou de la possibilité de faire des réunions en ligne. Je peux donc passer plus de temps avec mes enfants.»

The Board of Good n’est-il pas qu’un mouvement parmi tant d’autres ? «Non ! Il en faut, au contraire, encore plus d’initiatives comme celle-ci pour créer un effet boule de neige qui impactera positivement le monde du directorat.»

 

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