Type to search

Votre santé +

Dr Pranavsingh Dhunnoo : « l’approche centrée sur le patient est essentielle à l’ère de la santé numérique»

Share

L’intelligence artificielle, la réalité virtuelle, les assistants robotiques et une pléthore d’autres technologies avancées faisant partie du domaine émergent de la santé numérique sont sur le point de bouleverser le paysage des soins de santé tel que nous le connaissons. Ces mêmes technologies ont contribué à la fourniture de soins de santé pendant la pandémie et sont bien adaptées pour remanier efficacement le système de santé bien au-delà de la crise de santé publique, fait ressortir le Dr Pranavsingh Dhunnoo.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire Pandemic And Beyond ?

Au niveau local, il n’y a pas eu de discussion, ni même de sensibilisation générale au domaine passionnant de la santé numérique, ni même d’efforts notables dans ce sens. Les possibilités qu’elle offre et la manière dont elle peut bouleverser le paysage des soins de santé tel que nous le connaissons n’ont pas été envisagées. Mais la pandémie a mis à nu les lacunes du système de santé, tant au niveau local que mondial, et a conduit à l’adoption généralisée d’outils de santé numériques tels que la télémédecine et les logiciels de vérification des symptômes. Celles-ci étaient des solutions toutes faites pour répondre aux problèmes liés à la Covid-19, comme la nécessité de limiter les contacts physiques et de minimiser les infections croisées tout en assurant l’accès aux soins médicaux.

Ces besoins ont également été ressentis à Maurice et le moment semblait opportun pour présenter au grand public mauricien le concept de santé numérique. La façon dont les approches y sont liées est pertinente pour relever les défis mis en évidence pendant la pandémie ; et comment ces mêmes approches peuvent être utilisées après la pandémie pour améliorer l’expérience des soins de santé locaux.

Pandemic And Beyond visait justement à atteindre cet objectif. Mais ce livre n’est pas sorti de nulle part. Ayant été professionnellement impliqué dans le domaine depuis plus de quatre ans et plus à un niveau académique, et ayant interagi avec de nombreux experts du secteur et écrit huit e-books sur des sujets pertinents pour des audiences internationales, j’ai écrit et publié Pandemic And Beyond en 2021 pour aider le grand public mauricien à se familiariser avec la santé numérique. Cette démarche personnelle a également été motivée par le fait que je n’ai vu personne localement sensibiliser le public à ce domaine, même si des centaines de nouveaux médecins et spécialistes sont recrutés chaque année.

Il est frappant de constater qu’il n’y a aucun spécialiste de la santé numérique, même si celle-ci est le domaine vers lequel gravite le secteur médical à l’échelle mondiale. À ce titre, en publiant Pandemic And Beyond et en l’étayant de preuves factuelles sur la façon dont les technologies de science-fiction peuvent être mises en œuvre dans le paysage médical, j’ai voulu montrer que la santé numérique est une approche viable pouvant améliorer l’ensemble du système de soins de santé et que nous avons beaucoup à gagner en élaborant des stratégies dans ce domaine.

Le secteur de la santé tend à franchir le pas de la digitalisation. Donc, on peut espérer qu’au final, cela fera gagner du temps pour une meilleure qualité de soins ?

Comme vous l’avez dit, le secteur des soins de santé s’oriente vers la numérisation et c’est parce qu’il s’agit de l’éventuelle prochaine étape dans ce domaine. Cela, pas seulement en raison de la commodité qu’offre un paysage sanitaire numérisé en termes de tâches administratives ou pour le suivi des dossiers médicaux des patients, mais aussi en raison de la démocratisation des soins de santé qu’il offre.

Aujourd’hui, les patients peuvent surveiller leurs paramètres de santé à distance, consulter des spécialistes médicaux en ligne et vérifier leurs symptômes via des applications de vérification des symptômes alimentées par l’Intelligence Artificielle. Par exemple, un patient cardiaque peut surveiller son activité cardiaque depuis son domicile à l’aide d’appareils ECG portables ou même de sa smartwatch et envoyer les données personnalisées recueillies à son médecin. En cas de lecture anormale, ce dernier peut discuter avec son patient lors d’un appel de télémédecine pour savoir s’il doit se rendre dans un établissement médical pour des analyses plus approfondies. Comme indiqué dans Pandemic And Beyond, les tâches administratives et manuelles peuvent également être automatisées dans une certaine mesure par des logiciels et des robots, de sorte que les aspects répétitifs soient réduits pour le personnel médical.

En ce sens, la numérisation des soins de santé peut réduire la charge des établissements de santé en déchargeant une proportion importante des visites médicales de routine et en réduisant la nécessité d’un travail administratif répétitif. Cela peut, à son tour, conduire à une réduction du temps de déplacement des patients, qui peuvent avoir une consultation médicale depuis leur domicile. Ce qui en retour permettra au personnel médical de se consacrer aux cas urgents.

Toutefois, lorsqu’il s’agit de la numérisation des soins de santé, il faut veiller à ne pas se focaliser sur l’informatique de santé ou les dossiers médicaux électroniques (DME), car ceux-ci peuvent avoir l’effet exactement inverse. Certaines analyses montrent qu’environ 70 % des médecins ne sont pas satisfaits des systèmes de DME qu’ils utilisent et que certains passent même jusqu’à la moitié de leurs journées de travail à saisir des données dans les DME et ne consacrent que 27 % de leur temps aux patients. De plus, certaines enquêtes indiquent que 40 % des médecins considèrent que les DME présentent plus de difficultés que d’avantages, et 71 % d’entre eux sont d’avis que ces systèmes contribuent à l’épuisement des médecins. Les DME auraient pu être des options viables dans les années 80 et 90, lorsque le secteur a commencé à s’informatiser et à abandonner les systèmes à base de papier. Mais à l’ère de la santé numérique, il existe des solutions plus efficaces pour alléger ce fardeau, comme la technologie de conversion de la voix en texte proposée par des sociétés comme Nuance.

Ainsi, au lieu d’investir dans des outils peu fiables et désormais dépassés, nous devrions envisager d’investir dans des alternatives plus efficaces, présentes dans l’ère de la santé numérique. Et cela est possible en comprenant le domaine et en sachant faire la différence entre les approches et les technologies qui se chevauchent et qui peuvent conduire à de mauvaises décisions et à des investissements mal avisés. J’explore longuement cette distinction entre les approches numériques qui se chevauchent dans Pandemic And Beyond et la nécessité de comprendre ces différences pour une refonte numérique efficace du système de santé.

Est-ce à dire que la digitalisation représente une vraie opportunité non pas juste pour le secteur de la santé mais aussi pour des start-up ?

Sans aucun doute, surtout à Maurice où l’approche des soins de santé telle que nous la connaissons est franchement dépassée. La numérisation du secteur des soins de santé peut permettre aux patients d’avoir un meilleur accès aux soins médicaux où qu’ils se trouvent et leur donner accès à leurs données de santé à distance pour leur propre suivi ou même pour un deuxième avis. Le personnel médical peut avoir un meilleur aperçu intégré des dossiers médicaux des patients sans avoir à se fier aux dossiers papier qui peuvent être perdus ou déplacés.

Les pharmacies peuvent offrir une expérience qui va au-delà de la simple distribution de médicaments et adopter une beyond-the pill approach, où un service technologique, tel qu’une application de surveillance et des consultations télémédicales, est lié à un produit médical. Les compagnies d’assurances peuvent utiliser des mesures personnalisées dérivées des capteurs de santé personnels et des wearables pour proposer des formules sur mesure aux patients. Un écosystème de start-up florissant peut se développer autour de toutes ces opportunités et bien plus que ce qu’offrent les approches numériques de la santé. De cette manière, les approches numériques de la santé couvrent l’ensemble du paysage médical et des soins de santé et peuvent bouleverser ce paysage de manière positive.

Toutefois, s’il s’agit là d’un réel potentiel, celui-ci ne peut être réalisé que si l’on comprend les subtilités de la santé numérique et si l’on inclut les parties prenantes à tous les niveaux dans les discussions pertinentes. Sans l’étincelle de cette conversation initiale, nous ne pouvons pas espérer bénéficier de la modernisation des soins de santé de manière efficace.

En considérant le système de santé dans son ensemble – prestataires, médecins, patients – où voyez-vous le plus et le moins d’ouverture à l’innovation ?

Ce qui est intéressant dans le domaine de la santé numérique, c’est qu’il s’agit d’une toute nouvelle dimension des soins de santé et qu’en tant que telle, elle offre de nombreuses possibilités d’innovation à tous les niveaux.

Nous avons vu comment les pharmacies et les compagnies d’assurances peuvent adopter ces tendances innovantes, mais les patients pourraient être les acteurs les plus ouverts à l’adoption d’approches novatrices. Puisque c’est leur santé qui est en jeu, ils auront tendance à privilégier les approches qui facilitent la gestion de leur état et améliorent l’accès aux soins. Ils pourraient, par exemple, faire séquencer leur patrimoine génétique par une société étrangère et faire analyser les données pour connaître les risques qu’ils courent pour certaines maladies et prendre des mesures préventives. Les start-up et les entrepreneurs disposent ainsi d’une voie prometteuse pour apporter de telles innovations aux patients, que ce soit en adaptant les services localement ou en étendant les services vérifiés à Maurice. L’approche centrée sur le patient est essentielle à l’ère de la santé numérique.

Ce qui pourrait étouffer l’innovation, c’est la réticence à adopter de nouvelles approches et technologies de la part de tout acteur majeur, qu’il s’agisse des régulateurs, des décideurs politiques ou des médecins. C’est pourquoi nous devons lancer des forums de discussions autour de ces sujets qui impliquent des représentants de chaque partie prenante du secteur de la santé pour peser les avantages et les défis liés à l’innovation en matière de soins de santé.

Une voie efficace vers un écosystème de santé numérique florissant nécessitera un effort concerté de la part de tous les acteurs du domaine, et ils doivent communiquer entre eux à cette fin.

Justement, en parlant de réticence, est-elle présente au niveau du personnel médical dans l’adoption de la digitalisation ?

Traditionnellement, le personnel médical se montre réticent lorsque de nouvelles approches peuvent perturber leurs méthodes éprouvées pour pratiquer l’art vénéré de la médecine. Cela n’est peut-être pas très connu aujourd’hui, mais même le stéthoscope emblématique du médecin était sujet à beaucoup de scepticisme lorsqu’il a été introduit au 19e siècle. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous attendre à voir un médecin sans stéthoscope. De même, les technologies numériques de la santé peuvent être considérées comme des gadgets peu fiables qui peuvent détourner l’attention de la pratique réelle de la médecine.

Si le marché est effectivement inondé de ces gadgets, il existe des solutions cliniquement validées qui peuvent aider les professionnels de la santé à perfectionner leur métier. Mais à l’avenir, des outils tels que l’assistant à travers l’intelligence artificielle et les capteurs de santé personnels seront synonymes de pratique médicale, comme l’est aujourd’hui le stéthoscope. Et c’est là qu’intervient la néces[1]sité de comprendre ces solutions efficaces, de les adopter dans la pratique clinique et de les mettre en œuvre dans le parcours médical médecin-patient. Les médecins peuvent servir de guides dans cet océan de technologies et les patients peuvent apporter les données personnalisées collectées à l’aide des outils recommandés afin que les médecins puissent les analyser plus en détail.

Cette nécessité pour une nouvelle dynamique entre médecins et patients et leurs nouveaux rôles de partenaires dans le parcours de soins représente un besoin de changement culturel. Un tel changement, en plus de l’adoption de la technologie, fait partie intégrante d’une transformation numérique efficace. Il ne s’agit pas d’un processus qui se déroule du jour au lendemain, mais d’un processus plausible et à long terme qui peut améliorer positivement l’expérience des soins de santé.

Comment caractérisez-vous l’état de la transformation digitale dans les soins de santé à Maurice ?

Si l’on considère le système de santé public, je pense que nous pouvons tous faire nos propres observations à partir de nos propres expériences. Et d’après les miennes, il semble que la transformation numérique ne soit pas vraiment au centre des préoccupations actuellement. Les dossiers médicaux sont toujours conservés sous forme de documents papier, les patients doivent être physiquement présents dans un établissement de santé pour obtenir des informations de base sur leurs antécédents médicaux et nous ne voyons nulle part la promotion d’outils numériques centrés sur le patient, comme les inhalateurs intelligents ou les stéthoscopes numériques. Les capteurs de santé personnels, la facilité d’accès à son propre dossier médical et l’accès à distance aux conseils médicaux sont quelques-uns des éléments clés nécessaires pour décentraliser l’accès aux soins (ce qui est au cœur de la transformation numérique), mais ce sont malheureusement des concepts pour la plupart étrangers à notre contexte local.

Toutefois, certaines mesures prometteuses montrent une certaine inclinaison vers la transformation numérique, comme l’apparition de certains services locaux de télémédecine. Mais nous avons besoin d’une impulsion beaucoup plus forte de la part d’acteurs plus importants pour provoquer une transformation numérique significative.

Que devons-nous faire pour permettre cette transformation numérique significative ?

Tout commence par la discussion, et il y a un manque inquiétant d’une telle discussion à un niveau plus élevé localement. Si nous ne lançons pas de discussions sur la santé numérique et la transformation qui en découle, nous ne pourrons pas transformer efficacement le système. Comme je l’ai expliqué dans Pandemic and Beyond, même avec toutes les dernières technologies médicales à portée de main, nous ne pouvons pas espérer qu’elles soient correctement mises en œuvre si les médecins ne comprennent pas ces technologies et si les patients ne savent pas si un appareil ou un logiciel leur convient.

Nous devons encourager le débat sur la santé numérique, faire en sorte que le personnel médical se familiarise avec ses subtilités, éduquer les patients sur les avantages des outils pertinents et faire en sorte que les décideurs politiques garantissent un paysage sécurisé et réglementé pour l’utilisation des technologies connexes. Sinon, l’adoption de la santé numérique ne se fera pas efficacement et nous serons toujours tributaires d’approches dépassées.

Pandemic And Beyond, explorer la santé numérique

Afin de souligner la pertinence de la santé numérique et de permettre à chacun de se familiariser avec ce domaine, Pandemic And Beyond explique les termes pertinents, explore les perspectives mondiales du domaine, fournit des scénarios possibles concernant la mise en œuvre de la santé numérique et envisage les défis à relever tout au long du parcours de mise en œuvre. Le Dr Pranavsingh Dhunnoo espère que ce livre contribuera à attirer l’attention de tous les acteurs de la santé – patients, médecins, décideurs politiques, entrepreneurs – sur ce domaine afin qu’ils soient mieux préparés à relever les défis liés à la santé numérique. Pandemic And Beyond est disponible dans les librairies de l’île à Rs 275 ainsi qu’en version numérique via le lien suivant : HYPERLINK “https://leanpub.com/pandemic_and_beyond” https://leanpub.com/ pandemic_and_beyond.

Tags:

You Might also Like