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Édito

Le calendrier économique s’emballe

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Richard Lebon

La machinerie est en branle en vue de la présentation de la loi de finances. Après avoir invité les parties prenantes à soumettre leurs propositions en vue des consultations pré-budgétaires, le ministre des Finances a surpris les dirigeants syndicaux en les invitant, mardi, à la table des discussions.

Pour le dernier Budget de la présente mandature, Renganaden Padayachy est, sans doute, décidé à frapper un grand coup. Clairement, au vu du contexte électoral, il faudra marquer les esprits. À la veille d’un scrutin populaire, le Budget national est un instrument puissant qui permet de rallier la masse à une cause politique. Depuis l’Indépendance, tous les régimes en place ont privilégié la realpolitik aux dépens des priorités économiques s’inscrivant sur les moyen et long termes. Car, ce qui importe, c’est d’obtenir un nouveau mandat. Le Grand argentier se pliera-t-il à cette réalité implacable ?

Déjà, le Premier ministre a pris les devants en annonçant, avant son départ pour Agalega (où il procédera à l’inauguration des installations aéroportuaires développées par l’Inde pour plus de Rs 13 milliards), qu’il allait concrétiser rapidement sa promesse électorale de majorer la pension de vieillesse à Rs 13 500 pour toutes les catégories de pensionnaires. La question se pose : Pravind Jugnauth attendra-t-il jusqu’au Budget pour avaliser cette mesure sociale forte déjà actée ? Ou bien est-ce qu’il garde quelques autres cartes soigneusement cachées qu’il abattra en juin prochain ?

Il serait hasardeux de conjecturer sur un probable renforcement de notre système de protection sociale qui alourdirait encore un peu plus le train de vie de l’État, mais c’est un scénario tout à fait plausible. Peut-être bien que le Budget balisera ce qui devrait constituer le prochain programme gouvernemental du régime en place.

Pour l’heure, le calendrier économique semble s’aligner sur le calendrier politique. Mais, alors qu’il esquisse les contours de son Budget, en tant que ministre de la République mandaté pour servir l’intérêt supérieur de la nation, Renganaden Padayachy a un devoir de responsabilité. Il a tout à gagner en prenant en considération la première mouture des recommandations du Fonds monétaire international (FMI) issues des consultations menées par la cheffe de mission Mariana Colacelli du 9 janvier au 21 février.

La principale observation, c’est que l’économie mauricienne est dans une dynamique de reprise. Quoique moins optimiste que Maurice Stratégie, qui table sur une croissance de 6,5 % du PIB pour 2024, les experts de Bretton Woods anticipent une expansion de l’économie réelle de 4,9 % du PIB. La croissance sera tirée notamment par le dynamisme retrouvé dans le tourisme, la construction de logements sociaux et la solide performance dans le secteur des transports et les services financiers. Concernant l’inflation, elle montre des signes manifestes d’un repli avec un taux en moyenne de 4,9 % attendu pour 2024. Le recul de l’inflation découlera de la dynamique des prix internationaux du pétrole et des denrées alimentaires.

Mais le FMI émet des réserves que les pouvoirs politiques devraient sérieusement considérer. D’abord, l’organisme prône un recalibrage des politiques macroéconomiques tout en soutenant que cela est primordial pour reconstituer nos réserves en devises étrangères, lesquelles étaient calculées autour de 7,3 milliards de dollars en décembre 2023. Une remarque qui n’est point anodine. Déjà, dans son dernier rapport dans le cadre du précédent Article IV publié en juillet 2022, le FMI s’appesantissait sur l’importance de scinder la politique monétaire et la politique fiscale. L’organisme disait comprendre qu’en pleine pandémie, l’État ait eu recours à des mesures exceptionnelles comme le transfert de Rs 140 milliards des coffres de la Banque de Maurice pour financer le Budget 2020-21 (Rs 60 milliards) et pour créer la Mauritius Investment Corporation (Rs 80 milliards, soit 2 milliards de dollars au taux de change de l’époque). Toutefois, il maintient, avec force, que l’État doit racheter la Mauritius Investment Corporation et retourne ainsi son capital à la Banque de Maurice.

Subtilement, le FMI réitère aujourd’hui cette recommandation. Mais, alors que le Trésor public planche sur le Budget et explore les options pour une allocation judicieuse des ressources financières, il est quasi improbable qu’il s’engage dans cette voie onéreuse pour les finances publiques.

Par ailleurs, le FMI recommande le renforcement de l’efficacité de la politique monétaire, tout en intimant à la Banque centrale de garder un œil sur l’évolution des prix et d’ajuster à la hausse son Key Rate si les pressions inflationnistes réapparaissent ; et de mettre en œuvre un plan d’assainissement budgétaire pour réduire la dette publique calculée à 78,6 % du PIB en décembre 2023.

S’agissant de la dette publique, c’est un fait que nous devons ramener cet indicateur au plus près des 70 %, mais ne mettons pas non plus la charrue devant les bœufs. Cela doit se faire sur la durée. Le pays doit consentir à des dépenses d’investissement coûteuses mais vitales, notamment dans le secteur d’assainissement et les énergies renouvelables. Pour cela, il faudra inévitablement aller taper à la porte des institutions multilatérales.

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