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Édito

État providence : la surenchère

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Richard Lebon

Le pays est entré de plain-pied dans la campagne électorale, avec son lot d’excitation et de ferveur populaire, mais aussi d’incertitudes pour la communauté des affaires et des investisseurs. C’est aussi la période où le calendrier économique et le calendrier politique se rejoignent. Ainsi, dans à peine un mois, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, présentera l’ultime budget de la présente mandature. Un Budget qui, à n’en point douter, aura une forte coloration sociale et devrait se focaliser sur le renforcement de l’État providence. Et ce, à un moment où le pouvoir d’achat du Mauricien est sapé par une roupie faible. Le dernier Household Survey de Statistics Mauritius donne un aperçu de la situation. Ainsi, de 2017 à 2023, les dépenses mensuelles des ménages ont fait un bond, passant de Rs 28 750 à Rs 41 870. Rien que sur l’alimentation et les boissons, la dépense moyenne du citoyen a augmenté de Rs 7 160 à Rs 10 480, soit une hausse de 46,4 %.

À la décharge de nos gouvernants, il est important de souligner que cette paupérisation de la population est en grande partie le résultat de la pandémie et de la guerre d’agression de la Russie en Ukraine qui, outre d’affaiblir notre tissu économique et de contraindre les autorités à faire tourner la planche à billets, ont longuement perturbé les chaînes d’approvisionnement et, in fine, fait flamber les prix des produits de consommation courante.

Pendant les prochains mois, les politiques seront tentés par la perspective de reléguer l’économie au second plan au profit des considérations purement matérielles. Dévoilant ses cartes, l’alliance Parti Travailliste-MMM-Nouveaux Démocrates a frappé fort en annonçant lors du rassemblement du 1er mai un ensemble de 20 mesures tombant sous trois piliers : le renforcement de la démocratie et de la méritocratie et l’efficacité de l’ordre public ; le combat contre la corruption et la drogue et l’organisation des courses hippiques ; et l’économie, la justice sociale et l’environnement.

Si les propositions visant à renforcer les institutions démocratiques comme celle consistant à garantir au Directeur des poursuites publiques sa totale indépendance sont pertinentes, ce qui polarise ces jours-ci l’attention, ce sont, bien évidemment, les mesures sociales fortes que l’alliance PTr-MMM-Nouveaux Démocrates envisage de mettre en œuvre si jamais elle n’accédait au pouvoir à l’issue des prochaines législatives.

La première mesure économique de l’Opposition consiste à mettre fin à la dépréciation de la roupie. Quand on sait que notre monnaie s’est dépréciée d’environ 30 % face aux principales devises durant le quinquennat du présent régime, une telle prise de position politique est essentielle. Cette stratégie qui ne comporte pas de coût nécessitera un alignement de la politique fiscale et de la politique monétaire.

En revanche, la gratuité d’Internet et du transport public, y compris du Metro Express (qui soit dit en passant demeure lourdement déficitaire), la révision de la structure des prix des carburants, l’abolition de l’impôt sur le revenu pour les contribuables touchant moins de Rs 1 million par an et le one-off payment des droits d’enregistrement à l’achat d’un véhicule vont lourdement peser sur les finances publiques.

Les autres mesures phares de l’alliance de l’Opposition se rapportent à l’extension du congé de maternité sur 1 an et l’introduction d’un congé menstruel. Dans l’idée, ces mesures progressistes aussi avantageuses que celles des pays scandinaves (ceux-ci sont culturellement et sur le plan de la gouvernance à un niveau avancé) doivent être saluées car elles valorisent la place de la femme dans la société. Concernant la question d’incitation à la procréation, il est difficile d’établir une corrélation directe entre le prolongement du congé de maternité et le taux de natalité. Toutefois, il convient de faire ressortir qu’à Maurice, le nombre de naissances a diminué de près de 75 % en 60 ans. En 2023, le taux de natalité était de 10,2 naissances pour 1 000 habitants. Si cette tendance se maintient, le pays se dirige droit vers une grave crise démographique lors des décennies à venir. D’ores et déjà, plusieurs questions se posent : est-on prêt à une telle transition ? Les entreprises peuvent-elles se permettre de se passer de leurs éléments féminins pendant 12 mois ? Quel impact cela aura-t-il sur leur productivité et en termes de coûts ? Faudra-t-il prévoir des répercussions sur l’employabilité des femmes et dans leur ascension à des postes managériaux et de direction ? Une étude nationale sur l’insertion professionnelle des femmes en relation avec le congé de maternité pourrait sans doute nous apporter plus d’éclaircissement par rapport à ces questions.

 

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