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Devesh Dukhira : «Les ventes de sucres spéciaux ont bondi de 45 % cette année»

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Le rôle multifonctionnel de la canne est vital pour le pays, insiste Devesh Dukhira. Selon le CEO du Syndicat des sucres, la contribution de l’industrie cannière à l’économie est bien plus importante que l’on ne pourrait le croire. Outre les services d’appui qui sont sous-traités, la canne représente plus de 2 % du produit intérieur brut. D’un autre côté, l’industrie sucrière a été l’un des pionniers en tant que fournisseur de sucres spéciaux. Après 45 ans d’expérience dans la fabrication de ces sucres naturels, l’industrie a, jusqu’ici, développé une vingtaine de variétés. Ces sucres à valeur ajoutée sont aujourd’hui commercialisés dans 55 pays.

«Mauritius Sugar» est le nouveau label sous lequel sont désormais commercialisées l’ensemble des familles de sucres spéciaux. Dans quelle mesure a-t-il permis de renforcer le positionnement des sucres mauriciens sur le marché international ?

Le lancement de ce label a été un investissement sur le long terme, avec pour objectif principal de renforcer l’identité des sucres de Maurice sur nos marchés d’exportation, en mettant en exergue l’origine «île Maurice» qui est un gage de qualité et de savoir-faire. Certains clients ont affiché ce label sur leurs retail packs vendus dans le commerce, qui donne ainsi une valeur ajoutée à leurs marques respectives.

Nos sucres demeurent une référence dans la cinquantaine de pays où ils sont actuellement commercialisés, et nos concurrents ont souvent tendance à les contrefaire, d’où la nécessité de les différencier. Il n’y a pas que le label, mais tout un travail d’accompagnement, tel que la mise en place de support marketing auprès de nos clients pour qu’ils puissent développer davantage leurs marchés respectifs.

Cette initiative a certainement renversé la tendance baissière de nos ventes de sucres spéciaux sur notre marché traditionnel qu’est l’Europe. Après une baisse sur les deux années précédentes, les ventes ont augmenté de 8 % en 2021-22 et ont bondi de 45 % cette année, atteignant les 106 000 tonnes. La totalité de ces ventes, toutes destinations confondues, a atteint 138 000 tonnes, soit presque 60 % de la production sucrière de la récolte 2022. Les sucres spéciaux qui, je vous rappelle, se vendent avec des primes par rapport au sucre raffiné, rapportent davantage au secteur, et ont ainsi contribué de manière significative aux hausses du prix ex-Syndicat sur les deux dernières campagnes.

Nos accords commerciaux avec notre partenaire traditionnel, à savoir l’Union européenne, mais aussi au sein du marché régional, et plus récemment avec la Chine et l’Inde, nous offrent-ils une marge de préférence pour notre sucre ?

Le sucre, étant un produit sensible, est souvent bien protégé dans les différents marchés, surtout là où il existe déjà une industrie sucrière. Par exemple, la taxe d’importation en Europe est de 419 euros la tonne alors qu’en Inde, elle est de 100 % et en Chine, 50 %. Du fait que le sucre de Maurice bénéficie d’une taxe préférentielle sous les accords bilatéraux de libre-échange avec ces deux derniers pays tandis qu’avec l’Union européenne, l’accès est hors taxes sous l’Accord de partenariat économique, nous arrivons à y obtenir des prix rémunérateurs. Il faut néanmoins préciser que l’Union européenne produit également du sucre blanc de la betterave et offre, par ailleurs, des marges de préférence similaires à d’autres pays du groupe ACP, des pays moins avancés et même dans d’autres régions telles qu’en Amérique centrale (le Mexique, la Colombie, le Costa Rica, etc.), déclenchant ainsi une érosion de notre marge de préférence. Donc, malgré des accès préférentiels, il est primordial de rester compétitif, de continuer à se différencier et de toujours rechercher la valeur.

Malgré la taxe douanière de 100 % sur le marché local, les importations persistent. Comment protéger le marché local ?

En effet, le marché local n’est toujours pas totalement protégé malgré la taxe douanière de 100 %, cela à cause de l’accès hors taxes des origines du Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) et de la Southern African Development Community (SADC) et aussi du fait que les utilisateurs industriels en sont toujours exemptés. Cette demande de protection survient en raison des importations souvent subventionnées qui entraînent une concurrence déloyale. Par ailleurs, comme le marché domestique est plus rémunérateur pour tout producteur, n’ayant pas à faire les frais d’exportation, il subira un manque à gagner si son sucre doit être déplacé outre-mer. Ainsi, toute perte de vente sur le marché local impacte directement le prix ex-Syndicat payé aux producteurs.

Nous comprenons les engagements pris par le gouvernement au niveau des accords régionaux, mais paradoxalement, nous faisons face à d’énormes difficultés lorsque nous essayons d’acheminer nos propres sucres vers ces mêmes régions. À juste titre, étant donné que les coûts d’importation sont souvent en dessous de leurs coûts de production, ces pays limitent les importations, même celles sous les accords de libre-échange. À titre d’exemple, nous sommes limités par un quota de seulement 3 000 tonnes de sucre sur le marché de la Southern African Customs Union (SACU) par rapport à sa consommation annuelle qui avoisine les 2 millions de tonnes, alors que l’accord commercial de la SADC prévoit un accès duty-free et quota-free. Il semble que Maurice est le seul bon élève de la classe.

Pour en revenir à nos marchés d’exportation, est-ce que l’Inde et la Chine pourraient devenir les destinations les plus importantes pour nos sucres spéciaux ? Et qu’en est-il du marché régional ?

L’Inde et la Chine sont deux pays émergents ayant connu une forte croissance de migration vers des régions urbaines et au niveau du pouvoir d’achat, tandis qu’il y aurait une tendance de consommation vers des produits occidentaux, tels que le café, les céréales du petit déjeuner ou la pâtisserie. De ce fait, nous voyons en ces destinations de gros potentiels de vente pour les sucres spéciaux de Maurice, qui sont destinés justement à ce type de clientèle, et qui pourraient se développer grâce aux accords de libre-échange en place.

Nous avons pu exporter presque 15 000 tonnes de sucre en Chine en 2021-22 et les négociations sont en cours pour la campagne courante, alors qu’en Inde, nous avons déjà réussi à y introduire les sucres spéciaux sous une marque spécialement développée par notre client. Je dois souligner que l’Inde, avec une production annuelle moyenne de presque 34 millions de tonnes de sucre sur les trois dernières années, est l’un des plus grands producteurs excédentaires, mais il y existe toujours des demandes qui ne peuvent être satisfaites par les types de sucre disponibles localement. Les sucres spéciaux de Maurice vont donc être les compléments de leur gamme actuelle.

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