Type to search

En couverture

Égalité des genres : À quand plus de femmes ceo dans les grandes entreprises ?

Share

C’est un fait : la femme mauricienne est active sur le plan professionnel. Et, ces dernières décennies, elle a gravi les échelons dans l’entreprise. Or, quand on analyse la liste actuelle des CEO qui dirigent les plus grandes entreprises, il devient clair qu’il lui reste encore un long chemin à parcourir.

L’édition 2021 du Top 100 Companies ne compte aucune femme CEO et recense seulement une poignée de femmes siégeant sur les conseils d’administration. Selon le Mauritius Institute of Directors (MIoD), seulement 13 % des membres des conseils de direction à Maurice sont des femmes, alors que la moyenne européenne est de 37 %. Même si nous notons une légère amélioration en termes de représentation féminine au sein des conseils d’administration à Maurice, nous avons encore du chemin à faire. Où se situe le problème ? Ce n’est certainement pas une question de compétences. On peut également questionner la vieille rhétorique selon laquelle la femme se retrouve à un certain moment de sa vie à la croisée des chemins et doit choisir entre sa vie familiale et sa vie professionnelle. Est-ce que le milieu du travail est fortement patriarcal à Maurice ? Y a-t-il vraiment un plafond de verre qui bouche l’accès au sommet ? Autant de questions qu’il convient de se poser à quelques jours de la journée de la femme célébrée le 8 mars.

«Personnellement, je trouve cela inacceptable dans une île Maurice du 21e siècle que nous n’ayons pas une seule femme CEO dans le Top 100 Companies. La biosphère socio-économico-culturelle est telle qu’elle se doit d’évoluer dans l’espace-temps. Qu’est-ce que cela dit sur toutes ces femmes professionnelles talentueuses de notre société ? Ne pas avoir de femme au sommet des grandes entreprises de notre société place un plafond psychologique dans l’esprit de nos jeunes filles, futures professionnelles de demain. Actuellement, sur la base des statistiques empiriques, je lis que leur probabilité d’occuper le C-suite dans une entreprise du Top 100 un jour, est statiquement, zéro. Quelque chose ne va pas !», fait ressortir Amit Bakhirta, fondateur et CEO d’Anneau.

La directrice de Maluti Communications, Marina Ythier Jacobsz, abonde dans le même sens. Elle précise que ce constat est tout aussi vrai pour la femme au travail en général. Voyez : 14 femmes-parlementaires sur 70 et trois femmes-ministres sur 24. Selon Statistics Mauritius, seules 11,9 % des femmes qui travaillent sont des patronnes dans le secteur privé, contre 18,6 % des hommes. Il a fallu imposer une réglementation pour voir quelques rares femmes apparaître sur les conseils d’administration. «Dans le secteur des banques, des assurances et des finances, des cinq entités listées sur le marché officiel, qu’une seule entité compte une femme présidente du conseil. Maurice est à la traîne, et cela est inadmissible», s’insurge-t-elle.

Si cet état des choses surprend certaines personnes, pour d’autres, cela est tout à fait normal. Comme le dit Oumila Sibartie, directrice de Lineage Investment Services Ltd et Independent Director sur le conseil d’administration de la SBM Bank (Mauritius) Ltd, Maurice a un long chemin à parcourir pour atteindre les statistiques d’autres pays. Par exemple, une étude récente indique que sur les 99 entreprises uniques de Singapour échantillonnées, 13 avaient des femmes comme CEO. Par ailleurs, les femmes ne représentent que huit des directeurs généraux des 100 premières sociétés cotées en Bourse, au Royaume-Uni. Les progrès se font graduellement.

ont graduellement. Et, évidemment, ces statistiques interpellent et Natacha Emilien, Chief Transformation & Support Services Officer d’Eagle Insurance et fondatrice du Board of Good, souligne qu’il faut que cela change. Selon ses observations, nous avons des professionnels hommes et femmes extrêmement compétents à Maurice, mais comme dans beaucoup de pays, le pool de meilleurs talents est aussi limité. Il n’y a donc aucune raison logique à ne pas puiser dans la totalité (et non plus dans la moitié) de ce vivier de compétences existant afin de pouvoir positionner les meilleur(e)s candidat(e)s à des postes décisionnels. Et nous savons combien notre pays, en ces temps de crise, a grand besoin de gens extrêmement compétents à la tête de nos organisations.

De son côté, Jean-Pierre Dalais, Group Chief Executive du groupe CIEL, ajoute qu’il est, en effet, surprenant de constater cette absence de femmes dans le classement du Top 100 Companies. Cependant, il assure qu’un mouvement a été enclenché. «Au sein du Groupe CIEL, nous avons des collaboratrices à des postes stratégiques, que ce soit à la direction générale du pôle santé ou au sein des unités de production du pôle textile, respectivement, Hélène Echevin et Véronique Auger. Nous sommes encore loin des objectifs fixés ; nous avons toutefois une feuille de route et une stratégie bien définie pour encourager la promotion des femmes à des postes décisionnels. Nous espérons atteindre 35 % de femmes à des postes de management d’ici à 2025 et 30 % sur nos conseils d’administration d’ici à 2030. Il s’agit pour nous d’un engagement sincère, qui permet d’engager une transition vers une certaine parité dans les prochaines années», indique-t-il.

Pour Sangeetha Ramkelawon, Deputy CEO de BCP Bank (Mauritius), la faible représentativité des femmes à la tête des sociétés à Maurice doit être analysée sous différents angles. S’il est vrai de dire que la parité avance à petits pas, elle est d’avis que tout n’est pas noir. Car aujourd’hui les femmes ont les mêmes accès que les hommes. Elle est d’avis que gravir les échelons est aussi en grande partie liée à la volonté pure des femmes et au désir d’atteindre le sommet des organisations. Les femmes doivent avoir beaucoup plus confiance en elles et doivent faire entendre leurs voix. Ainsi, elles ne doivent pas hésiter à dire haut et fort si elles veulent gravir les échelons pour, par exemple, faire partie d’un conseil d’administration. Le Groupe Banque Centrale Populaire, auquel fait partie la BCP Bank (Mauritius), s’est engagé à promouvoir la diversité des genres à tous les niveaux. Cette démarche est reflétée au niveau du top management, que ce soit au niveau du groupe, à Maurice ou dans les autres filiales du groupe. Le groupe est convaincu que la mixité des équipes est non seulement gage d’innovation mais aussi de performance.

«Maurice est à la traîne, et cela est inadmissible» Marina Ythier Jacobsz

SOCIÉTÉ PATRIARCALE ?

Mais qu’est-ce qui explique que les femmes sont sous-représentées à des postes décisionnels à Maurice ? Est-ce que la sphère décisionnelle demeure un espace où le patriarcat règne en maître ? Pourtant, plusieurs études sur le sujet démontrent que les femmes occupant le poste de CEO sont tout aussi compétentes que leurs homologues masculins. Pour Amit Bakhirta, personnellement, il ne croit pas qu’il s’agisse d’une question de compétence, mais plutôt de plusieurs variables d’héritage socio-économique et culturel qui entraînent cette sous-représentation des femmes au C-suite. Il faut savoir que cela a été un problème partout dans le monde. Ce n’est donc pas singulièrement à Maurice. En revanche, le Top 500 des plus grandes entreprises aux ÉtatsUnis ne comptait que 6 % de femmes CEO en 2022 (31/500). 2021 a marqué le centième anniversaire du suffrage féminin aux États-Unis, tandis que la Norvège avant-gardiste a été la première nation souveraine à autoriser les femmes à voter. Plus de 100 ans et nous avons encore un long chemin à parcourir pour la parité hommesfemmes au sommet. Par conséquent, ces chiffres décevants sont compréhensibles de ce point de vue. Et malheureusement, le patriarcat continue de régner.

Alors que notre société évolue rapidement et que nous avons de plus en plus de femmes qui travaillent, le rôle et les responsabilités des femmes à la maison n’ont pas beaucoup changé par rapport aux hommes. Comme le fait remarquer Oumila Sibartie, bien qu’elle doive assumer de plus grandes responsabilités sur son lieu de travail, la femme mauricienne doit toujours s’occuper de la cuisine, du ménage, des enfants et des personnes âgées, de la famille et de l’engagement social, entre autres. Toutefois, on attend d’elle qu’elle consacre plus de temps et de flexibilité à l’entreprise. Cela est plus difficile pour une femme CEO qui doit également partager son temps et son esprit avec le ménage et les responsabilités familiales.

Tags:

You Might also Like