Type to search

Business files Entreprendre

1992-2022 : La transformation de l’Offshore en une puissante plateforme financière internationale

Share
1992-2022 LA TRANSFORMATION DE L’OFFSHORE EN UNE PUISSANTE PLATEFORME FINANCIÈRE INTERNATIONALE

Le secteur du global business est relativement jeune. Il est encore loin d’avoir l’expertise et l’aura des grandes places financières comme la city, wall street et la suisse. Mais, après seulement 30 ans d’existence, il est devenu une vraie force de proposition pour les investisseurs internationaux. Certes, le succès a été rapide, mais le chemin a été semé d’embûches. Il y a eu des attaques parfois justifiées, d’autres fois questionnables, de même que des sanctions. Malgré tout, le centre financier a su faire preuve de résilience. Aujourd’hui, c’est tout un secteur qui marche vers son avenir.

Au début des années 90, l’économie mauricienne était prospère. Elle sortait d’un cycle de forte croissance. L’industrie manufacturière était dans une phase ascendante. Idem pour le tourisme. Bien sûr, la solution de facilité aurait été qu’on se laisse bercer par cette douce euphorie. Mais il fallait oser ! Et donner les moyens au pays de passer à la prochaine étape de sa transformation économique, en passant d’une phase industrielle à une économie de services.

C’est ainsi que naquit l’offshore en 1992. Le projet est porté par l’ancien ministre des Finances, Rama Sithanen, un réformiste qui, à peine après sa prise de fonction, avait la vision de positionner Maurice comme une juridiction offshore ; une plateforme financière qui serait utilisée par des investisseurs internationaux pour réaliser leurs projets dans des économies en pleine croissance comme l’Inde et l’Afrique du Sud.

Pour concrétiser ce projet ambitieux, le contrôle des changes sera suspendu. Le Mauritius Offshore Business Activities Authority (MOBAA) Act sera adopté. Le principal atout qu’on a fait valoir, c’était notre fiscalité légère, avec notamment la possibilité pour les sociétés résidentes de bénéficier d’un crédit d’impôt (Deemed tax credit) de 80 %. L’autre avantage qu’offre la nouvelle place offshore, c’est la possibilité pour les investisseurs institutionnels (Foreign institutional investors – FII) de faire des placements sur le marché boursier indien à travers les P-notes (participatory notes). Cela est facilité par la convention fiscale entre l’Inde et Maurice (CDI). Les plus-values (capital gains) réalisées sur les opérations boursières de la National Stock Exchange of India n’étaient alors pas taxables par la Grande péninsule.

Comme le souligne le Dr Ludovic Verbist, Managing Director d’AAMIL Group, «au moment de la signature de la première version de cette CDI, Maurice imposait les plus-values selon son droit fiscal. La CDI lui reconnaissait ce droit sur les plus-values réalisées en Inde, qui étaient cependant exemptées d’imposition en Inde. Lorsque Maurice modifia son code des impôts et supprima l’imposition des plus-values, celles réalisées en Inde n’étaient donc en fait pas imposées. Cette situation prévalut jusqu’à la dernière modification de cette CDI (NdlR : en 2016)».


LES SECRETS DE LA RÉSILIENCE
Quels sont les secrets derrière la résilience de la juridiction mauricienne? Outre d’être une simple question, elle demeure un secret que bon nombre de juridictions à l’international nous envient. Selon les opérateurs, il n’existe pas un secret, mais plusieurs. In fine, ces multiples facteurs ont érigé le centre financier mauricien en tant que plateforme financière incontournable dans le monde.
Pour Roshan Nathoo, Managing Director de Rogers Capital Corporate Services, l’atout premier de Maurice se trouve dans sa zone géographique. Bercé d’un côté par l’Asie et de l’autre par l’Afrique, il est une porte d’entrée idéale vers ces deux marchés. «Stratégiquement située dans l’océan Indien, les coordonnées géographiques uniques de notre île la positionnent comme la porte d’entrée idéale entre l’Asie et l’Afrique et, par conséquent, une extension logique de la promotion des investissements en Afrique qui constitue l’un des principaux domaines d’intervention du centre financier mauricien.»
Vikash Chumun table, lui, davantage sur les coûts opérationnels favorables aux investisseurs, mais également la main-d’œuvre locale, dont plusieurs pays envient. «Les avantages du centre financier mauricien pour les investisseurs sont, d’une part, les coûts d’opération plus gérables que d’autres juridictions et, d’autre part, la main-d’œuvre professionnelle et qualifiée. Parmi plusieurs autres facteurs, les deux mentionnés ci-dessus constituent deux atouts majeurs qui bénéficient aux investisseurs en entreprise, notamment les fund managers, treasury managers et les entreprises internationales qui souhaitent établir leur siège social régional à l’île Maurice. L’île Maurice est idéale pour les multinationales, telles que les entreprises immobilières ou de procurement, qui cherchent à établir leur substance et bénéficier des avantages de la juridiction mauricienne.»
Le Dr Ludovic Verbist, quant à lui, trouve que l’environnement stable du pays est un atout incontournable. «Plusieurs éléments sont nécessaires, mais il faut surtout une grande stabilité dans l’environnement au sens le plus large du terme et une grande efficience ou professionnalisme», soutient-il. Avant d’ajouter qu’il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. «Il est essentiel que la juridiction soit très bien réglementée par une autorité reconnue au niveau international. Il faut également un régime fiscal attrayant, tout en étant évidemment compatible avec les nouvelles règles internationales. Bien sûr, il ne faut pas être moins attrayant que d’autres juridictions inévitablement en concurrence. L’Ile Maurice s’est mis un point d’honneur de transférer dans son droit interne toutes les instructions reçues des institutions internationales. Il faudrait qu’elle y ajoute «l’exemption de participation», qui consiste à ne plus imposer des dividendes reçus de filiales, déjà imposés selon un régime fiscal «normal». Cela est pratiqué par tous les pays de l’Union européenne (UE) ainsi que la Suisse, mais pas encore par Maurice. Cela résulte en une imposition supérieure à Maurice»

DES DÉFIS SURMONTÉS AVEC BRIO

Forte de son package fiscal attrayant, la juridiction mauricienne sera longtemps privilégiée comme une destination d’investissement pour le marché indien. D’ailleurs, de 2000 à 2016, ce sont pas moins de 100 milliards de dollars qui ont atterri en Inde par le biais du centre financier mauricien, soit environ 34 % des investissements directs étrangers (IDE) dans ce pays.

Mais notre parcours n’a pas été un long fleuve tranquille. Alors que le secteur du Global Business se consolidait, les attaques contre la juridiction mauricienne se multipliaient, notamment dans la presse indienne. Les critiques portaient sur le fait que des investisseurs véreux utilisaient Maurice pour le financement d’activités illicites ou pour des opérations de «round-tripping».

Depuis 2016, les choses se sont accélérées. Des événements majeurs sont venus menacer la pérennité d’une industrie qui, outre de contribuer 13 % au produit intérieur brut (PIB) et d’employer quelque 20 000 professionnels, renforce la solidité du système bancaire et de l’économie nationale.

Il y a eu d’abord la révision du traité indo-mauricien, puis les réformes fiscales et réglementaires enclenchées par Maurice pour se conformer à l’initiative BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui ont donné lieu à l’abolition du régime de GBL 2 (sociétés non résidentes) et l’épisode de la liste noire de 2020 à 2021.

Commentant ces événements, François de Senneville, Partner – Head Africa Desk chez Fieldfisher, affirme que «ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort». Une phrase forte de sens, car «ces épisodes ont été des épreuves et des défis auxquels les opérateurs ont dû faire face», soutient-il. Pour sa part, Sridhar Nagarajan, Regional Managing Director d’IQ-EQ, pousse l’analyse plus loin. Il épluche en détail ces trois défis auxquels est confronté le secteur de l’offshore mauricien. Selon lui, chaque épisode a été une leçon pour l’International Financial Center of Mauritius (ICFM).

Il livre son avis sur l’abolition du DTAA entre l’Inde et Maurice. «Bien que le secteur des affaires internationales ait desservi d’autres marchés de manière réactive jusqu’en 2016, la révision du traité de non-double imposition avec l’Inde a donné un véritable coup de fouet au secteur pour qu’il se tourne davantage vers d’autres régions et explore des opportunités inexploitées offertes par l’Afrique, l’Asie et le reste du monde», explique-t-il.

Le Managing Director d’IQ-EQ poursuit son analyse en abordant les réformes entraînées à la suite de l’initiative BEPS de l’OCDE. «Les réformes fiscales et réglementaires ont également apporté des changements positifs dans la façon dont nous faisions des affaires. L’obligation pour les investisseurs d’exercer leur activité génératrice de revenus de base (CIGA) à Maurice pour conserver leur licence GBL allait dans le bon sens pour renforcer la substance de la juridiction mauricienne», affirme-t-il.

Sridhar Nagarajan revient également sur le dernier épisode en date, à savoir notre inclusion sur et notre sortie de la liste noire de l’UE et de la liste grise du GAFI. «L’épisode de la liste noire, ou plus précisément de la liste grise du GAFI, a agi comme un catalyseur pour galvaniser notre détermination à combler les quelques lacunes de notre cadre AML/CFT de manière expéditive. La façon dont toutes les parties prenantes se sont réunies au milieu de la crise de la Covid-19 pour répondre aux exigences du GAFI est remarquable. Cela a été une bénédiction déguisée, car aujourd’hui la juridiction mauricienne est parmi les meilleures en ce qui concerne l’adhésion aux 40 exigences du GAFI au niveau mondial, consolidant la position de Maurice en tant que centre financier international de substance et de réputation avec un régime AML/CFT robuste.»


L’AFRIQUE, LE NOUVEL ELDORADO FINANCIER ?
Les chiffres sont éloquents lorsqu’on évoque les sommes qui transitent de Maurice vers l’Afrique en termes de Global Business. Selon les chiffres publiés par l’EDB, c’est environ 80 milliards de dollars qui sont passés par le centre financier mauricien vers le continent africain en 2020. Plus encore, cela rapporterait également plus de 6 milliards de dollars par an en termes de taxes aux gouvernements des pays africains. Mais l’ambition de Maurice et des opérateurs du secteur offshore demeurent plus grands. Il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, d’autant que l’Afrique représente un graal pour bon nombre d’investisseurs.
Interrogé, Roshan Nathoo affirme que Maurice a plus d’un argument en sa faveur pour convaincre les hommes d’affaires à utiliser sa plateforme pour investir en Afrique. «Le pays offre une facilité inégalée pour faire des affaires. Classée à la 13e position dans le rapport Ease of Doing Business de la Banque mondiale pour 2020 avec un score de 81,5 sur le critère «Facilité de faire des affaires» (EODB) – où elle devance des pays comme l’Irlande ou l’Allemagne – Maurice est le premier pays africain de la région subsaharienne à réaliser cet exploit», dit-il. Avant d’ajouter que le centre financier mauricien peut aussi compter sur «les 23 accords de promotion et de protection des investissements (IPPA) et 22 accords d’évitement de la double imposition (DTAA) avec divers pays africain». De plus, «la présence de grandes banques internationales et locales à Maurice avec des succursales dans divers pays africains, ainsi que des institutions comptables, financières et juridiques internationales complètent le tableau». Enfin, «le pays prime invariablement l’indice Ibrahim de la gouvernance africaine, témoignage de la fiabilité de notre cadre institutionnel.»
Pour sa part, le Dr Ludovic Verbist soutient que Maurice doit continuer sur lancée, notamment sur son environnement politique stable comparé aux autres pays africains. «Malgré l’émergence ou les tentatives d’émergence de nouveaux centres financiers en Afrique, le rôle de Maurice est crucial. Il compte 30 ans d’expérience dans le secteur financier international, dont une expérience collective accumulée précieuse. Malgré quelques soubresauts occasionnels, la stabilité politique et la paix sociale sont des réalités, qui manquent parfois cruellement dans d’autres pays africains. Ce sont des gages de succès incontestables qui assureront le succès à long terme.»
L’autre point fort pour Maurice afin de pénétrer le marché africain réside dans ses multiples solutions attrayantes pour les investisseurs, mais également son expertise dans le domaine de l’offshore. «Avec sa main-d’œuvre qualifiée et compétente, l’absence de contrôle des changes, la stabilité de son système bancaire, les accords de promotion et de protection des investissements (IPPA) conclus avec de nombreux pays, et les mesures et produits innovants (Variable Capital Company, Virtual Assets and Initial Token Offering Services, Global Headquarter Administration Licence, Global Treasury Activities, etc.), Maurice est bien positionné pour attirer les flux d’investissement en provenance et en direction du continent», indique Vikash Chumun.

GLOBAL BUSINESS : UN PILIER D’UNE ÉCONOMIE MAURICIENNE SAINE ?
Les actifs sous gestion dans le secteur du Global Business sont estimés à plus de 700 milliards de dollars. De plus, environ 54 % des dépôts dans le secteur bancaire émanent de l’offshore. Ainsi, l’on voit que la bonne santé de l’offshore entraîne un effet domino prolifique au secteur financier dans sa globalité. Analysant ces données, François de Senneville souligne que les chiffres parlent d’eux-mêmes. «Un secteur économique qui représente plus de la moitié des dépôts dans le secteur bancaire peut sans réelle exagération être qualifié de vital dans l’équilibre de tout l’écosystème financier et de l’économie de Maurice».
Même constat pour son confrère, le Dr Ludovic Verbist. Pour le Managing Director d’AAMIL Group, depuis l’abolition des secteurs A (domestique) et B (offshore) dans le système mauricien, il n’y a plus de ségrégation des flux financiers en fonction de leur provenance ou utilisation. «Ces réserves très importantes jouent bien sûr un rôle de plus en plus important dans l’équilibre macro-économique du pays. Le Global Business est devenu un des piliers économiques de l’île Maurice. Il faut tout faire pour le préserver et préserver sa croissance.»
Roshan Nathoo va plus loin dans son analyse. Selon le Managing Director de Rogers Capital Corporate Services, une bonne performance de l’offshore est un gage de la bonne santé de l’économie mauricienne. «Avec plus de 11 % de notre PIB et employant directement plus de 8 000 personnes, le secteur offshore est un pilier essentiel de notre économie. Il est également considéré comme le premier secteur d’emploi pour les jeunes diplômés. Plus encore, le secteur financier ne joue pas seulement un rôle majeur dans notre économie mais a également un impact social. Il permet aux jeunes professionnels d’avoir plus d’opportunités et de gagner un salaire décent comparé à d’autres secteurs», explique-t-il.

MANAGEMENT COMPANIES : L’ART DE S’ADAPTER AUX DIFFÉRENTS CONTEXTES

Mais loin de sonner le glas du secteur du Global Business, ces événements ont rendu les opérateurs encore plus forts. Ils ont accéléré le processus de réforme et de transformation de l’industrie. Aujourd’hui, malgré les vents contraires qui continuent à souffler, Maurice se positionne comme un centre financier international de substance, à mi-chemin entre l’Asie et l’Afrique. Et le potentiel de croissance est réel. Les management companies (MC), qui sont au cœur des opérations, ne doivent pas rater le coche et saisir les opportunités qui se présentent à elles en démontrant qu’elles ont évolué et, hormis de proposer des tâches basiques (secrétariat, incorporation et administration des sociétés), doivent mettre à la disposition de leur clientèle internationale une palette de produits et services à valeur ajoutée.

Toutefois, pour François de Senneville, il ne faut pas sous-estimer ces tâches dites basiques. Il pense d’ailleurs que le centre financier mauricien tire son épingle du jeu aux yeux des investisseurs en ayant su adapter ce type d’offre au monde d’aujourd’hui. «Ces prestations ne doivent pas être dévaluées et sous-estimées car elles sont la porte d’entrée vers les services à valeur ajoutée. Elles doivent donc faire l’objet d’une attention particulière pour être de qualité tout en restant compétitives», estime-t-il.

Il est rejoint dans ses propos par le Dr Ludovic Verbist. Reconnaissant la portée des services de base offerts par les MC, il affirme que l’évolution des offres proposées a ouvert de nouveaux champs de possibilités aux investisseurs. «En termes de services offerts par les MC à Maurice, celles-ci ont effectivement évolué parallèlement à leurs expériences croissantes dans le domaine financier. Il convient de citer notamment la surveillance et le suivi des opérations initiées par les clients, une collaboration rapprochée avec les banques, la proposition de services additionnels, notamment fiscaux ou d’investissements», énumère-t-il. Cependant, il ajoute que la vigilance est de mise. Pour cause: dans le secteur offshore à l’international, il incombe aux opérateurs la responsabilité en cas de non-respect des lois. De quoi mettre les MC en alerte perpétuelle au niveau de leur modus operandi. «Aujourd’hui, les lois en vigueur dans la plupart des centres financiers imposent une vigilance totale sur toutes les transactions passant par les services des opérateurs. Les intermédiaires financiers sont actuellement rendus responsables en cas de tentative de blanchiment de quelque nature que ce soit. Il s’agit d’une évolution importante de ces dernières années, qui impose de nombreuses et nouvelles obligations, inévitablement très coûteuses.»

C’est également en ce sens qu’abonde Vikash Chumun, Managing Director de Sunibel Corporate Services. Selon lui, Maurice excelle aujourd’hui en matière de conformité, notamment grâce aux MC, aux régulateurs et aux autorités, qui savent s’adapter aux différentes situations. «À cette évolution a dû s’adapter notre cadre réglementaire, ainsi que le respect des normes et des bonnes pratiques internationales, que ce soit en termes de conformité que de reporting. C’est pour ces raisons que Maurice est une juridiction jugée ‘conforme’ par les instances internationales (GAFI, OCDE, etc.)», rappelle-t-il.

Tags:

You Might also Like