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Assurance maritime : la hausse des exportations ragaillardit le secteur

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Le transport maritime reprend du tonus. Après deux années mouvementées, la situation semble s’assainir pour un retour à la normale d’ici deux ans. Bien que l’assurance maritime ait en conséquence le vent en poupe, le secteur est appelé à composer avec la hausse du coût du fret sans oublier les retards de livraison qui sont récurrents avec la guerre en Ukraine. En dépit de nouveaux enjeux, il y a de quoi espérer des jours meilleurs.

D’un point de vue historique, l’assurance maritime est la première assurance dans le monde. Son histoire débute en Angleterre, au 17e siècle, avec un certain Edward Lloyd. Son établissement avait pour tâche de livrer des détails aux bateaux en leur fournissant des informations sur leurs trajets. Les compagnies maritimes devaient alors souscrire à un contrat en payant la compagnie de Lloyd. À Maurice, les premières formules d’assurance maritime datent de la période coloniale anglaise. Ce même Edward Lloyd avait un représentant à Maurice à travers le groupe IBL. Cette filiale envoyait des informations et aidait la compagnie mère d’Angleterre dans ses opérations.

Aujourd’hui, le concept d’assurance maritime s’est davantage professionnalisé et s’est bien ancré dans le paysage économique local. En étant un État océanique qui a pour volonté d’accroître ses exportations, Maurice offre un cadre propice aux opérations de ce segment des assurances. Cela dit, selon les chiffres de la Financial Services Commission, l’assurance maritime enregistre des performances en dents de scie ces dernières années. En 2016, ce segment a généré des primes de Rs 403 millions, avant de chuter à Rs 377 millions en 2017 et de remonter à Rs 459 millions en 2018. Cette tendance s’est poursuivie dans les années suivantes. Alors qu’en 2019 et 2020, les primes ont engrangé respectivement des recettes de Rs 504 millions et Rs 571 millions, elles ont tout de même baissé à Rs 547 millions en 2021.

Derrière cette performance instable se cache une réalité de terrain, explique Marc Ponnen, Technical Manager à Chartered Brokers. «L’assurance maritime, bien que profitable, demeure exposée à de nombreux risques. Les baisses engendrées en 2017 et 2019 sont liées à deux crises économiques qui ont placé un climat d’incertitude dans les opérations du secteur. La plus récente est la crise liée au conflit en Ukraine qui a généré des retards de livraison. Tandis que durant la pandémie, les assureurs avaient répondu de manière réactive aux besoins des exportateurs, la vitesse de l’ampleur de la guerre opposant la Russie et l’Ukraine a davantage mis en péril la stabilité et la performance du secteur», met-il en exergue.

Le secteur reste cependant profitable malgré les circonstances, poursuit le courtier d’assurances. «Malgré une courbe des performances oscillatoire, l’assurance maritime a un ratio de perte de 30 %-35 % à Maurice, ce qui est synonyme d’un business rempli d’opportunités et qui demeure rentable.»

LES ASSUREURS PRUDENTS MALGRÉ UNE HAUSSE DES EXPORTATIONS

Autre ‘feel good factor’ que sa profitabilité, l’objectif de Maurice de produire davantage d’articles localement à des fins d’exportation devrait profiter au secteur de l’assurance maritime. D’autant que les chiffres avancés par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, sous-entendent qu’une aubaine se présente pour les opérateurs de ce segment de l’assurance. Dans le concret, le secteur des exportations devrait engranger des recettes de Rs 100 milliards, une hausse de 20 % par rapport à 2019. Dans cette optique, les opérateurs d’assurance maritime comptent bien abattre leurs cartes face à cette nouvelle qui s’annonce bénéfique pour leurs opérations. Car les exportateurs sont assurés localement, à moins d’une exception liée à la demande de leur client à l’international.

Au niveau des assureurs, bien que ravi par cet avenir qui semble prometteur, l’on reste tout de même sur ses gardes. Pour cause : une hausse des exportations est corrélée avec la notion de risque qui augmente, ce qui contraint les opérateurs à innover. C’est le cas du groupe Swan qui aborde cette opportunité avec prudence. Surtout que ce segment ne s’est pas complètement remis des crises économiques. «L’exposition aux risques a augmenté de manière considérable à la suite des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement, ce qui a nécessité une plus grande capacité de réassurance, ainsi que les coûts d’acquisition associés. En retour, l’augmentation des cotisations n’est pas toujours possible dans un marché qui n’a que partiellement récupéré de la pandémie de la Covid-19. Nous reconnaissons que le budget assurance est un élément crucial et nous nous efforçons à le rendre optimal et accessible à tous, tout en évitant un déficit de primes», souligne Mylene Henry, Manager Marine de la compagnie.

Enayat Sohawon, Marine Executive de City Brokers, tient le même discours. Il est d’avis qu’il y a un travail d’introspection à faire dans le secteur afin de répondre à la demande. Grosso modo, celui-ci explique qu’il faut tirer des leçons des événements comme la Covid-19 et le conflit russo-ukrainien afin d’adapter la demande aux besoins des assurés. «Le manque de navires opérant sur la plupart des routes a entraîné des retards dans l’envoi des conteneurs à leur destination. Malheureusement, l’assurance des marchandises maritimes ne couvre pas toutes les pertes ou les dommages causés par les retards. Nous avons approché quelques marchés spécialisés afin de trouver une couverture pour cette problématique, mais comme il s’agit d’un risque élevé, une telle couverture est normalement vendue à une prime onéreuse et/ou avec une couverture limitée, ce qui n’est pas toujours économique pour l’assuré de supporter ces coûts», soutient-il. Il ajoute qu’en sus de cela, «les limites de couverture ont dû être réajustées en raison de l’inflation et des taux de change».

Toujours selon Enayat Sohawon, les assureurs maritimes pourront bénéficier de la hausse des exportations si la base s’effectue en ‘Cost, Insurance, Freight’, aussi connu comme CIF. Au cas contraire, si les exportations s’effectuent selon d’autres Incoterms, à l’instar du ‘Free On Board’, «les primes seront perçues par les assureurs étrangers car l’assurance sera prise par les acheteurs».

Nikola Genevieve, Manager de Good Harvest, évoque, quant à lui, l’augmentation des coûts du fret qui est prise en compte par les assureurs. «La hausse du prix du fret a une conséquence directe sur les couvertures d’assurance maritime car il est important de savoir que le coût du transport fait partie intégrante du coût global de la prime d’assurance

En résumé, en dépit du fait que le futur semble encourageant pour l’assurance maritime, le secteur devra juguler avec de nouveaux enjeux.


LE CIRCUIT D’OPÉRATION DES ASSUREURS MARITIMES

Les courtiers sont les premiers intermédiaires entre les assureurs et les demandeurs d’assurance. Ce schéma est applicable également pour l’assurance maritime. Suivant les besoins des compagnies maritimes, le courtier doit dresser une liste où seront répertoriés les devis des assureurs. Celui-ci choisit par la suite l’offre la mieux adaptée. S’ensuivent alors des négociations autour des besoins secondaires du demandeur d’assurance afin qu’il trouve une formule qui correspond à ses besoins.

Pour Marc Ponnen, le courtier joue de la concurrence pour son client. Outre ce point, ces mêmes courtiers usent de leurs connaissances légales et de leurs réseaux pour que les clients puissent avoir toutes les informations relatives à leur expédition. Au niveau des compagnies d’assurances, une fois l’aval du demandeur d’assurance obtenu, elles doivent se faire réassurer. Pourquoi ? Le risque est énorme dans l’assurance maritime, car ils prennent en compte un grand nombre de facteurs, fait ressortir Marc Ponnen. «L’assurance maritime est la seule assurance qui peut assurer au-delà de la valeur des articles transportés. Généralement, le calcul s’effectue comme suit chez les assureurs : le coût de l’article + le coût du fret + un élément de profit qui tourne aux alentours de 10%», résume le représentant de Chartered Brokers. Ainsi, avec une formule à l’avantage des compagnies maritimes, le besoin de la compagnie d’assurances d’être elle-même assurée est importante pour que le circuit fonctionne à plein régime.


RATIO RECETTES / PERTES

La pandémie a augmenté le taux de sinistralité pour l’assurance maritime

Alors que généralement le taux de sinistralité représente environ 30 % des recettes, la pandémie a mis une pression sur les assureurs. Avec des taux de remboursement plus élevés que la moyenne, les opérateurs ont dû adapter leurs offres face au contexte économique difficile.

ASSURANCE MARITIME : LÉGÈRE BAISSE DES ACTIVITÉS ET DES RECETTES EN 2021

Pour nous aider à mieux comprendre le secteur de l’assurance maritime, le group Managing Director de Strategic Insight, Zayd Soobedar, a compilé des données sous forme de graphiques. Il nous donne également quelques explications.

Graphique 1 : Tableau illustrant l’état des lieux des exportations maritimes à Maurice et l’évolution de l’assurance de ces produits

Graphique 1 : Tableau illustrant l’état des lieux des exportations maritimes à Maurice et l’évolution de l’assurance de ces produits

Ce tableau illustre non seulement le fait qu’il existe un lien entre la hausse des exportations et le dynamisme du marché de l’assurance maritime, mais également que ce secteur est rentable car le ‘Claims Ratio’ de la part des assurés n’a jamais dépassé les 50 %.

GRAPHIQUE 2 : Graphique (droite) illustrant la prime brute souscrit au niveau de l’assurance de transport (Gross written premium for Transportation Insurance), mais également (tableau 2) le taux de sinistres bruts pour l’assurance maritime.

GRAPHIQUE 3 : Graphique montrant les entreprises d’assurances mauriciennes les plus actives sur le marché de l’assurance maritime.

Eagle domine le marché de l’assurance maritime. Elle est suivie de Sanlam et de Swan qui se suivent de près dans ce segment de l’assurance. En fin du peloton se trouvent la MUA et la Sicom.


LE MARCHÉ DE L’ASSURANCE MARITIME EN BREF

Entre 2018 et 2021, la prime brute souscrite pour l’assurance transport a augmenté d’un taux de croissance annuel composé (CAGR) de 6,1 % par an pour atteindre Rs 547 millions en 2021. De manière surprenante, le commerce (exportations et importations) a connu une croissance légère du CAGR de 1,6 % par an pour la période considérée. Pour la même période, la part de l’assurance transport dans la prime totale de l’assurance générale a légèrement diminué 4,6 % en 2021 contre 4,9 % en 2018. Les sinistres au titre de l’assurance transport ont augmenté d’un CAGR de 5,0 % par an pour s’établir à Rs 185 millions en 2021. Il est important de souligner que les demandes d’indemnisation ont augmenté de manière substantielle en 2019 et 2020, ce qui s’est accompagné d’une escalade du ratio des demandes d’indemnisation. Il est intéressant de noter que cette hausse s’est accompagnée d’une augmentation de la prime moyenne de l’assurance transport, qui est passée de Rs 57 560 en 2018 à Rs 77 561 en 2019 et à Rs 88 653 en 2020. Le chiffre a légèrement baissé en 2021 pour atteindre Rs 81 192.


 

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