Type to search

Business files

Branding : Renforcer la connexion émotionnelle avec les marques

Share

Exercice de constitution de l’identité d’une marque en amont, le branding est en aval un processus stratégique visant continuellement à renforcer sa reconnaissance et sa réputation auprès de consommateurs cibles. Le test de son efficacité ou du besoin de son ajustement se vérifie actuellement dans un contexte de tendance haussière des prix des produits, des services et des solutions. Avec un taux d’inflation à deux chiffres (10,5 % en juin dernier) rognant le pouvoir d’achat, les consommateurs ont tendance à diminuer leurs achats ou à faire des choix stratégiques sur des biens de consommation en fonction du meilleur rapport qualité-prix ou quantité/prix. Les marques que les consommateurs maintiennent dans le panier ménager, en ces temps de tensions commerciales, en disent long sur la pertinence de la stratégie et du positionnement des marques. D’où le levier que représente cet outil qu’est le branding.

Pour autant, dans le contexte actuel de permacrise, crise devenue permanente, la communication est-elle toujours le premier portefeuille de dépenses sur lesquelles entreprises, les organisations et les institutions lésinent ?«Ce serait une erreur de penser que la communication est une dépense. Elle fait aujourd’hui partie intégrante de tous les processus commerciaux. Tout comme l’investissement dans le personnel, la formation continue ,le ‘sourcing’ de produits, le stockage, la distribution et le marketing, la communication est un investissement à court et à long terme», commente Vino Sookloll, Innovative Brand & Creative Consultant de FCB CREAD.

Christine Rochecouste-Collet Salaün, General Manager de Create Worldwide, partage la conception que la réduction du budget de communication dans un contexte de crise est une erreur. «D’un point de vue comptable, il est quelque fois difficile de distinguer l’investissement de la charge. La communication est pourtant un investissement à long terme pour acquérir des clients et les fidéliser. La fidélité de ses clients est la source de revenus la plus profitable et pérenne», fait ressortir la publicitaire.

Avec la rationalisation des budgets, nous remarquons que certaines entreprises traditionnelles préfèrent se focaliser sur les aspects plus tangibles et monétaires du business, constatent Aradhna Boodhoo-Laumond, Group Director of Business Development, et Patricia Aliphon, Director of Growth, à Eclipse Communications. «D’autres, plus avant-gardistes, sont conscientes que la gestion de la réputation de leur marque est un processus continu qu’il convient de ne pas interrompre, peu importe la situation. Car une réputation qui n’est pas gérée de manière constante et consistante peut rapidement devenir un ‘liability’ du point de vue “impact” sur l’indice de confiance des clients et des investisseurs. Le maintien ou l’accélération d’une stratégie de marque s’avère crucial(e) en période de crise ou post-crise, car l’incertitude qui endécoule altère les attentes de l’audience: les marques doivent donc les identifier et s’y adapter.»

Si l’entreprise doit procéder à des coupes budgétaires, poursuit Christine Rochecouste-Collet Salaün, General Manager de Create Worldwide, sa priorité en termes de communication devra porter sur le maintien des lignes de communication avec sa clientèle actuelle et le renforcement du lien de fidélité. «Avec cette stratégie, l’entreprise maintient son engagement auprès de la clientèle existante, et est consciente que l’acquisition de nouveaux clients sera plus difficile dans cette période et qu’elle renonce à des revenus potentiels additionnels nécessaires en temps de crise.»

Il est possible de faire des choix pour rééquilibrer les budgets et de cibler les actions, argumente Christine Rochecouste-Collet Salaün. «Certains leviers moins onéreux peuvent être privilégiés que d’autres, comme d’investir plus dans le marketing digital, de maintenir une présence forte dans les points de contact clients majeurs, comme dans les points de vente. Créer l’impact de manière disruptive et créative avec des belles stories permet à la marque de rester ancrée dans l’univers de ses clients, malgré la crise. Une autre stratégie payante en temps de crise est d’innover avec des nouveautés ; cela pourrait être de nouveaux produits, un élargissement de la gamme actuelle et/ou des services additionnels et complémentaires pour répondre à une demande, acquérir de nouveaux clients et augmenter son revenu. La marque apparaît alors comme dynamique et à l’écoute de son marché, et cela rassure la clientèle en temps de crise sur sa pérennité», détaille General Manager, de Create Worldwide.

Une place dans la mémoire des consommateurs

L’investissement dans la communication de marque en temps de crise doit être proportionnel au potentiel du marché, précise aussi Vino Sookloll. «Mais pour construire sa marque et maintenir sa part de marché à long terme, il est impératif d’inclure un budget de maintenance pour la marque, car seules les marques qui ont une place dans la mémoire des consommateurs émergeront après la crise. Le branding est l’outil par excellence à mettre en place pendant les périodes difficiles et même au-delà. Le branding permet à la marque de se remettre en question, de revoir son positionnement, d’identifier de nouvelles cibles, d’améliorer son offre, etc. Il est dommage que le «vrai» branding soit encore peu compris par la majorité des acteurs, d’où le questionnement sur sa pertinence dans le processus de marketing», explicite le spécialiste chevronné de la publicité et de la communication.

Assurer la continuité du déroulement de la stratégie de marque est de ce fait une des composantes clés du ‘business continuity’, comme l’étayent Aradhna Boodhoo-Laumond, Group Director of Business Development, et Patricia Aliphon, Director ofGrowth, à Eclipse Communications.

Et trois ans après la pandémie, les marques ont pris conscience, nous disent-elles, que «les gens n’achètent pas ce que vous produisez; ils achètent le pourquoi de ce que vous faites». D’où le besoin d’un ‘re-engineering’ ressenti par de nombreuses marques. «D’une part, pour communiquer de la joie, du réconfort et de l’évasion et, d’autre part, pour créer une connexion avec leurs publics sur la base de valeurs et d’interactions humaines, et leur offrir des expériences significatives .À l’ère actuelle, la fonction même des entreprises a changé aux yeux du public ; la pandémie a, en effet, mis en lumière le rôle sociétal attendu d’elles, ce qui pousse les professionnels du branding et de la communication à apprendre à construire de nouvelles dimensions de prise de parole des entreprises, au-delà du discours purement mercantile ou promotionnel.»

La pandémie a rebattu toutes les cartes, observe Maneka Mahadea, directrice de SmartComs : les habitudes de consommation, les attentes des clients et les modes de communication. «Depuis la pandémie, le marché du branding a beaucoup évolué et le changement des habitudes de consommation, les attentes des clients et les modes de communication ont beaucoup changé(…) En 2023, le marché sera marqué par la créativité, l’émotion et l’innovation. Les marques devront être capables de raconter une histoire unique et authentique, qui touche le coeur et l’esprit des clients.»

La branding comme le formule Vino Sookloll, fait partie de la communication, tout en n’étant pas de la communication en soi. Scientifique et invisible, la communication offre au branding une scène pour s’exprimer. «On parle souvent d’innovation. Justement, le branding permet exactement cela, que ce soit dans des situations de survie, de conquête ou de reconquête(…) Regardez les grandes marques internationales. Il ne se passe pas un jour sans qu’on entende parler d’une nouveauté ici et là. Que ce soit les GAFA, l’automobile, l’audiovisuel, l’aviation et autres. Les entreprises mauriciennes doivent envisager d’inclurele branding dès le tout début de la chaîne pour tirer profit de toute la puissance du branding, et non l’inverse. Je suis confiant que petit à petit, nos entreprises adopteront cet outil essentiel à leur développement local, régional et, pourquoi pas, mondial», fait ressortir l’Innovative Brand & Creative Consultant de FCBCREAD, fort de plus de 40 ans dans la direction et la stratégie créative au sein de l’agence qu’il a fondée.

Autant que la conjugaison de crises qui ont refaçonné le monde d’après-2020, l’arrivée en fanfare de ChatGPT et des autres types IA générative (ndlr :système s’appuyant sur l’intelligence artificielle pour générer de nouveaux contenus et idées, à l’instar de conversations, de vidéos, de modèles 3D…) révolutionne également le secteur de la création et de la communication. Alors tremplin ou plongeoir ? «L’IA est aujourd’hui capable de simuler des émotions, de détecter les émotions des humains et d’y répondre en temps réel, d’influencer les émotions de son interlocuteur. Ce que l’IA ne sait toujours pas faire, c’est se doter d’un programme de conscience, être capable de ressentir des émotions, distinguer des émotions plus complexes. L’IA propose des leviers, des outils différents pour produire des contenus et influencer, mais l’IA ne pourra pas ressentir et créer des émotions. Alors oui, nous pouvons produire pour moins cher avec de l’IA et en tant qu’agence, il nous arrive de proposer des solutions moins chères à nos clients avec ces nouveaux outils. Toutefois, sans les ingrédients clés émotionnels et empathiques, sans des valeurs, les messages produits par l’IA seule, même si créatifs, ne suffiront pas à créer le lien émotionnel pour assurer la pérennité de la marque», détaille Christine Rochecouste-Collet Salaün. Car, comme l’étaye notre interlocutrice, la réussite d’une marque vient de sa capacité à fidéliser sa clientèle, et cette fidélité se traduit par une connexion émotionnelle. «Or, notre métier c’est de savoir ressentir les émotions des consommateurs et de créer des connexions émotionnelles entre les marques et leurs consommateurs.»

Une marque est dotée d’une identité propre et d’une conscience

Par ailleurs, ajoute la General Manager de Create Worldwide, une marque est dotée d’une identité propre et d’une conscience: la conscience émanant de ses employés et de ses dirigeants, la conscience de ses clients… Elle est dotée de valeurs socles qui sont transmises dans son ADN. Et l’IA ne sait pas encore définir les valeurs intrinsèques d’unemarque. Même constat du côté de SmartComs. Maneka Mahadea, directrice de SmartComs, est d’avis que l’IA doit être utilisée comme un outil complémentaire avec l’intelligence humaine et non comme un substitut du branding. «À la fin du jour, ce sont les experts en branding et en communication qui doivent valider, améliorer et personnaliser les contenus produits par l’AI, afin qu’ils soient adaptés aux objectifs et aux valeurs de chaque marque», précise  cette dernière.

Depuis le début de l’année, l’utilisation de l’IA est de mise à SmartComs pour répondre à ces besoins de communication, mais aussi pour gagner du temps. «Le principal avantage d’utiliser un outil d’IA, du moins pour SmartComs, c’est qu’il y a eu une amélioration notable de la productivité et de l’efficacité. Qu’est-ce que cela signifie pour nous et nos clients ? Nous avons pu offrir des services complémentaires à nos clients existants, et cela a augmenté notre capacité à accepter plus de projets. Cela dit, la prudence est de mise. Utiliser des outils d’IA ne se résume pas seulement à insérer des instructions. Les experts en branding et communication doivent toujours faire une vérification minutieuse afin d’assurer la qualité – l’exactitude de l’information, l’accord avec l’identité de marque de nos clients et la conformité aux réglementations locales. Comme le dit Thomas Davenport, expert en marketing et en IA, «l’IA n’est pas une baguette magique qui peut résoudre tous les problèmes de marketing.»

Abordant avec humour le sujet de l’impact de l’IA et de ChatGPT sur le secteur créatif d ela communication, Vino Sooklollen fait un amalgame avec l’arrivée de la calculatrice, soulignant par là le levier que représentent ces avancées technologiques pour les secteurs concernés. «Alléluia ! Quelle aubaine pour les créatifs. L’IA et ChatGPT leur ont donné un deuxième cerveau. L’époque où l’on passait des heures à faire des recherches, des simulations et des maquettes est révolue. En prenant en charge toute la partie routinière de notre tâche, l’IA et ChatGPT ont libéré notre cerveau pour pousser notre créativité encore plus loin. La limite serait le cerveau de l’homme lui-même. Rappelons-nous l’arrivée de la calculatrice, un outil qui permettait à l’homme d’effectuer des calculs scientifiques inimaginables, mais ce n’est pas pour autant que tout le monde l’a utilisée pour aller sur la lune. Après l’IA et ChatGPT, il y en aura d’autres. Seule notre capacité d’adaptation nous permettra de tirer profit de ces outils contemporains», étaye-t-il.

L’impact des propositions IA sur les communications humaines dépendra de la façon dont nous choisirons de les utiliser, affirment Aradhna Boodhoo-Laumond, Group Director of Business Development, et Patricia Aliphon, Director of Growth, à Eclipse Communications. «Si nous les utilisons pour automatiser toutes les interactions avec les clients et l’audience, cela peut certainement limiter les interactions humaines, mais si nous les utilisons pour améliorer la qualité et la personnalisation de ces interactions, cela peut renforcer et sublimer les relations humaines. Certes, l’IA s’est immiscée dans le processus créatif et redéfinit les contours du métier. Qu’il s’agisse du graphisme ou de la rédaction automatisée de textes, elle est une aide de taille pour les métiers créatifs. Mais si elle se révèle efficace dans certaines étapes du processus decréation, elle ne peut pas remplacer l’artiste ou l’écrivain. Aucune machine ne sera capable d’imiter la capacité créative de l’esprit humain. Seul l’humain peut donner aux marques des codes identitaires puissants. Dans le secteur de la communication, l’intelligence émotionnelle, la prise en compte du réel et l’authenticité sont déterminantes dans l’élaboration et la mise en oeuvre des stratégies et des messages. Ainsi, les professionnels de la communication sont appelés à trouver en l’intelligence artificiellele moyen de faire de la machine le prolongement de notre cerveau, de sorte que l’IA puisse être au service de la créativité et affiner davantage les stratégies de communication.»

Tags: