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Interview Rencontre

«L’économie bleue représente un secteur d’avenir pour les pays de la COI»

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André Pouillès-Duplaix (Directeur, Agence Régionale de L’’AFD)

André Pouillès-Duplaix (Directeur, Agence Régionale de L’’AFD)L’agence française de développement (AFD) a célébré ses 80 ans d’existence en décembre dernier. André Pouillès-Duplaix, directeur de l’agence régionale pour Maurice et les Seychelles, effectue un tour d’horizon des grands chantiers en développement.

L’AFD a fêté ses 80 ans d’existence le 2 décembre dernier. Quels sont les principaux projets de développement enclenchés dans la zone océan Indien en 2021 ?

L’action de l’Agence Française de Développement, y compris dans l’océan Indien, s’inscrit avant tout dans la durée. En effet, elle vise à accompagner une transition économique, sociale et sociétale plus inclusive pour les populations en les guidant vers un modèle plus résilient aux effets du changement climatique et plus respectueux envers la nature et la diversité biologique.

En matière d’adaptation au changement climatique, l’AFD soutient la Commission de l‘Océan Indien (COI) à travers le projet Hydromet. Il faut savoir que ce projet vise à renforcer l’adaptation des États membres de la COI aux événements climatiques extrêmes (qui touchent plus particulièrement les populations les plus vulnérables) à travers l’amélioration de la prévisibilité météorologique et des systèmes d’alerte précoce. Depuis 2018, les gouvernements de Madagascar, de l’Union des Comores, de Maurice et la COI bénéficient également d’un appui de l’AFD à travers la Facilité Adapt’Action pour améliorer leur connaissance des impacts du changement climatique et intégrer ces enjeux dans leurs politiques publiques.

Les pays de la zone Océan Indien sont vulnérables

Nous soutenons également la COI afin de réduire l’exposition au changement climatique sur les rivages de la zone grâce à des actions alliant conservation des espaces naturels littoraux et développement de filières économiques durables au bénéfice des populations. En ce qui concerne la première cause de pollution des océans, nous apportons à la COI une contribution au projet régional de lutte contre la prolifération des déchets plastiques. Quant au volet sanitaire, l’AFD soutient depuis 2007 le réseau de surveillance épidémiologique et de gestion des alertes (SEGA-One Health) qui permet un dialogue continu des services sanitaires en termes de santé humaine et animale.

Enfin, depuis 2020, la République de Maurice est bénéficiaire d’un prêt de contingence adossé à un programme d’appui pour lutter contre les impacts économiques, sociaux et sanitaires liés à la crise de la Covid-19 et mieux se prémunir contre les risques de catastrophes naturelles.

Le réseau de surveillance épidémiologique SEGA-One Health a pour but d’améliorer la santé des populations des États membres. Que faut-il faire pour augmenter la résilience sanitaire de ces États insulaires ?

Le réseau SEGA-One Health est un réseau unique et emblématique qui a démontré son importance dans le contexte de la pandémie de Covid-19, une crise sanitaire qui a rendu les populations des îles du sud-ouest de l’océan Indien et du monde entier encore plus vulnérables. Nos pays sont appelés à construire leur résilience sanitaire, sociale, financière et climatique de la manière la plus durable possible.

Consciente des défis à relever, l’AFD cherche à appuyer les initiatives qui promeuvent les Biens Publics Régionaux. Pour cela, nous finançons des projets, apportons notre expertise et renforçons des partenariats scientifiques et techniques tout en inscrivant le lien social et l’identité culturelle comme fondements de toute action.

Ainsi, l’amélioration de la résilience sanitaire s’inscrit dans la continuité de nos actions et porte notamment sur le renforcement des activités déjà engagées afin de soutenir les États membres de la COI. Cela s’effectue surtout en matière de détection, d’investigation, de contrôle et de prévention efficaces des maladies émergentes et ré-émergentes, de stratégies régionales de surveillance et de riposte face à l’épidémie, de renforcement des capacités et de la formation épidémiologique.

L’AFD a mis en place le projet SUNREF pour accompagner les entreprises mauriciennes dans leur transition écologique. Quels sont les projets d’investissement qui ont bénéficié de la ligne de crédit verte ?

En effet, le programme SUNREF consiste en une ligne de crédit dédié au financement de projets verts ou inclusifs portés par des particuliers ou entreprises mauriciennes. Cette ligne de 85 M€ est mise à la disposition du secteur privé sur la période 2018-2023 par l’intermédiaire de trois banques locales, à savoir, AfrAsia Bank, MCB et SBM. Pour rendre le dispositif attractif, l’AFD, avec le soutien de l’Union européenne, a mis en place un système de primes à l’investissement au bénéfice des porteurs de projets.

Ayant pour ambition de réduire les vulnérabilités de Maurice face au changement climatique, le programme SUNREF cible deux catégories de projets : les projets d’atténuation du changement climatique, et les projets d’adaptation au changement climatique, améliorant ainsi la résilience des infrastructures face aux effets du changement climatique. En ce qui concerne l’atténuation, le programme a permis le financement d’énergies renouvelables et d’équipements performants d’un point de vue énergétique : climatiseurs efficaces, éclairage basse consommation, isolation, systèmes industriels performants de production de chaleur ou de froid.

Pour ce qui est de l’adaptation au changement climatique, le programme met l’accent sur la ressource en eau, en lien avec les périodes de stress hydrique et les inondations plus intenses à prévoir. Par exemple, SUNREF a accompagné la Smart City de Cap Tamarin dans le financement de son système de gestion des eaux pluviales. Au-delà des banques, les porteurs de projets sont accompagnés par l’Assistance Technique SUNREF basée au sein de Business Mauritius.

L’économie bleue est souvent considérée comme un nouveau pilier économique pour Maurice. Quelle analyse portez-vous sur ce secteur au niveau local ?

L’économie bleue est un secteur à fort potentiel et les 2,3 millions de km2 de zone maritime représentent une grande opportunité pour Maurice, permettant l’émergence de plusieurs projets. Déjà en 2015, à la suite de la feuille de route nationale sur l’économie bleue Ocean Economy Roadmap, l’AFD avait porté un intérêt sur le sujet et avait mené une mission d’identification afin d’accompagner la mise en œuvre de cette stratégie. En complément, des appuis sur l’économie océanique sont mobilisables et la France, par le biais de l’AFD, peut soutenir le développement économique et durable de ce secteur tout en promouvant la gestion durable de la pêche, la protection des écosystèmes et la biodiversité marine.

Sur le plan régional, un appui est en cours auprès de l’Indian Ocean Rim Association qui vise à mettre en œuvre certaines activités du plan d’action économie bleue de l’organisation (comptant NOTRE INVITÉ 23 États membres, dont Maurice).

Pour les pays de la COI, il est indéniable que l’économie bleue représente un secteur d’avenir. Au niveau national, ce potentiel est pleinement mesuré et certains pays ont développé des stratégies nationales dans le but de faire de l’océan un pilier pour leur économie nationale, à l’instar de Maurice, des Seychelles et de la France/Réunion. Je salue également le gouvernement mauricien qui lui a même dédié un ministère.

«Développement durable et lutte contre la pauvreté ne peuvent être dissociés de la lutte contre le réchauffement climatique et de la protection de l’environnement et de la biodiversité»

La lutte contre le changement climatique fait aussi partie de vos priorités. Une récente étude scientifique démontre que les récifs coralliens de l’océan Indien sont voués à disparaître d’ici 2050. Comment renverser la vapeur ?

Je tiens à faire ressortir que développement durable et lutte contre la pauvreté ne peuvent être dissociés de la lutte contre le réchauffement climatique et de la protection de l’environnement et de la biodiversité. Depuis 2017, l’AFD s’est engagée à assurer une activité compatible à 100 % avec l’Accord de Paris sur le climat.

Cette action s’articule autour de trois axes : l’atténuation du changement climatique ; l’adaptation aux impacts du changement climatique ; le soutien aux États, collectivités et territoires dans la mise en place de trajectoires de développement bas carbone et résilientes aux effets du dérèglement climatique. De plus, l’AFD a aussi mis en place la Facilité 2050, dédiée à l’élaboration des stratégies à long terme de développement bas carbone et résilient.

Ainsi, dans la zone océan Indien, l’AFD a pu mobiliser divers instruments financiers pour contribuer à une meilleure résilience des écosystèmes côtiers, construire un dialogue de politique publique et citoyen en matière de préservation de la biodiversité ou encore soutenir des études et engager des actions de renforcement de capacités pour lutter contre les risques de catastrophes naturelles et d’inondations.

En particulier, l’AFD, en partenariat avec Ocenanyka et l’Université de Maurice, promeut un dialogue concerté en matière de préservation de la biodiversité marine et terrestre. Si cela s’effectue dans le but de produire de la connaissance scientifique pour former, sensibiliser et conscientiser aux problématiques relatives à la biodiversité, nous voulons également développer des modèles économiques et financiers plus durables en appuyant la constitution de plateformes multi-parties prenantes.

Pour revenir à la Facilité 2050, je précise que l’AFD accompagne le gouvernement mauricien vers une transition bas carbone et résiliente avec un focus sur les secteurs les plus émissifs, l’énergie et les transports, ainsi que les secteurs les plus vulnérables, à savoir, l’agriculture et le tourisme.

Quelle est votre vision pour la zone océan Indien, et plus particulièrement Maurice ?

Se situant à un carrefour stratégique entre l’Asie et l’Afrique, la région de l’océan Indien est un espace riche avec des biens publics régionaux et à fort potentiel économique avec une identité culturelle régionale.

Cependant, les pays de la zone sont vulnérables malgré les disparités au niveau économique compte tenu de leur insularité, de l’étroitesse des marchés, de la fragilité environnementale et de l’exposition aux catastrophes naturelles et sanitaires. Ma vision pour la région est celle d’un espace «indianocéanique» intégré pour un développement durable et une croissance économique inclusive contribuant au bienêtre de ses populations.

Même si la République de Maurice doit faire face à plusieurs grands défis économiques, sanitaires et climatiques, j’estime qu’elle est tout à fait capable de poursuivre son développement à l’échelle nationale ainsi qu’au niveau régional. Je pense que la réflexion doit se poursuivre sur la durabilité du développement et la diversification économique en vue de rendre Maurice moins dépendante des ressources extérieures.

Certaines mesures ont déjà été annoncées dans le dernier budget national, et c’est un très bon signe. Il s’agit désormais de poursuivre la mise en œuvre de ces mesures et l’AFD reste disponible pour soutenir les autorités par le biais de moyens et ressources ainsi que des politiques publiques adéquates. C’est de cette manière que l’on pourra contribuer à un cadre de gouvernance publique plus résilient, un développement durable des filières et une transition juste (développement des énergies renouvelables, promotion des systèmes durables de production locale).

Enfin, Maurice pourrait aller plus loin afin de mieux former sa population sur des expertises clés et des métiers «verts» en lien avec la préservation de son espace naturel, et chercher à revaloriser ses expertises pour assurer des débouchées à l’échelle nationale et régionale.

 

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