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Interview Rencontre

Sandra Leblé (coprésidente de la French Tech et fondatrice d’IO Corporate Development) «Le financement est l’un des premiers obstacles majeurs d’une nouvelle entreprise»

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L’entrepreneuriat à Maurice est en plein essor, propulsé par des start-up à la pointe de l’innovation. Cependant, des défis cruciaux subsistent, tels que le financement initial et la concurrence du marché du travail traditionnel. Le coaching, la mise en réseau et les incubateurs se positionnent comme des alliés indispensables dans ce paysage dynamique, offrant un soutien essentiel aux entrepreneurs en herbe. Sandra Leblé, coprésidente de la French Tech, nous en parle.

L’île Maurice dispose d’un riche écosystème entrepreneurial. En tant que cofondateur de la French Tech, comment voyez-vous l’essor actuel de l’entrepreneuriat à Maurice, en particulier en ce qui concerne les nouvelles start-up ?

Il existe de nombreuses communautés d’entrepreneurs dans le secteur des start-up. Ce qui définit une start-up, c’est le caractère innovant de sa solution et sa capacité de croissance. On dit French Tech, mais il n’y a pas besoin d’être technologique pour être innovant. Certaines entreprises « low-tech » sont très innovantes et font beaucoup pour promouvoir ce que nous appelons la “tech for good”. Et c’est ce que nous aimons beaucoup à la French Tech : des solutions qui répondent à des objectifs précis. Je dirais que c’est un terrain de jeu très intéressant pour les entrepreneurs, avec relativement peu de risques autres que ceux normalement associés aux affaires.

Quels sont les défis spécifiques auxquels sont confrontées les nouvelles entreprises à Maurice ?

L’un des principaux besoins des jeunes entreprises est le financement, en particulier dans les premières phases. Et je pense que c’est l’un des premiers obstacles majeurs. Il existe des subventions MRIC et des concours de création d’entreprise. Mais il y a toujours un levier qui est essentiel, c’est le financement privé. La capacité d’un entrepreneur à lancer une start-up seule avec ses propres fonds est un véritable défi. D’autant plus si l’on a beaucoup de factures et peu d’appuis ou de réseaux de partenaires.

Lors des week-ends de start-up organisés par la French Tech, j’ai eu l’occasion d’accompagner des étudiants en tant que coach. Ces étudiants ont des idées géniales et sont très talentueux. Pendant ce week-end, on voit des équipes hyper-motivées et quatre mois plus tard, il n’y a rien du tout. Parfois, ces équipes ne se sont pas vues plus de deux fois, plus de trois fois. Que s’est-il passé entre-temps ? Ils ont trouvé du travail. Ils sont demandés sur le marché mauricien. Ils ont peut-être la meilleure idée du monde mais je pense qu’il y a ce grand défi du financement et de la stabilité. C’est ce qui se passe dans la pratique. L’intégration dans le marché du travail traditionnel est souvent en totale concurrence avec l’esprit d’entreprise des jeunes.

De ce fait, dans cet environnement instable, quelle importance accordez-vous au coaching, au partenariat et à la mise en réseau, et comment cela influe-t-il sur la trajectoire de croissance des jeunes pousses ?

L’île Maurice offre l’avantage d’être un petit territoire, ce qui facilite l’accès aux décideurs, aux investisseurs et aux législateurs. Le réseautage a plusieurs effets. Le premier est la visibilité, c’est-à-dire que si vous êtes un entrepreneur, vous vous direz probablement que vous devez sortir de votre boîte lorsqu’il y a une solution brillante à développer. Mais si personne ne la connaît, le client ne vous trouvera pas. L’investisseur que vous recherchez ne le saura pas, même si l’idée est là et qu’il a de l’argent à investir. Il y a un troisième levier majeur que vous pouvez utiliser pour, entre guillemets, vous élever : le réseautage. C’est un gain de temps en termes de réflexion et de stratégie. Échanger des idées, c’est aussi trouver des gens qui peuvent vous challenger et vous aider à aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin.

Dans ce contexte, quels avantages les incubateurs offrent-ils aux entrepreneurs ?

Les incubateurs sont essentiels. Pourquoi un incubateur ? Tout d’abord, c’est un endroit qui vous accueille, vous et votre idée, gratuitement ou presque. Il y a des incubateurs comme Trampoline, qui est un incubateur d’entrepreneuriat social qui, s’il est convaincu par votre idée, vous fait passer par des filtres d’entretien. C’est le risque maximum, et Trampoline vous accompagnera. D’autres incubateurs, comme La plage Factory, accueillent des entrepreneurs à un stade un peu plus avancé de leur développement. Le grand avantage d’un incubateur est que vous serez entouré d’experts. Le plus souvent, vous aurez droit à des master class ou à de l’accompagnement, du coaching, qui vous apporteront juste la part d’expertise dont vous avez besoin, mais pas sans embaucher.

Et surtout, cela va donner un rythme. Il suffit de peu de choses pour que vous ayez une idée géniale, mais vous ne vous en occupez jamais si vous n’êtes pas accompagné, et si personne ne vous donne un rythme. Je pense donc que les incubateurs peuvent être une véritable clé. Les incubateurs peuvent également être bien informés sur les programmes ou les subventions possibles en fonction de votre projet.

Quelles sont les initiatives et le soutien apportés par la
French Tech ?

La French Tech, c’est en fait un écosystème de différents acteurs autour des start-up qui, selon leur taille, est avant tout un groupe de personnes. Ce n’est pas un incubateur, mais il réunit des incubateurs. Ce n’est pas un investisseur en tant que tel, mais il réunit des investisseurs et des coachs. C’est vraiment un écosystème. Et je considère qu’il s’agit vraiment de créer un terrain fertile pour qu’une start-up, quel que soit son stade idéal, sa maturation accélérée, etc. puisse trouver très rapidement les experts à proximité pour l’aider à avancer.

Nous organisons des événements réguliers tous les deux ou trois mois au sein de la communauté French Tech, offrant aux membres l’occasion de se rencontrer, d’échanger et de présenter leurs idées. Ces événements conviviaux et directs permettent aux nouveaux venus de travailler leur pitch et de se faire connaître au sein de la communauté entrepreneuriale. C’est une opportunité précieuse pour partager et découvrir les projets des uns et des autres, tout en renforçant les compétences de pitch des entrepreneurs.

Et puis il y a l’Invest Night ?

Oui. En général, les jeunes entreprises sont très prudentes lorsqu’il s’agit d’approcher des investisseurs. Elles attendent que leur projet ait mûri. Elles ont peur des investisseurs, d’être rejetées, etc. L’objectif est donc de dire : aujourd’hui, vous n’avez pas besoin d’être prêt, laissez les investisseurs vous aider ; ils seront vos mentors pour une soirée, ils vous donneront des conseils sur la manière de lever des fonds avec succès, et vous pourrez leur poser toutes vos questions. Vous n’avez donc pas besoin d’être prêt ; ils vous aideront à l’être. Enfin, nous voulions vraiment que les jeunes entreprises réalisent que les investisseurs ne forment pas une masse uniforme. Certains seront plus sensibles aux études de marché, d’autres à l’impact du projet, d’autres encore à ce que disent vos premiers clients, à la manière dont vous avez utilisé les fonds précédents.

Enfin, quelles sont les nouvelles tendances en matière d’innovation entrepreneuriale ?

Personnellement, je pense qu’il y a un grand élan autour des technologies vertes, les Green Tech. En tant que French Tech, nous préparons une conférence Green Tech début avril, où nous allons nous concentrer sur ce sujet. En outre, la French Tech bénéficie d’un réseau mondial d’innovation, et nous allons utiliser cette conférence pour rechercher des innovations à l’extérieur du pays, c’est-à-dire pour essayer d’atteindre un public très large dans le domaine des technologies vertes et de voir comment les start-up françaises se débrouillent dans le monde.

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