Type to search

Actualités Autres

Agnès Bénassy-Quéré: «Maurice doit s’inquiéter de ses finances et non du Brexit»

Share
Agnès Bénassy-Quéré: «Maurice doit s'inquiéter de ses finances et non du Brexit» | business-magazine.mu

De passage à Maurice, la présidente déléguée du Conseil d’Analyse Économique s’est confiée à Business Magazine. Elle commente l’impact du Brexit sur l’économie mauricienne.

Le Brexit ne devrait pas être une source d’inquiétude pour Maurice. Nous avons effectivement beaucoup plus à gagner si l’Union européenne prospère. C’est l’avis d’Agnès Bénassy-Quéré, présidente déléguée du Conseil d’Analyse Économique. Elle est actuellement à Maurice dans le cadre d’une conférence sur l’avenir de l’Europe, dans le contexte de la crise persistante de l’euro et du Brexit.

Pour Agnès Bénassy-Quéré, au lieu de se focaliser sur l’Europe, Maurice devrait plutôt s’inquiéter de ses finances, car il dispose d’un bilan très élevé, soit 35 fois son PIB. Étant constamment en déficit extérieur, nous dépendons beaucoup des capitaux étrangers.

Ainsi, un tiers des exportations mauriciennes vont vers l’Union européenne. Le Royaume-Uni, à lui seul, représente 12 % de nos exportations. Quand on sait que dans le sillage du Brexit, la livre sterling s’est dépréciée d’environ 17,7 % face à la roupie, on peut pleinement mesurer son impact sur notre produit intérieur brut (PIB). Agnès Bénassy-Quéré précise toutefois que le choc ne sera pas massif car le Brexit est un processus lent.

Miser sur la résilience

Selon l’économiste française, Maurice doit s’atteler à bâtir sa résilience tout en surveillant de près le taux de change de la roupie, car nos actifs et passifs sont énormes. Donc, les risques pour Maurice se situent plus du côté de la finance que du côté du Brexit.

Sur le plan international, Agnès Bénassy-Quéré explique que si le Brexit est appliqué dans toute sa rigueur, cela impliquera des changements. Le cas échéant, l’économie britannique serait durement impactée avec une baisse d’environ 10 % du revenu par tête d’habitant. À l’échelle de l’Europe, la chute du PIB par habitant se situerait alors autour de 1 %.

«Toutefois, il y a énormément d’incertitudes car nous ne savons pas quelle forme prendra le Brexit à terme. Par ailleurs, le Brexit n’est qu’un écran de fumée. Le problème de l’Union européenne (UE) est plus profond avec deux niveaux de difficulté», observe-t-elle.

Effectivement, l’UE est un modèle qui fonctionne par intégration. Or, ce modèle est en panne. Il faut savoir que l’intégration économique dans les services n’est pas terminée en Europe. Il y a toujours des barrières réglementaires ou autres qui empêchent d’avoir véritablement un marché unique de service. Si celui-ci se matérialisait, on pourrait espérer une croissance de 10 % du PIB par habitant.

L’autre difficulté se situe au niveau de la zone euro. La crise de l’euro a révélé trois erreurs majeures de conception. La première a été de réaliser une union monétaire sans se rendre compte que l’essentiel de la création monétaire ne viendrait pas de la Banque centrale européenne (BCE), mais des banques commerciales. La deuxième erreur se rapporte à l’incohérence du traité de Maastricht : lorsqu’un État se trouve en difficulté, il ne peut demander de l’aide ni à la BCE, ni aux autres États membres, ni à ses créanciers (sous forme d’une restructuration de dette). Et la troisième erreur a été de négliger la coordination des politiques économiques entre États membres. À la place, l’on s’est tenu à des règles de discipline budgétaire. 

«Tout cela fait que la zone euro est faible. Aujourd’hui, elle repart mais elle n’a pas de véritable stratégie pour résister si une autre crise survenait. Cet état de fait est donc assez inquiétant. S’il y a une crise dans la zone euro dans deux ans, les gouvernements seront tellement pris qu’ils n’auront ni le temps, ni l’énergie de réfléchir à l’Union européenne. Le Brexit n’est pas un sujet de préoccupation majeure pour les Européens», ajoute-t-elle.

Pour Agnès Bénassy-Quéré, l’UE est en train de corriger ses défauts structurels. Ainsi, pour biffer les défaillances liées à l’instauration d’une union monétaire, l’UE a décidé de mettre en place une union bancaire. Celle-ci a transféré à un superviseur unique la surveillance des grandes banques de la zone euro et a établi des règles de restructuration communes. Par ailleurs, des discussions sont engagées au niveau de l’UE pour voir comment à l’intérieur de la zone, on pourrait éventuellement soutenir un pays qui se retrouverait en difficulté. De même, l’UE a pris la pleine mesure de l’importance  d’une meilleure coordination des politiques économiques entre les États membres.