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L’Opposition en ordre de bataille

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L'Opposition en ordre de bataille | business-magazine.mu

Depuis qu’elle a été officialisée, la passation de pouvoir entre l’ex-Premier ministre, sir Anerood Jugnauth (SAJ) et son fils Pravind suscite de vives réactions au sein de l’Opposition. Ses différentes composantes – Parti mauricien social-démocrate (PMSD), Mouvement militant mauricien (MMM), Parti travailliste (PTR) et Mouvement patriotique (MP) – dénoncent ouvertement ce qui est désormais connu comme le «deal papa-piti» et disent leur détermination à ne pas en rester là.

S’exprimant lors d’un point de presse le jour de la prestation de serment du nouveau PM, Xavier-Luc Duval, leader de l’Opposition et du PMSD, a déclaré que la passation de pouvoir qui a eu lieu au sein du gouvernement est anticonstitutionnelle. Paul Bérenger, leader du MMM, n’a pas non plus mâché ses mots et s’est dit révolté par ce «deal» qu’il qualifie de «viol de la démocratie». «C’est un jour bien triste pour l’île Maurice. Un jour de deuil pour la démocratie», a-t-il laissé entendre. Un sentiment partagé par le député rouge Shakeel Mohamed.

Ashok Subron, porte-parole de Rezistans ek Alternativ, pense aussi que le gouvernement n’a pas respecté la Constitution. Selon lui, si SAJ a décidé de ne pas se retirer complètement de la gestion du pays, bien qu’il ait dit en septembre dernier, «Je constate que je ne peux aller au bout des cinq ans (NdlR, en tant que Premier ministre)», c’est qu’il a voulu éviter une élection partielle à la circonscription numéro 7 (Piton/Rivière-du-Rempart), considérée comme son «fief». «C’est un mauvais départ pour le nouveau Premier ministre, Pravind Jugnauth», a insisté Ashok Subron. Un avis que partage Adrien Duval, du PMSD, ex-Deputy Speaker de l’Assemblée nationale, déplorant, pour sa part, qu’Alain Wong ait été choisi pour gérer le portefeuille de l’Intégration sociale une semaine après sa démission des bleus. «Le fait d’avoir constitué le Cabinet avec un transfuge est un mauvais départ», argue-t-il.

En contrepartie, Danielle Selvon, qui siège en indépendant au Parlement, estime qu’il est tout à fait légal que Pravind Jugnauth accède au poste de PM de cette manière car «c’est écrit dans la Constitution.» De fait, le Parlement pratique le système westminstérien et comme l’explique Lindsey Collen, du parti Lalit, ce système parlementaire de gouvernement permet à celui qui est à la tête de la majorité – dans ce cas précis, Pravind Jugnauth – de devenir Premier ministre. «Ce n’est pas le peuple qui élit le PM mais le système qui le porte au pouvoir. Selon le système de Westminster, le leader d’un parti politique qui remporte le plus de votes lors des élections générales devient le nouveau dirigeant, même s’il n’est pas élu en masse.» Et Lindsey Collen d’ajouter que ce même système donne les pleins pouvoirs au chef du gouvernement.

 

Ministre mentor : le poste qui dérange

Ce qui dérange le plus l’Opposition et les partis politiques indépendants, néanmoins, ce n’est pas tant la passation de pouvoir du père au fils que le fait que SAJ continue à faire partie du gouvernement comme ministre mentor, ministre de la Défense et de Rodrigues. La cérémonie achevée lundi, SAJ a d’ailleurs confié à la presse qu’il conservait sa place au sein du gouvernement et qu’il y prodiguerait des conseils. Une démarche que Danielle Selvon remet vivement en question, car selon elle, il n’est pas éthique que SAJ siège au Front bench du gouvernement. «C’est une famille qui prend le contrôle du pays à la tête d’un gouvernement MSM-ML-Transfuges, et c’est la première fois que cela arrive à Maurice. J’ai déjà dit qu’il fallait que SAJ démissionne du Parlement au nom de l’éthique et de la moralité politiques.» La députée indépendante n’en démord pas : «Qu’un père et un fils se retrouvent côte à côte sur le Front bench est antidémocratique». Aussi, se demande-t-elle si le pays ne court pas le risque de devenir une dictature. «Sur les réseaux sociaux, on voit des ‘Bye-Bye SAJ’ mais il n’est pas parti du gouvernement ! Cette situation nous donne l’impression que nous devenons comme la Corée du Nord. Mais, nous ne sommes pas la Corée du Nord. Pravind Jugnauth est le numéro 3 du gouvernement. Il aurait dû demeurer vice-Premier ministre.»

Que SAJ ait quitté son fauteuil de Premier ministre pour occuper celui de ministre aux côtés de son fils, Adrien Duval ne le digère pas non plus. Cette transition, avance-t-il, n’est pas conforme à la Constitution. Il a aussi fait remarquer que la cérémonie de prestation de serment a eu lieu dans la précipitation : les invitations ont été envoyées à la dernière minute et les ministres conviés ne savaient même pas quel portefeuille leur serait confié.

L’Opposition aurait-elle pu empêcher que le «deal papa-piti» soit consommé ? C’ est l’avis de Lindsey Collen. Elle avance que l’Opposition aurait dû proposer que l’accession ou non de Pravind Jugnauth au poste de Premier ministre soit soumise au vote des membres de l’Assemblée nationale. S’il avait été élu dans de telles conditions, dit-elle, on aurait pu réellement parler de démocratie. «C’est l’une des propositions que Lalit brandit depuis des années. Malheureusement, l’Opposition est en lambeaux

 

Pravind jugnauth saura-t-il s’imposer ?

Par ailleurs, une question inquiète : Pravind Jugnauth a-t-il la carrure nécessaire pour faire face aux défis qu’impose au pays la conjoncture économique mondiale, la souveraineté de Maurice sur les Chagos ou l’accord de cogestion sur l’îlot de Tromelin entre la France et Maurice ? Lindsey Collen, qui ne se focalise pas sur le nouveau Premier ministre, déclare: «Dès le début, ce gouvernement était un gouvernement sans gouvernail. Il n’a pas de programme mais prône des valeurs futiles.» Selon la porte-parole de Lalit, l’Opposition doit unir ses forces pour faire des propositions qui redynamiseront l’économie du pays.

Danielle Selvon pense quant à elle qu’après Roshi Bhadain, d’autres membres de la majorité tourneront leur dos au parti tôt ou tard. «Nous aurons peut-être des élections générales anticipées cette année même. Ce sera un 60-0 garanti contre le gouvernement de la famille au pouvoir», prédit la députée indépendante.

Dans le but de dénoncer les actes du gouvernement et de mettre en avant le principe du «pays avant tout», l’Opposition organise ce vendredi 27 janvier une manifestation qui débutera à la Place d’Armes, Port-Louis. Shakeel Mohamed, représentant du PTr, prévoit la participation d’un millier de personnes, vêtues de noir. «Car Maurice entre de plein fouet dans une période sombre», dit-il.