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Métro Express, un enjeu de taille pour l’économie

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Métro Express

Après 28 ans d’études et de tergiversations, le gouvernement a finalement opté pour le Métro Express comme mode de transport alternatif. Si ce projet permettra de doper la croissance et d’amortir les pertes liées à la décongestion routière, il pourrait toutefois constituer une menace pour l’industrie du transport en commun.

En 1989, sir Anerood Jugnauth commanditait la première étude sur le métro léger. Pendant 28 ans, les gouvernants, quoique conscients de l’importance d’un mode de transport alternatif, ont hésité entre le métro léger, le monorail ou encore le bus way. Entre-temps, avec l’accroissement du parc automobile, il est devenu de plus en plus difficile d’entrer et de sortir de la capitale aux heures de pointe.

Selon le Premier ministre, Pravind Jugnauth, la congestion routière coûterait aujourd’hui à l’économie la bagatelle de Rs 4 milliards. Ce chiffre pourrait atteindre Rs 10 milliards en 2030, prévoit-il. D’où l’importance de mettre en route le Métro Express qui, au-delà d’être un projet d’infrastructures, «va redéfinir l’aspect physique du pays». Il faut savoir que le Métro Express opérera sur le trajet Curepipe – Port-Louis, avec un tracé long de 26 km, desservant au passage 19 stations, lesquelles sont appelées à devenir des pôles économiques offrant des opportunités d’affaires, notamment aux petites et moyennes entreprises.

La mise en chantier du Métro Express – qui devrait être complété en 2021 – devrait donner un véritable coup de fouet au secteur de la construction tout en créant 7 000 emplois à plein-temps et générant des revenus de Rs 13 milliards pendant la phase de mise en œuvre.

Le Métro Express fait partie intégrante du programme national de décongestion routière, qui vise à moderniser le secteur de transport Son coût est estimé autour de Rs 17 milliards. Celui-ci est en partie financé par un don de Rs 9,1 milliards du gouvernement indien. Pour réunir la somme restante, les autorités sont à la recherche d’un partenaire stratégique. Un appel d’offres international a déjà été lancé à cet effet. À ce jour, deux compagnies indiennes ont exprimé leur intérêt, a indiqué le ministre des Infrastructures publiques, Nando Bodha.

Si le Métro Express devrait dynamiser l’investissement et la croissance, il suscite toutefois des appréhensions dans les compagnies d’autobus. Du reste, jeudi dernier, soit à la veille du lancement du projet, plus de 6 000 employés sont descendus dans les rues de la capitale pour faire montre de leur protestation. Une crainte légitime car depuis l’annonce de la résurrection du métro léger, rebaptisé Métro Express, l’État n’a pas établi de ligne de communication avec les opérateurs du transport

Pourquoi ce silence des autorités ? Sudesh Lallchand, conseiller au ministère des Infrastructures, en donne la raison : «Tant que le projet n’a pas été alloué, tant que nous ne disposons pas de propositions concrètes, nous n’avons rien à communiquer. Nous serons en mesure de rencontrer les partenaires concernés quand nous aurons tous les éléments en main. Ce sera aussi l’occasion pour eux d’exprimer les raisons de leurs craintes».

Manque à gagner conséquent

Une déclaration qui n’est pas pour rassurer les opérateurs du transport en commun. Selon Swaleh Ramjane, Managing Director d’UBS, avec l’entrée en opération du Métro Express, la compagnie risque de perdre jusqu’à 40 % de ses passagers sur la ligne Curepipe –Port-Louis. «Nous ne sommes pas contre le développement dans les transports en commun. Mais il serait juste de rappeler que les transports publics contribuent à l’économie mauricienne depuis une soixantaine d’années», observe-t-il. Il faut savoir qu’à ce jour, l’UBS et la Corporation nationale de Transport sont les deux seules compagnies d’autobus à opérer sur le trajet Curepipe – Port-Louis.

Un ancien cadre de la National Transport Authority tient le même discours. Il rappelle que pendant les grandes grèves des années ’79-’80 qui avaient touché le transport en commun, les Mauriciens ne pouvaient se rendre au travail. Ce qui avait eu pour conséquence de paralyser l’économie.

Face à ces craintes, Sudesh Lallchand réplique que le Métro Express ne constituera pas une menace pour les employés du transport «Il y a beaucoup de spéculations en ce moment. Or, le gouvernement ne viendra jamais de l’avant avec un projet qui mettra en péril des emplois», soutient-il. Et de faire ressortir que les compagnies d’autobus seront pleinement intégrées au projet du Métro Express, qui sera un moyen de transport plus moderne, confortable et rapide. «Pourquoi les gens préfèrent-ils prendre leurs propres moyens de transport pour aller travailler ? Quelle est la principale cause de la congestion routière? C’est parce que les autobus actuellement en circulation ont près de 10 ans et ne sont pas confortables. De plus, ils sont peu fiables quand il s’agit du respect des horaires… On veut encourager les Mauriciens à délaisser leurs voitures pour prendre le métro, comme cela se fait à l’étranger», ajoute-t-il.

L’ancien cadre de la NTA n’en démord pas : au lieu d’investir dans le Métro Express, le gouvernement aurait dû soutenir financièrement les compagnies de transport qui, en dépit de leurs difficultés financières, investissent dans le renouvellement de leur flotte. Ainsi, l’année dernière, UBS, qui compte 330 engins, a importé 66 autobus à plancher bas. Ce type de véhicule coûte environ Rs 4 millions contre, Rs 1 million pour un modèle classique. Jusqu’ici, la compagnie a injecté Rs 170 millions et projette de mettre 12 nouveaux autobus chaque année sur les routes.

En attendant que le gouvernement donne plus de détails sur le Métro Express et ses ramifications, les opérateurs du transport en commun nagent dans l’incertitude.