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Nouvelle impulsion à l’économie verte

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Nouvelle impulsion à l'économie verte | business-magazine.mu

La transition de Maurice vers une économie verte progresse lentement. Après avoir enterré le projet MID, le gouvernement s’est aligné sur le modèle Switch Africa Green de l’Union européenne. À l’horizon 2035, le pays pourra contempler une croissance supérieure de 6 % si les parties prenantes suivent la feuille de route établie.

En 2008, l’ancien régime annonçait son intention de placer l’économie mauricienne sur la voie du développement durable. L’éminent scientifique Joël de Rosnay de la Cité des Sciences était chargé de piloter le projet. C’est ainsi que naissait le programme Maurice île Durable (MID), dont l’objectif principal était d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique à 35 % à l’horizon 2025. Financée par l’Agence Française de Développement (AFD), cette stratégie s’appuyait sur le concept des 5 E : Environnement, Équité, Énergie, Éducation, Économie / Emploi.

Or, sur ces neuf dernières années, les progrès ont été relativement lents. La faute d’abord à la crise qui a poussé les autorités à changer leur fusil d’épaule et à soutenir les secteurs en difficulté à travers des mesures structurelles. Du coup, les énergies renouvelables ont été négligées. En témoigne l’utilisation faite du fonds spécial MID auquel une dotation de Rs 1 milliard avait été allouée. En effet, jusqu’ici, une partie des fonds a été décaissée pour financer des projets d’infrastructures, ainsi que le Budget national.

Avec l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement en 2014, le MID a été définitivement enterré. À la place, les autorités ont adopté en octobre 2016 l’initiative Greening the Economy du programme Switch Africa Green de l’Union européenne. Celui-ci concerne six pays à l’échelle de l’Afrique : Burkina Faso, Ghana, Afrique du Sud, Ouganda, Kenya et Maurice. Le montant total du programme est de 20,5 millions d’euros, avec le financement de l’Union européenne s’élevant à 19 millions d’euros. Il est mis en œuvre par le Programme des Nations unies pour l’Environnement.

Dans le cas de Maurice, l’Union européenne a proposé un modèle de développement qui prend en considération la ligne établie par le MID. Ainsi, l’objectif d’augmenter les énergies à 35 % dans le mix énergétique d’ici à 2025 a été maintenu. À ce jour, ce taux tourne autour de 20 %. L’initiative Greening the Economy prône une transition souple vers une économie verte, notamment en encourageant les microentreprises et les petites et moyennes entreprises (PME), qui constituent l’épine dorsale de l’économie, à utiliser des pratiques de gestion durable.

Pour assurer la transition vers une économie verte, le Country Implementation Plan du programme Greening the Economy identifie trois secteurs d’intervention prioritaires, à savoir l’industrie manufacturière, le tourisme et l’agriculture où l’adoption des pratiques durables devrait donner des résultats probants. Quatre autres secteurs seront également concernés par ce projet pilote : l’énergie, la gestion des déchets, l’eau et le transport.

Des économies substantielles

Selon le scénario établi, en adoptant des pratiques durables, les entreprises mauriciennes peuvent réaliser des économies de l’ordre de 10 à 15 %. De même, les investissements dans l’économie verte devraient générer de meilleurs résultats économiques que l’injection de capitaux dans les modèles économiques actuels. Ainsi, en s’alignant sur les objectifs de développement durable, Maurice pourra contempler une croissance supérieure de 6 % par rapport au modèle économique actuel.

Quelles sont ces pratiques durables à promouvoir dans les entreprises ? Dans le domaine agricole, l’objectif est de rapprocher la culture vivrière et l’élevage de bétail à travers des procédés de recyclage des nutriments, tout en adoptant des principes d’étiquetage écologiques et de commerce équitable. Avec à la clef un meilleur rendement pour les petits propriétaires de fermes.

Dans le secteur manufacturier, les autorités veulent encourager les TPE et PME à recourir aux Green loans pour effectuer leur audit énergétique. Cet exercice est financé à hauteur de 60 % par l’AFD dans le cadre du Programme National d’Efficacité Énergétique.

Dans le tourisme, le gouvernement prévoit de développer une feuille de route pour l’industrie. Il s’agira de se repositionner dans le tourisme durable. Une stratégie qui profitera aux petits et moyens opérateurs. Une Country Sustainable Carrying Capacity sera préparée afin de déterminer le nombre optimal de touristes que le pays pourra accueillir en prenant en considération des paramètres comme le rendement par touriste, la capacité d’accueil des hôtels et les impacts environnementaux et sociaux découlant de l’activité touristique.

Pour accompagner sa transition vers un modèle d’économie verte, le pays pourra compter sur ses partenaires, à l’instar de l’AFD, dont l’un des mandats est le soutien à la croissance verte et solidaire. L’institution a rouvert son antenne à Maurice en 2007. Depuis, ses interventions ont très largement visé à soutenir Maurice dans sa politique de développement durable. Au total, depuis 2007, près de 247,7 millions d’euros ont été consacrés par l’AFD au développement durable. Des prêts totalisant 145 millions d’euros ont été alloués à l’État, alors que 100 millions d’euros ont été prêtés aux banques. De plus, des subventions de 2,7 millions d’euros ont été orientées vers cet enjeu, dont 1,7 million d’euros financés par l’Union européenne et mis en œuvre par l’agence.

«La Vision 2030 est explicite sur le rôle clé du développement durable dans cet agenda. Il y a beaucoup à faire notamment dans les secteurs de l’énergie (production et efficacité), de l’eau (protection des bassins versants et réutilisation des eaux usées), de l’assainissement des eaux usées, de la gestion et du recyclage des déchets, de la protection des plages et du lagon. La feuille de route de Maurice en matière de lutte contre le changement climatique offre l’opportunité d’une vision intégrée sur toutes ces problématiques. L’AFD travaille sur ces problématiques, aussi bien avec le secteur public, qu’avec le secteur privé», indique un porte-parole de l’AFD.

De son côté, l’Union européenne a avalisé l’octroi d’une enveloppe de 23,75 millions d’euros à Maurice depuis 2010 sous divers programmes. Certains ont déjà été déboursés, d’autres sont en cours. «L’Union européenne appuie le gouvernement dans la mise en œuvre de sa politique d’économie verte à travers différents instruments bilatéraux et régionaux. Depuis 2008, plusieurs projets ont été financés par l’UE en faveur d’institutions publiques, des autorités locales, d’acteurs du secteur privé, d’institutions de recherche, et des organisations non gouvernementales», précise-t-on à la délégation de l’Union européenne basée à Maurice.

Partie prenante de l’exercice du programme Switch Africa Green, l’Union européenne a appuyé le gouvernement mauricien à travers une consultation locale ayant un double objectif : un examen des politiques et une analyse des lacunes et des défis qui constituent des obstacles pour une transition écologique et pour favoriser la transition des TPE et PME vers une économie verte, ainsi que l’identification des possibilités de soutenir le développement des entreprises vertes à Maurice dans les trois secteurs identifiés.

La balle est désormais dans le camp des autorités. Si le potentiel de l’économie verte est indéniable, c’est dans la mise en application qu’on risque de pécher.

Maurice île Durable : un goût d’inachevé

Des 138 actions proposées dans le plan d’action du programme Maurice île Durable (MID), à octobre 2014, 11 % ont été complétées, 61 % étaient en cours, et 28 % n’avaient pas encore démarré, indique Osman Mahomed, l’ancien président exécutif de la Commission MID. Suivant le transfert du fonds MID au Bureau du Premier ministre, c’est celui-ci qui se chargeait de sa gestion. Créé en juin 2008, le MID Fund devait financer des projets de développement durable.

À octobre 2014, le montant des projets appelés à être financés par ce fonds spécial s’élevait à Rs 935 millions. Au total, le projet MID prévoyait des investissements à hauteur de Rs 6,26 milliards, provenant majoritairement du secteur privé, soit un peu plus de Rs 5 milliards. Démantelé en octobre 2015, le fonds MID, qui contient un montant de Rs 12 millions, a été transféré au Consolidated Fund.

Green Economy Index : Maurice à la traîne

Sur les 80 pays mentionnés dans l’édition 2016 du Global Green Economy Index, Maurice se place à la 36e place pour sa performance perceptive et à la 67e place pour sa performance réelle. Selon le cabinet Dual Citizen Inc., la performance très moyenne du pays tient au fait que ses résultats sont faibles quand on en vient à l’application des pratiques durables dans l’agriculture, la pêche et le domaine de la biodiversité. Il note toutefois que Maurice fait montre de volonté dans le combat
contre le changement climatique.

Promouvoir un modèle inclusif

Les autorités doivent promouvoir un modèle d’économie verte qui soit inclusif. Autrement dit, il faut prendre en considération non seulement la dimension environnementale, mais aussi l’aspect socio-économique. C’est l’avis de Krishna Heeramun, expert en économie verte, qui a participé à un séminaire sur la voie à suivre pour Maurice en avril dernier. Celui-ci était organisé par Partnership for Action on Green Economy et le ministère de la Fonction publique et des Réformes administratives. «There must be an effective top-down policy orientation towards inclusive green economy which must be complemented with bottom-up initiatives which require learning and skills development», a-t-il déclaré.