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Pravind Jugnauth: une nomination contestée

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Pravind Jugnauth: une nomination contestée | business-magazine.mu

Chamboulement sur l’échiquier politique. Pravind Jugnauth dirige désormais le gouvernement avec un cabinet ministériel remanié. Un père qui cède son fauteuil premierministériel à son fils sans passer par des élections générales. Du jamais-vu dans les annales du pays.

La marmite politique était en ébullition depuis plusieurs mois, et ce, de manière tout à fait anodine, à la suite d’une réponse arrachée par un journaliste le 12 septembre dernier lors d’une conférence de presse de l’ex-Premier ministre, sir Anerood Jugnauth. Mais l’information circulait déjà, grâce aux bons soins de Showkutally Soodhun.

Après des mois de spéculations en tous genres, dans toutes les sphères du pays, sir Anerood a concrétisé ses intentions samedi dernier en annonçant son retrait du poste de Premier ministre. Le pays devra s’accommoder de son fils dans le fauteuil premierministériel, bon gré mal gré.

Depuis que cette passation de pouvoir a été évoquée, il y a eu une levée de boucliers de part et d’autre, notamment dans l’Opposition. Même l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, empêtré dans ses interrogatoires à la CID, s’est senti requinqué. Lors de son meeting à La Louise, on a d’ailleurs vu le réveil de la bête politique. Quant à l’électorat, il avait tout l’air du dindon de la farce. Il ne savait rien de cet accord secret père-fils. Quand il a voté en décembre 2014, on ne l’avait pas informé qu’un tel arrangement allait se concrétiser deux ans après l’accession de l’Alliance Lepep au pouvoir. Même Xavier-Luc Duval, l’un des deux partenaires de la défunte coalition, a avoué que la question n’avait jamais été discutée avant les élections générales. Entre-temps, le PMSD a claqué la porte du gouvernement car il n’était pas d’accord avec l’adoption du Prosecution Commission Bill. La basse-cour bleue, elle, a vécu des soubresauts avec Marie Claire Monty et Alain Wong franchissant le Rubicon.

Mais pour quelle raison sir Anerood Jugnauth a-t-il abandonné son poste. L’âge ? La fatigue ?  Des problèmes de santé ? Ou le désir d’assurer l’avenir politique de son fils ? Ce n’est qu’hier, pressé de questions par la presse, qu’il a laissé entendre que sa santé ne lui permettait plus de continuer. On n’en saura pas plus. Mais cette accession automatique pose problème pour plusieurs légistes. Certains insistent que Pravind Jugnauth aurait dû passer par les urnes avant d’accéder à la fonction suprême du pays et que SAJ aurait dû démissionner de l’Assemblée nationale.

Plusieurs articles de la Constitution ont été évoqués ces derniers mois. Notamment l’article 60 (3) qui dit que le poste de Premier ministre est vacant quand celui-ci «ceases to be a member of the National Assembly».

D’ailleurs, en 2003, suivant l’accord à l’israélienne entre le MMM et le MSM, sir Anerood a démissionné de l’Assemblée nationale pour que Paul Bérenger accède au poste de Premier ministre. Un accord dont l’électorat avait été informé avant les législatives. L’article 36 (1) de la Constitution est cité également par certains observateurs. Celui-ci stipule que le poste de Premier ministre est vacant si le titulaire démissionne ou décède. Pour Rezistans ek Alternativ, cette passation de pouvoir est anticonstitutionnelle. Il en est de même pour le syndicaliste Jack Bizlall, qui se réserve le droit de contester la décision de la présidente de la République.

 

L’appel du DPP en filigrane

Par ailleurs l’appel du DPP, Me Satyajit Booell, contre le verdict d’acquittement de Pravind Jugnauth dans l’affaire Medpoint sera pris sur le fond le 6 mars 2017 devant le Judicial Commitee de la cour suprême. Cette échéance serait-elle liée, de près ou de loin, à  la précipitation du clan Jugnauth à la passation de pouvoir entre le père et le fils ? Les récents événements détonnent aussi par rapport aux prises de position de SAJ. Il insistait pour obtenir des résultats probants sur le dossier des Chagos avant de se retirer. Or, c’est loin d’être le cas !  Autre fait notable, l’opinion publique n’adhère pas à cet arrangement. Le récent sondage Synthèses-La Sentinelle démontre d’ailleurs que la population est majoritairement contre (71 %) ce deal familial.

De son côté, après avoir menacé de démissionner en bloc, l’Opposition parlementaire a finalement changé d’avis, consciente que si jamais le MSM remportait des élections partielles, le gouvernement atteindrait sa fameuse majorité de trois quarts à l’Assemblée nationale et pourrait gouverner à sa guise. L’Opposition se contentera pour l’instant d’unir ses forces, dans des actions conjointes, des campagnes d’affiche et manifestations communes pour exprimer sa désapprobation, comme ce sera le cas vendredi lors de la marche noire.

Entre-temps, le Premier ministre veut faire bonne impression. Il parle de créer un nouveau «momentum» pour l’économie et «une nouvelle ère de développement». Aussi évoque-t-il une «transformation fondamentale» pour les secteurs traditionnels tels l’agriculture, les services financiers, la pêche et la manufacture. Pour réussir, il faudra ouvrir le pays et élargir l’espace économique, dit-il. Pravind Jugnauth  s’attend à une meilleure performance économique cette année et annonce que le taux d’investissement privé va augmenter et que, dans le même temps, le chômage reculera. Concernant les investissements directs étrangers, il prévoit pas moins de Rs 17 milliards. Quant à la croissance, elle devrait osciller autour de 3,8 % à 4 % cette année. Le Premier ministre ira de l’avant avec la transformation des gares publiques et le projet de Metro Express. L’infrastructure routière ne sera pas en reste. Le nouveau pont entre Chebel et Sorèze sera concrétisé. Sur les trois prochaines années, Rs 30 milliards seront injectées dans des projets visant à mettre en place un système de transport moderne et un réseau routier rapide.

Après deux ans essentiellement consacrés au nettoyage du groupe BAI et aux guerres intestines, le MSM doit maintenant enfin faire ses preuves et redresser l’économie, comme promis. Pravind Jugnauth devra convaincre rapidement. Sinon, le MSM risque de payer cher dans trois ans.