Type to search

Actualités Enjeu

Baisse de l’épargne nationale – Une bombe à retardement ?

Share
Baisse de l’épargne nationale - Une bombe à retardement ? | business-magazine.mu

Le taux d’épargne domestique brute en pourcentage du Pib aux prix du marché pour 2018 était de 9,1 % par rapport à 10 % en 2017. Cette année, selon les estimations, il sera de 9,7 %, soit à Rs 49,3 milliards.

Après avoir oscillé autour de 25 % au début des années 2000, le niveau de l’épargne intérieure brute a pris une tendance à la baisse ces dernières années. Le repli sous la barre de 10 % en 2018 est loin de rassurer. Cette nouvelle dynamique est préoccupante car elle tend à accentuer la dépendance de Maurice à l’égard des flux de capitaux étrangers à long terme. Cette situation souligne l’importance de l’amélioration de la création de revenus et de la compétitivité à l’échelle nationale pour mobiliser l’épargne et favoriser la formation de capital physique pour répondre à nos aspirations socioéconomiques. La hausse du niveau de la consommation n’est pas pour arranger les choses. Et si les Mauriciens maintiennent leur rythme de consommation, nous risquons de faire face à un ralentissement de l’investissement.

Dix ans de cela, les Mauriciens épargnaient environ 30 % de leurs revenus. Aujourd’hui, il y a un tel enjeu d’aller vers la croissance à court terme et la consommation que les Mauriciens épargnent de moins en moins et cette situation est vue comme une bombe à retardement. Le gouvernement, de son côté, cherche avec la collaboration de Business Mauritius à encourager les Mauriciens à épargner. Une des options serait de revenir à une défiscalisation et une taxation réduite, comme cela se fait pour l’assurance médicale ; chose qui pourrait encourager les Mauriciens à planifier financièrement leur retraite.

«Moins d’épargne équivaut à moins d’argent disponible pour les investissements. Chaque année, l’activité économique produit ce que j’appelle le gâteau national ; ce qui en termes techniques est appelé le produit intérieur brut. Ce qui est consommé dans ce gâteau national disparaît et ce qui reste, c’est de l’épargne. Et plus nous consommons, moins nous épargnons», explique Pierre Dinan.

«Toutefois, il ne faut pas croire que l’épargne, c’est juste l’argent qui se trouve sur un compte en banque. Cela peut prendre la forme d’un compte en banque, ou un investissement dans des actions en Bourse ou encore dans l’immobilier et du matériel roulant.» Toutefois, on s’entend dire qu’il ne faut pas se surendetter pour accéder à la propriété d’un bien onéreux au détriment d’un bon plan d’épargne. Avec le développement économique, les Mauriciens ont pris des habitudes, dont l’une est l’achat de produits de meilleures marques au supermarché au grand dam des produits mauriciens. Et les produits étrangers sont généralement plus chers, ce qui augmente le coût de la consommation. Malheureusement, le gâteau national n’est pas en train de grossir au même rythme.

L’enjeuCONSOMMER MOINS, PRODUIRE PLUS

},

Il y a plusieurs causes au fait que l’épargne n’est pas assez élevée, dont la première serait une consommation excessive des Mauriciens. Selon Pierre Dinan, cette consommation excessive concerne particulièrement des choses qui ne durent pas tels que des produits d’alimentation mais qui se trouvent aussi être une consommation essentielle. Les loisirs ou encore les voyages sont également un autre type de consommation. Ainsi, pour faire grimper l’épargne, il faudrait premièrement consommer moins mais surtout produire plus. Plus nous produisons, plus nous serons à même de consommer tout en épargnant.

«En tant qu’institution financière, nous pouvons développer des produits qui touchent des profils de risques différents et créer des conditions pour l’épargne. Tant pis si cela se fait au détriment de la consommation. De toute façon, de quelle consommation parlet-on ? Est-ce que c’est consommer moins d’objets importés, souvent futiles, ou c’est de consommer local et en même temps créer des conditions pour l’accélération et les effets multiplicateurs qui vont ensuite créer la prospérité», se demande Raoul Gufflet, Deputy Chief Executive de la MCB. Celui donne l’exemple de la Roumanie où il y a eu l’émergence des centres commerciaux et où une grande partie de la population a voulu consommer. Cela a créé une dynamique économique mais celle-ci est venue avec ses travers. «J’espère que cela va se stabiliser à Maurice et que les Mauriciens penseront à assurer l’avenir de leurs enfants», dit-il.

«L’épargne peut grossir si nous réduisons notre consommation, mais l’épargne peut aussi grossir si la taille du gâteau national est augmentée. Admettons que la consommation aujourd’hui est de 90 et l’épargne est de 10, ce qui nous donne 100. Si je fais ces 100 devenir 115 et que la consommation reste à 90, l’épargne passe à 25. Il faudrait également améliorer la croissance pour que nous puissions produire davantage. Et si nous améliorons la taille du gâteau national, nous pourrons épargner davantage et investir pour l’avenir», ajoute Pierre Dinan.

D’autres analystes estiment que le pays ne va pas renouer avec le taux d’épargne domestique brute que nous avons connu dans le passé. Plusieurs facteurs sont à l’origine de la baisse, dont les changements sur le plan démographique. Il y a donc un arbitrage entre consommer et épar-gner. Une personne consomme parce qu’elle a confiance dans l’avenir. La structure économique évolue ; il est donc clair que nous ne retrouverons pas le niveau d’épargne que l’on avait auparavant.

Par ailleurs, dans un environnement de faible taux d’intérêt, les investisseurs sont à l’affût d’actifs offrant le meilleur retour sur investissement d’où l’engouement pour les obligations d’entreprises. En 2017, Rs 5,6 milliards d’obligations ont été émises et cotées sur le marché boursier par des entreprises locales. Ce chiffre est passé à Rs 9 milliards en 2018. Ce nouveau marché qui prend de l’ampleur est considéré comme très important pour le secteur financier et les épargnants. Car les obligations d’entreprises encouragent les gens à épargner autrement en diversifiant leur épargne. Investir dans les obligations d’entreprises et les bons du Trésor de l’État peuvent apporter une meilleure rémunération qu’un dépôt bancaire. Les obligations d’entreprises ont généralement un potentiel de croissance supérieur à celui des dépôts bancaires ou les obligations gouvernementales.