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Human Development Report 2019 – Un état des lieux des inégalités du 21e siècle

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Human Development Report 2019 - Un état des lieux des inégalités du 21e siècle | business-magazine.mu

Lancé en 1990, le Rapport mondial sur le développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) n’a eu de cesse d’affiner sa méthodologie de travail. Cela, afin de compiler un véritable état des lieux des pays au regard des objectifs de l’Agenda international du développement durable à l’horizon 2030. Selon Pedro Conseição, directeur du Human Development Report Office du PNUD, «l’inégalité est le grand défi des temps modernes. Nos sociétés sont déchirées par des inégalités qui durent depuis trop longtemps. L’inégalité est souvent évaluée par rapport aux écarts de revenus et de richesse. Or, ce qu’il faut analyser en profondeur et remédier, ce sont les modèles qui génèrent l’inégalité sous diverses formes. S’ils ne sont pas adressés par des politiques fortes, les inégalités peuvent traverser et affecter des générations entières.»

Selon Achim Steiner, Administrateur du PNUD, «le pouvoir est le caractère principal de cette histoire d’inégalité ; le pouvoir manié par une poignée d’individus, le pouvoir dénié à la masse, et le pouvoir de la collectivité qui demande un changement profond.» D’une même voix, Amanda Serumaga, UNDP Resident Representative de Maurice et des Seychelles, affirme que «les inégalités sont profondément ancrées dans les structures économiques et politiques. Ainsi, pour combattre des maux systémiques, il faut avoir recours à des remèdes systémiques.»

Dans le Rapport mondial sur le développement humain, les analyses par pays, y compris ceux reconnus par les Nations unies, sont présentées sous sept chapitres. Notamment, une présentation générale, cinq chapitres consacrés à des index précis et une dernière section contenant cinq tableaux de bord. Le but de ces analyses est de pouvoir identifier les poches d’inégalités, mettre à jour les mécanismes qui les alimentent de manière structurelle et soutenir les pays afin de renverser ces situations. Ainsi, loin de se contenter de classements complaisants par pays, le PNUD cherche à photographier la réalité du terrain en combinant les données et les indicateurs disponibles. Le rapport se voulant évolutif, il met en garde contre des conclusions hâtives de comparaison entre les pays car la disponibilité des données par indicateurs restent variables.

Riad Sultan analyse les inégalités des revenus à Maurice

L’économiste Riad Sultan, invité comme panéliste lors du lancement du rapport, met en exergue l’inégalité des revenus à Maurice. Il a rappelé que selon le World Inequality Report, la frange des 10 % aux revenus les plus élevés captent plus de 54 % des revenus totaux du monde. Pour sa part, le Human Development Report désigne l’Afrique du Sud comme le pays où existe la plus grande inégalité de revenus. En effet, les 10 % de la population avec les plus hauts revenus capte plus de 50 % des revenus totaux. L’économiste, se basant sur le Household Budget Survey for Mauritius, indique que la situation mauricienne est tout aussi alarmante. En effet, il ressort que les premiers 20 % d’individus qui touchent les plus hauts revenus du pays détiennent 46 % des revenus totaux. De plus, alors qu’en 1997, c’étaient 44 % des revenus totaux qui étaient captés, la situation a empiré. Par ailleurs, il indique que les 20 % de la population au plus bas de l’échelle captent uniquement 5,6 % des revenus totaux du pays. Toutefois, comme rappelé également par Fazila Jeewa-Daureeawoo, ministre de l’Intégration sociale, de la sécurité sociale et de la solidarité nationale, Riad Sultan précise que le sort des Mauriciens est moins difficile que dans des pays ne pratiquant pas une politique de redistribution, la sécurité sociale, l’éducation gratuite, le transport gratuit, la pension et le salaire minimum. Ainsi, pour l’économiste, cet ensemble de mesures permet à Maurice de s’éloigner d’une situation d’extrême pauvreté. Et selon ce dernier, l’adoption de la technologie et la formation permettront d’éviter que les inégalités ne perdurent à Maurice.

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IMPORTANTE PROGRESSION DES PAYS AFRICAINS

Le premier constat du rapport reste néanmoins celui d’une importante progression du Human Development Index. Ce dernier a progressé de 22,4 % depuis 1990. L’amélioration des résultats s’est notamment fortement accélérée dans années 2000 - 2010 pour ensuite ralentir les années suivantes. Dans ce laps de temps, 40 nouveaux pays ont accédé au classement de «haut niveau de développement humain», gonflant celui-ci à 62 pays. En parallèle, 26 nouveaux pays ont quitté le bas du classement, qui ne comporte plus que 36 pays. Actuellement, ce sont la Norvège, la Suisse, l’Irlande, l’Allemagne et Hong Kong qui occupent le haut du classement général.

Le rapport constate que ce sont les pays africains qui ont fait les avancées les plus significatives entre 1990 et 2018. Notamment, les Seychelles sont les premières de cette zone du monde à accéder au classement de «Très haut développement humain». Le Botswana, le Gabon, Maurice et l’Afrique du Sud sont les quatre pays qui sont les mieux positionnés pour accéder à ce statut dans le futur.

Cette démarche mondiale a permis de mettre au jour de nouvelles réalités. Si les pays ont progressé sur des indicateurs, toutefois, l’inégalité a pris de nouvelles formes. Par exemple, si l’accès à l’éducation primaire s’est amélioré, celui à l’éducation tertiaire échappe toujours aux plus défavorisés. De la même façon, les études ont permis de révéler une forte rémanence des préjugés sur le genre.

Selon Pedro Conseição, cette situation reste toutefois réversible en appliquant un ensemble de mesures. Les trois axes prioritaires sur lesquels les pays doivent s’appuyer pour crever l’abcès des inégalités et contribuer au développement humain sont l’éducation, y compris la formation, l’accès à la technologie et la mise en place d’actions pour devancer les conséquences du changement climatique. Selon Amanda Serumaga, UNDP Resident Representative pour Maurice et les Seychelles, «l’émergence de nouveaux types d’inégalités appelle celle de nouvelles ressources, comme des concepts plus clairs, de nouvelles sources de données et des outils d’analyse beaucoup plus pointues. Cela permettrait de prévenir des manifestations populaires qui aujourd’hui semblent éclater partout autour du monde.» Pour Christine Umotoni, UN Resident Coordinator, les études comme le Rapport sur le développement humain sont cruciales lors de discussions au plus haut niveau de décision des États. «Ce rapport permet de se remettre en question et de considérer les problématiques comme les inégalités rampantes et de se projeter dans le futur. Sommes-nous en train de planifier pour que les vieux jours de nos citoyens se passent dans les meilleures conditions ?», questionne-t-elle.

Zoom sur Maurice

En ce qui concerne l’Indice de développement humain (HDI), Maurice se classe à la 66e place sur 189 pays. Entre 1990 et 2018, la valeur de l’indice a grimpé de 0,620 à 0,796 points, soit 28,4 %. Cet indice étudie la longévité de la population, l’accès à l’éducation et la qualité de vie. La longévité des Mauriciens s’est améliorée de 5,4 ans, les années passées sur les bancs de l’école, de 3,7 ans, et le GNI par habitant de 202,9 %. Toutefois, ce constat n’est pas une fin pour le Rapport sur le développement humain, dont l’une des plus fortes revendications est de s’affranchir des faux messages véhiculés par des moyennes. Le PNUD procède à un deuxième calcul, qui soustrait les valeurs moyennes et donne l’Indice d’inégalité ajustée (IHDI). IHDI indique, lui, que la situation mauricienne s’est dégradée de 13,7 % sur ces mêmes critères. Cependant, loin d’être un cas isolé, cette dégradation est observée comme un phénomène mondial. Pour les pays de l’Afrique subsaharienne, la baisse est de 30,5 % et pour les pays ayant un «Indice de développement haut», la détérioration est de 17,9 %. Ainsi, malgré des résultats en deçà des espérances, Maurice conserve sa place au classement général des pays analysés sous la loupe de l’IHDI.

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