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Sucre : La dégringolade des prix

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Sucre : La dégringolade des prix | business-magazine.mu

Les cours sucriers sont en chute libre et la perspective de l’abolition des quotas sur le sucre de betterave mettra davantage de pression sur les producteurs locaux dès 2017. Le secteur devra batailler dur pour maintenir ses parts de marché.

La saison 2014 aura été la plus challenging depuis plusieurs années pour le secteur sucrier depuis la grève de novembre dernier et les conditions très difficiles sur le marché international qui ont prévalu début 2015. Le marché sucrier reste extrêmement volatilet le Syndicat des Sucres a dû optimiser ses ventes en vue d’obtenir le plus de recettes possibles. La baisse continue du prix du sucre, qui atteintRs 12 694 la tonne – soit le prix le plus bas depuis 15 ans – constitue un reel électrochoc pour l’industrie, d’autant plus qu’elle représente une régression de 20 % par rapport au prix de la précédente récolte (Rs 15 830). Sur le plan local, pour compenser la baisse de prix du sucre, le gouvernement a approuvé le paiement d’une compensation de Rs 2 000 la tonne de sucre aux assurés du Sugar Insurance Fund. Mais la situation n’est pas près de s’arranger, selon le ministre de l’Agro-industrie, Mahen Seeruttun, car «le prix restera toujours bas,  surtout que la situation risque de se corser en 2017 quand l’abolition des quotas sur le sucre de betterave entrera en vigueur sur le marché européen. Cette situation placera les betteraviers européens dans une position de force qui pourrait nuire à nos exportations sur ce marché. La compétition deviendra encore plus rude.»

À l’échelle mondiale, la situation reste complexe, avec un surplus de 3,4 millions de tonnes de sucre pour la période 2014-2015, avec la production mondiale dépassant la consommation pour la cinquième année consécutive. Ce qui contribue à accentuer la baisse de prix.Celle-ci s’est exacerbée cette année avec l’appréciation du dollar qui a provoqué la dépréciation des monnaies des exportateurs mondiaux, dont le real brésilien.

«Vu que le Brésil représente 40 % des exportations mondiales de sucre, cette fluctuation a eu un impact majeur sur les cours mondiaux avec les prix du sucre non raffiné chutant brutalement depuis le début de l’année. Le niveau actuel est insoutenable pour la majorité des producteurs sucriers dans le monde», explique Nageshwar Gujadhur, président sortant du Syndicat des Sucres. Toute l’industrie opera actuellement bien en deçà du seuil de rentabilité.

La saison 2015 s’annonce encore difficile, cela même si les conditions à moyen terme semblent plus favorables. En effet, après une période de surplus dans les stocks mondiaux, l’International Sugar Organisation entrevoit le début d’une période de deficit dans les stocks.Cedéficitpourraitatteindre2,5 millions de tonnes pour la saison 2015-16 avant de gonfler à 6,2 millions de tonnes, l’année suivante.

Le secteur sucrier à la croisée des chemins

Le ministre de l’Agro-industrie reconnaît lui-même que le secteur sucrier est à la croisée des chemins et que le gouvernement, les usiniers, les planteurs, les travailleurs, le Syndicat des sucres et les autres institutions doivent se serrer les coudes afin de relever les défis car, dit-il, «personne ne nous fera de cadeau». Malgré tout, il demeure confiant et soutient que le secteur a encore de beaux jours devant lui, avec la production de sucre, d’énergie et d’éthanol, ainsi que la préservation de l’environnement. L’innovation et la recherché ont une importance capitale pour consolider et fortifier la filière car il y a encore d’autres avenues à explorer dans ce domaine, insiste Mahen Seeruttun. Il invite ainsi les organismes chargés de la recherché d’explorer toutes les opportunités possible et exploitables à partir de la canne.

Pour contrecarrer la situation, les planteurs peuvent se regrouper en coopératives et s’assurer des revenus supplémentaires en adoptant le label Fair Trade. Le sucre produit sous ce label est plus rémunérateur. Petit à petit, les planteurs en prennent conscience. En 2014, ils étaient 4 500 à produire selon les normes Fair Trade et cette année, ils seront au moins 6 000, ce qui représente environ 40 000 tonnes de sucre contre 21 925 tonnes l’année dernière. Par ailleurs, le rapport Landel Mills Consulting  propose plusieurs mesures qui permettraient d’accroître les revenus des planteurs. De son côté, le gouvernement compte augmenter le prix de la bagasse, qui est demeuré inchangé depuis 1984, avec l’introduction du Bagasse Transfer Price. Mahen Seeruttun affirme que le prix de la bagasse sera majoré «le plus tôt possible».

Du côté du Syndicat des Sucres, on ne reste pas les bras croisés face à l’effondrement du prix du sucre. Une bonne gestion des fluctuations de change a permis de minimiser la baisse de prix (par Rs 1 855) sur l’ex-syndicate price. Par ailleurs, le syndicat exploite davantage les marchés hors Europe, notamment ceux de la région, où Maurice bénéficie de préférences commerciales. Ainsi, l’année dernière, le syndicat a exporté30 000 tonnes de sucre raffiné à des acheteurs basés à Madagascar, aux Comores, au Mozambique, en Namibie, en Angola et au Kenya. Pour la saison 2014, incluant les sucres spéciaux, l’exportation hors Europe constituait 12 % des exportations totales, en forte haussecomparativement aux années précédentes. Maurice a exporté 76 086 tonnes de sucres spéciaux pour la saison 2014-15, comparé à 73 311 l’année précédente. D’ailleurs, les sucres spéciaux produits à Maurice sont déjà exportés vers plus de 45 pays, incluant 21 États européens. Les sucres spéciaux sont également exportés vers les États-Unis, le Canada, le Moyen-Orient etl’Asie de l’Est. Ces produits à plus forte valeur ajoutée comptent une centaine d’acheteurs étrangerset Maurice s’est déjà forgé un avantage comparative dans ce segment. D’autant plus que ce type de produit est plus à l’abri de la baisse de prix sur le marché mondial et européen. Devesh Dukhira, Chief Executive Officer du Syndicat des Sucres, fait d’ailleurs ressortir que malgré la baisse de 37 % du prix du sucre blanc pour la saison 2014, les sucres spéciaux n’ont connu qu’une baisse moyenne de quelque 7 %. Il ajoute qu’il existe un bon potentiel d’exportation pour les sucres spéciauxdans de nouveaux marchés émergents comme la Chine, l’Inde et la Turquie. Par contre, ilexiste des contraintes à la pénétration de ces marchés. D’où l’appel de Devesh Dukhira au gouvernement pour qu’il facilite l’accès à ces marchés pour l’exportation de sucres spéciaux.