Sen Ramsamy : «Le tourisme aurait pu générer presque Rs 140 milliards cette année»

Le tourisme à Maurice est en proie à des défis persistants malgré les chiffres encourageants. Pour revitaliser le secteur, notre interlocuteur insiste sur le besoin de repenser la qualité et d’apporter l’innovation.

 

Comment a évolué l’industrie touristique cette année à l’île Maurice ?

Il faut commencer par se rappeler l’objectif du gouvernement pour 2023. Les autorités avaient misé sur une croissance de 40 % par rapport à 2022, c-à-d. un objectif de 1,4 million de visiteurs. De janvier à novembre 2023, nous avons accueilli un total d’environ 1 140 000 touristes et je pense que nous allons terminer l’année avec environ
1,3 million d’arrivées. En termes de recettes touristiques, nous recevrons environ Rs 86 milliards cette année comparé à Rs 64 milliards en 2022, mais tout cela en roupies dévaluées.

Si nous avions encouragé nos visiteurs à dépenser ne serait-ce que 200 euros par nuitée en moyenne chez nous (sachez qu’ils dépensent beaucoup plus chez nos concurrents dans la région), le tourisme aurait alors généré presque
Rs 140 milliards cette année. Donc, le succès que tout le monde voit dans le tourisme est relatif. À Maurice, on met l’accent sur du volume, pas sur la qualité. De plus, la qualité du service, qui était notre force principale, a pris un mauvais coup par manque de prévoyance et de vision.

Quelles sont les tendances observées dans les préférences des touristes visitant l’île Maurice ? Y a-t-il eu une évolution significative dans les marchés émetteurs ou dans les types de voyages privilégiés ?

Ces dernières années, Maurice est entrée dans la catégorie du tourisme de moyen et de bas de gamme. Sauf pour la beauté naturelle du pays et la gentillesse des Mauriciens, il n’y a pas eu d’amélioration du produit touristique, d’innovation, encore moins de la créativité dans ce secteur. Le touriste moderne a un style de vie différent, d’autres aspirations et de nouvelles attentes. La diversification du marché mérite une approche nouvelle par rapport à l’offre touristique. La vision que nous avions pour un tourisme vraiment haut de gamme et les prestations de grande qualité sur laquelle nous avions construit une belle réputation dans le monde ont tout simplement disparu. Le pire est qu’aujourd’hui tout le monde semble apprécier la médiocrité de nos prestations.

Comment les acteurs clés de l’industrie touristique mauricienne ont-ils réagi aux défis posés par la pandémie mondiale ? Quelles stratégies innovantes ont été adoptées pour attirer les visiteurs et maintenir la compétitivité de Maurice en tant que destination touristique ?

Le monde entier a dû subir la pandémie et le secteur du tourisme et de l’aviation ont souffert le plus depuis 2019/2020. Le secteur se remet lentement en espérant que 2025 sera l’année de rattrapage complet. Plusieurs destinations ont dépassé largement leurs performances pré-Covid. Maurice piétine toujours dans cette lutte mais nous espérons que nous allons dépasser nos limites et attirer beaucoup plus de recettes en devises étrangères que du volume en visiteurs sac à dos.

L’aérien joue le jeu mais les hôteliers ne savent pas innover pour faire plus d’argent du tourisme, comme cela se fait ailleurs. J’ai été agréablement surpris récemment par l’excellente prestation et la rapidité d’action du COO d’Air Mauritius, et j’espère que notre compagnie aérienne entrera dans une nouvelle ère avec plus d’accent sur la qualité de service et le ‘customer care’.

La destination Maurice a une carte formidable à jouer dans la région si elle a la vision et si elle sait dégager des stratégies qui rapporteraient gros à toute la population dans le futur. Mon plus grand souhait pour Maurice : la méritocratie, l’innovation, une vision et une approche qui feraient honneur au pays sur le plan mondial. Nous avons beaucoup plus à gagner avec de grandes idées, des pensées nobles et des actions concrètes pour l’avenir du pays au lieu d’inculquer dans la population une culture de païsa qui est éphémère, illusoire et qui ne mène vers nulle part.

Notre plus grande fortune, c’est le temps. Et rien d’autre ! Utilisons le temps pour réaliser de belles choses pour le pays et marquer l’histoire de notre pays avec grandeur d’âme et de la dignité.