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Édito

Alerte à la fraude transfrontalière

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Richard Lebon

Une nouvelle onde de choc traverse de part en part le secteur du global business. Depuis la semaine dernière, une Management company réputée de la place est citée dans le cadre d’une affaire alléguée de fraude transfrontalière au Congo orchestrée à partir du centre financier international de Maurice.

Il ressort qu’un certain Adewale Adeosun, directeur de Kuramo Africa Opportunity Agribusiness LP, a, par un habile stratagème, pu prendre le contrôle de la société agricole Plantations et Huileries basée au Congo en obtenant un certificat de Proxy de la Management company lui permettant de prendre des décisions au nom de l’actionnaire principal. Or, selon l’affidavit juré par la direction de Mafuta Investment Holding, le statut de mandataire n’aurait jamais dû être attribué à Adewale Adeosun car il n’y a jamais eu de résolution en ce sens adoptée par le conseil d’administration.

Cette affaire est désormais entre les mains de la justice. La Management company a-t-elle été dupée par un actionnaire véreux et mal intentionné ? Y a-t-il eu des manquements dans les procédures de diligence raisonnable ? Ce sera à la justice de trancher sur ces questions. Mise au parfum de cette affaire de fraude alléguée, la Financial Services Commission devra également établir si la Management company s’est conformée aux procédures de Know your client (KYC).

Une longue bataille sera bientôt enclenchée et quelle qu’en soit l’issue, il est clair que la médiatisation de ce nouveau scandale va entacher la réputation du centre financier qui, depuis le retrait du pays de la liste noire de l’Union européenne, s’est bâti une solide réputation en tant juridiction de substance adoptant les meilleures pratiques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML-CFT). Ainsi, Maurice est devenu le seul pays à l’échelle de l’Afrique subsaharienne à se conformer pleinement aux 40 recommandations du Groupe d’action financière (GAFI). Pour appliquer les réformes exigées par le GAFI, le secteur public et les acteurs de la finance ont travaillé main dans la main afin de s’attaquer aux déficiences structurelles à notre cadre anti-AML-CFT. Lors de ce processus, pas moins de 46 lois ont été amendées.

Il est un fait que les autorités sont beaucoup plus vigilantes sur le respect des procédures. La FSC multiplie les audits au sein des sociétés de gestion pour s’assurer qu’elles font toutes les vérifications nécessaires sur leurs clients. Aussitôt que le clignotant vire à l’orange parce qu’une transaction paraît louche, elles doivent être proactives et soumettre un Suspicious transaction report à l’appréciation du régulateur. La loi préconise également qu’il est du devoir des sociétés de gestion de mener des exercices de due diligence sur une base permanente. Elles savent quelles sont les nouvelles règles du jeu et qu’à la moindre incartade, elles sont sujettes à des sanctions prenant souvent la forme de pénalités.

Depuis ces deux dernières années, les opérateurs sont soumis à un stress énorme. Ils sont contraints par la loi de mettre en place les structures appropriées pour renforcer leur mécanisme de contrôle interne. Quant aux Compliance officers et Money laundering reporting officers, ils occupent désormais une position prépondérante au sein des sociétés de gestion.

Il faut aussi savoir que dans les cas de fraude transfrontalière, la responsabilité des sociétés de gestion est pleinement engagée, d’autant plus qu’en tant qu’administratrices, elles sont tenues de nommer deux de leurs directeurs sur une société GBL.

Si nous voulons préserver la réputation du secteur financier et éviter de voir resurgir nos vieux démons, il est primordial que tous les acteurs fassent preuve d’une vigilance accrue pour diminuer autant que possible le risque de fraude transfrontalière. Il faut resserrer les mailles du filet pour les rendre quasi infranchissables.

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