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Édito

The haves and the have-nots

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The haves and the have-nots | business-magazine.mu

Choqués ! Telle fut la première réaction de bon nombre de Mauriciens à la vue des images de la télévision nationale montrant des coffres-forts débordant de billets de banque saisis chez l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam.

Ce sentiment est tout à fait compréhensible dans la mesure où le pays passe par une phase extrêmement difficile sur le plan économique avec les répercussions que nous connaissons sur le pouvoir d’achat lorsque ce n’est pas carrément sur l’emploi. Une précarité ambiante qui n’a fait qu’exacerber les inégalités déjà existantes au sein de notre société.

 Ainsi, quand elle est confrontée à des images qui traduisent une certaine opulence, la population ne peut s’empêcher de s’interroger sur le réel agenda des politiciens. D’autant plus que les statistiques démontrent que le fossé n’a cessé de se creuser entre the haves and the have-nots. C’est ce que confirment plusieurs études dont la dernière en date a été effectuée par le National Economic and Social Council (NESC).

 Il ressort, selon les données de l’institut des statistiques, que le coefficient de Gini – mesurant l’inégalité dans un pays – est en hausse depuis l’an 2000. Il est passé de 0.371 en 2001/02 à 0.3888 en 2006/07, avant de s’établir à 0.413 en 2012.

 Résultat, la classe moyenne s’est constamment effritée augmentant ainsi le risque de voir une frange importante de la population basculer dans la pauvreté. Car si la pauvreté absolue – de par les normes internationales, soit environ Rs 60 par jour – n’est pas un sérieux problème à Maurice, en revanche la pauvreté relative – une situation dans laquelle le mode de vie et le revenu de certaines personnes se situent au-dessous du niveau général – a connu une progression dans l’île. Elle est passée, selon les derniers chiffres de la Banque mondiale, de 8,5 % en 2007 à 9,8 % en 2012.

 L’institution de Bretton Woods note également que la consommation chez 10 % des ménages les plus riches à Maurice était 8,1 fois supérieure à celle des plus pauvres comparé à 7,8 fois en 2007. Alors que l’on se targue d’être le champion toutes catégories dans diverses disciplines non sportives, qu’il soit dit en passant, en Afrique, Maurice se compare défavorablement à d’autres nations s’agissant de la croissance de la consommation parmi 40 % de sa population se trouvant au bas de la pyramide. Sur 81 pays, 75 % affichaient une meilleure performance que notre île. Ce qui explique dans une certaine mesure l’érosion de la classe moyenne dont la taille s’est réduite de 79,9 % en 2007 à 77,2 % en 2012.

 Qui sont les plus démunis ? Il s’agit, selon la Banque mondiale, des enfants, des grandes familles, des ménages dirigés par des femmes et ceux avec un faible niveau d’éducation.

 La répartition inégale des revenus, de par son caractère émotionnel, se dresse plus que jamais comme l’un des défis majeurs du nouveau gouvernement car le pays ne pourra se payer le luxe d’avoir une paix sociale durable aussi longtemps que nos dirigeants ne s’attelleront pas à la tâche de combler les crevasses qui séparent les riches des pauvres.

Toute réflexion qui sera engagée autour de la question devra également tenir compte des effets pernicieux de la politique salariale sur la pauvreté. Cet aspect a été abordé par le NESC qui estime qu’en 2012, 20 % des salariés ont engrangé la moitié des revenus totaux générés dans le pays.

 Cependant, dans cette quête d’une meilleure distribution de la richesse nationale, il est important d’avoir les bons réflexes et d’éviter de se gargariser de slogans creux, comme ce fut le cas dans un passé pas trop lointain. Nous pensons à la fameuse démocratisation de l’économie. Une rhétorique qui nous a été servie à pratiquement toutes les sauces sans pour autant nous mener quelque part, sauf pour une poignée de happy few. D’ailleurs, on peut s’interroger sur le bilan de la Commission pour la démocratisation de l’économie.