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Édito

Les banques surfent sur la vague de la résilience

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Richard Lebon

La crise est un excellent baromètre quand il s’agit de mettre à l’épreuve la résilience de l’économie, de jauger si les fondations sont solidement ancrées dans le roc ou, au contraire, si elles reposent sur du sable mouvant. Dans le cas du secteur bancaire, il a été soumis à un stress intense lors de la grande récession de 2008 et de la crise de Covid-19, à laquelle sont venues successivement se greffer l’inclusion du pays sur la liste noire de l’Union européenne et la guerre d’agression en Ukraine.

Sur ces quinze dernières années, les banques n’ont pas eu de répit. Si la crise de 2008 n’a pas eu d’impact direct sur les banques locales étant donné que celles-ci étaient éloignées de l’épicentre et n’étaient pas exposées aux actifs toxiques dans le système bancaire, elle a eu une série de ramifications sur l’ensemble des marchés financiers. Ainsi, nos banques ont dû constamment s’adapter à un environnement réglementaire qui s’est rigidifié, devant se conformer à la réforme de Bâle III imposée par le Conseil de stabilité financière et le G20 qui, en substance, établit des normes strictes en matière du ratio de couverture de liquidités et du niveau et de la qualité des fonds propres, ainsi qu’à la norme comptable IFRS 9 concernant la valorisation des instruments financiers.

Le grand confinement a été l’épreuve de vérité pour les banques. L’économie étant plongée dans l’immobilisme, ce sont les réserves de change accumulées dans le secteur bancaire qui ont permis de soutenir l’économie réelle – notamment au travers de la création de la Mauritius Investment Corporation –, de payer les salaires dans le privé et le secteur public ou encore de financer les dépenses budgétaires. Certes, l’État a puisé abondamment dans les caisses de la Banque de Maurice et certaines pratiques non conventionnelles sont discutables, mais il y a un enseignement qu’on peut tirer de cette période sombre, c’est que le secteur bancaire mauricien est extrêmement solide. Cette résilience a été construite au fil des décennies. Elle est en grande partie attribuée à l’émergence du secteur financier. Aujourd’hui, pas moins de 54 % des dépôts dans les banques proviennent de l’offshore.

Dans son dernier rapport pour le quatrième trimestre de 2023 sur le secteur bancaire et les services financiers, BMI Industry Reseach, une société appartenant à Fitch Solutions, ne manque d’ailleurs pas de faire ressortir que les banques mauriciennes ont connu un développement remarquable compte tenu de la taille du pays, grâce notamment à une absence de contrôle des changes et un système fiscal simple, sans impôts sur les plus-values, la propriété et les successions. De plus, le pays a conclu des accords de non-double imposition avec 46 marchés, dont l’Inde et 20 États africains. Si bien qu’aujourd’hui, nous sommes devenus l’un des secteurs des services financiers les plus développés d’Afrique.

La robustesse du secteur bancaire se reflète dans les derniers bilans des établissements bancaires. À commencer par le Groupe MCB qui, pour son exercice financier 2022-23, a réalisé des bénéfices nets record de Rs 14,1 milliards. Une performance tirée par la hausse des taux d’intérêt, qui a contribué à une augmentation des revenus opérationnels. Quant aux profits en provenance de l’étranger, ils représentent environ 62 % des résultats du groupe bancaire. Le Groupe SBM est également dans une très bonne dynamique. Pour le semestre clos le 30 juin 2023, ses bénéfices ont atteint Rs 2,4 milliards, ce qui représente une croissance de 66,5 % comparativement à la période correspondante en 2022. Le groupe a maintenu des ratios financiers sains, notamment en matière de capitalisation, de retour sur investissement, de qualité des actifs et de liquidité.

L’autre bonne performance est à mettre à l’actif d’AfrAsia Bank, dont la profitabilité pour cette année financière s’élève à Rs 5,9 milliards, ce qui la positionne en tant que deuxième banque la plus profitable du pays. Tout comme le Groupe MCB, la direction d’AfrAsia Bank fait remarquer qu’elle a bénéficié des taux d’intérêt élevés, en particulier sur le dollar. À noter que le bilan de la banque est fortement exposé aux devises étrangères, lesquelles représentent 80 % de son actif total calculé à Rs 231,6 milliards.

Outre d’afficher de solides résultats, les banques locales présentent un niveau de risque peu élevé par rapport à leurs pairs africains. Car elles ont su appliquer scrupuleusement les directives macro-prudentielles édictées par la Banque de Maurice. Cela se voit d’ailleurs dans le dernier rapport de BMI Industry Research. Ainsi, le secteur bancaire mauricien réalise un score de 59,40 points sur 100 au niveau du Banking Industry Risk Indicator au troisième trimestre. Sous ce classement, Maurice se place à la 50e place sur 122 pays. Au niveau de l’Afrique subsaharienne, nous nous classons en deuxième position derrière les Seychelles, qui réalisent un score de 61,48 points. Nous devançons le Gabon (48,47), la République du Congo (42,15) et le Botswana (40,57).

Dans ses commentaires, BMI Industry Research observe que le score de 59,40 points sous le Banking Industry Risk Indicator implique des niveaux de risque modérés. Globalement, Maurice obtient des résultats relativement bons par rapport aux autres pays de la région, car il reste politiquement stable, avec un système politique démocratique bien ancré et une économie développée, ce qui en fait un lieu attractif pour les banques. En outre, le pays dispose d’un environnement réglementaire favorable aux entreprises et d’un niveau de vie élevé.

Concernant les caractéristiques structurelles du secteur bancaire, BMI Industry Research note que la qualité des actifs est élevée par rapport aux normes régionales. Le ratio des créances douteuses du secteur a chuté de 5,9 % à 4,9 % entre le premier trimestre et le quatrième trimestre de 2022.

La structure de financement du secteur bancaire est solide, le crédit domestique étant couvert par les dépôts domestiques. Le ratio prêts/dépôts du secteur s’est maintenu à un niveau confortable de 34 % en juin 2023, ce qui devrait permettre aux banques d’émettre des prêts domestiques au cours des prochains trimestres sans avoir à recourir au marché de la dette.

Par ailleurs, BMI Industry Research relève que les banques mauriciennes sont suffisamment capitalisées. Ainsi, leur ratio d’adéquation des fonds propres s’élève à 20,6 % au quatrième trimestre de 2022, ce qui est largement supérieur à l’objectif de 8 % de l’Union européenne en matière d’adéquation des fonds propres et indique une solvabilité solide pour le secteur bancaire.

Ayant de solides assises, les banques locales ne doivent pas pour autant s’endormir sur leurs lauriers et ont tout à gagner à chercher de nouveaux relais de croissance, notamment en s’aventurant un peu plus à l’international. Ainsi, BMI Industry Research estime que nos banques sont bien placées pour faciliter les investissements et se développer sur les marchés en croissance de l’Afrique subsaharienne.

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