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Édito

Les nerfs à vif

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Les nerfs à vif | business-magazine.mu

Se dirige-t-on vers une vague de revendications salariales ? C’est la question qui se pose au vu de l’émotion qui règne dans le pays depuis que les autorités ont consenti à payer une augmentation de salaires aux travailleurs de l’industrie du transport. En tout cas, cette démarche qui s’inscrit dans le sillage de la grève organisée par les employés de la Corporation Nationale de Transport donne l’impression d’avoir un effet boule de neige.

Car conscient de la brèche qu’elle a ouverte, la classe syndicale voudra certainement maintenir la pression pour en faire profiter d’autres secteurs qui, à ses yeux, méritent une révision de salaires.

D’ailleurs, après le transport, les  regards sont désormais tournés vers l’industrie sucrière qui s’est également mise à la table des négociations pour discuter salaires et conditions de service.

Le ton a été donné dès la semaine dernière avec les propositions du patronat par l’entremise de la Mauritius Sugar Producers Association (MSPA). Des propositions qui n’ont pas laissé insensible le corps syndical. La preuve avec cette première réaction au parfum de controverse qui a suivi la présentation des propositions des sucriers. Cela donne une idée de ce qui pourrait nous attendre dans les semaines à venir. D’autant plus que, presque à la même période, l’année dernière, l’industrie sucrière se retrouvait sous la menace d’une grève générale. Et il avait fallu des négociations intenses deux semaines durant sous l’égide du ministère du Travail pour arriver à une sortie de crise.

Cela dit, il ne faut pas se voiler la face. Le sentiment de frustration entourant la question salariale ne date pas de la décision d’augmenter les travailleurs du transport. Elle remonte à la publication du huitième rapport du PayResearch Bureau, l’année dernière. L’annonce de la hausse salariale dans l’industrie du transport n’a fait qu’accentuer ce sentiment d’injustice.

En effet, en sus d’avoir fait des mécontents dans la fonction publique, le rapport du PRB avait réussi à cristalliser toute la frustration des employés du secteur privé. La décision de confier la rédaction d’un rapport sur les Errors and Ommissions à l’ancien Secrétaire financier, Dev Manraj, n’a eu pour résultat que le report des récriminations.  

La nouvelle levée de boucliers dans divers secteurs économiques coïncide donc avec le paiement prochain du PRB. Une situation qui trouve son origine plus particulièrement chez les employés au bas de l’échelle. Ces derniers considèrent que le fossé qui les sépare de leurs pairs du public va se creuser davantage avec les ajustements de salaire dans la fonction publique. Ajouté à cela, il y a un sentiment de scepticisme au sein de la population quant à une amélioration de la qualité de service qui est offert.

Ce climat social déjà tendu pourrait se dégrader davantage si l’inflation, qui s’est jusqu’ici stabilisée autour de 3,6 %, devait faire son retour comme s’accorde à dire le Gouverneur de la Banque de Maurice, Rundheersing Bheenick, dans l’entretien qu’il nous a accordé, cette semaine.

Une éventuelle relance de l’inflation ne viendrait pas cette fois de facteurs exogènes, mais bel et bien de nos prises de position sur le plan domestique. La hausse du ticket d’autobus en est un bel exemple.  

Eu égard à son impact sur le pouvoir d’achat, une remontée de l’inflation ne fera que verser de l’huile sur le feu des  revendications tout en apportant un justificatif aux demandes syndicales pour des révisions salariales. Même le patron de la Banque centrale estime que la proportion des ménages vivant sous le seuil de pauvreté est en hausse à Maurice. Il prend pour appui les Household Budget Surveys qui sont réalisés tous les cinq ans.

Entre-temps, la situation en Europe ne semble pas s’améliorer. Les dernières nouvelles en provenance du Vieux continent, notre principal marché pour le tourisme et l’exportation des produits et services, ne sont guère rassurantes. Selon le Fonds monétaire international, la reprise dans la zone euro se fait non seulement toujours attendre, mais la faiblesse a gagné les états membres et ne se limite plus aux seules économies de la périphérie.

Évaluant les perspectives économiques, Mahmood Pradhan, Deputy Director de la division Europe au sein de l’institution de Bretton Woods, constatequ’ellessont beaucoup plus fragiles qu’elles ne l’étaient il y a un an. Avec les nerfs à vif, les prochains mois s’annoncent tout aussi tumultueuxque les six premiers mois de l’année.

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