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Édito

Redémarrage

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Richard Lebon

Après des années de vaches maigres où les entreprises ont dû batailler dur pour construire leur résilience et ne pas sombrer dans les eaux tumultueuses d’une crise polymorphe, l’économie mauricienne retrouve pleinement son allant. Pourtant, la conjoncture a été loin d’être favorable lors de l’année financière 2022-2023.

En février 2022, la Russie lançait son offensive militaire contre l’Ukraine. C’est la panique totale : les marchés financiers s’affolent, les prix de l’alimentaire et de l’énergie s’envolent et les chaînes d’approvisionnement toujours perturbées grippent davantage. Craignant que l’inflation prenne des proportions démesurées, la Réserve fédérale va s’engager dans une stratégie agressive de resserrement des conditions monétaires avec pas moins de onze relèvements des Fed Funds entre mars 2022 et juillet 2023. La Banque centrale européenne et les autres banques centrales à travers la planète s’engageront dans la même stratégie de désinflation. La Banque de Maurice jusque-là soucieuse de ne pas casser la dynamique de croissance suivra la cohorte. De mars à novembre 2022, elle relèvera son taux repo de 1,85 % à 4,5 %. Cette hausse significative de 2,65 % des taux d’intérêt est un coup difficile à encaisser pour les entreprises qui, du jour au lendemain, voient leurs charges s’alourdir.

Face à l’adversité, les entreprises ont dû faire preuve de prudence dans la gestion de leur budget, mais elles ne sont pas, pour autant, tombées dans le piège de l’austérité. Elles ont continué à innover, à investir dans la recherche et le développement, à se diversifier avec l’objectif de trouver de nouveaux relais de croissance. C’est cette volonté de fer, cette capacité pour nos décideurs à garder la tête froide et à mobiliser leurs équipes en donnant sens au concept d’Employee Value Proposition qui leur a permis de résister aux vents contraires. De même, le redécollage de l’industrie touristique avec près de 1 million de touristes accueillis en 2022 a créé un cycle vertueux, avec un effet multiplicateur sur l’ensemble de l’économie.

À partir du second semestre de 2022, la reprise de l’économie s’accélère. Sur l’ensemble de l’année calendaire, la croissance est calculée à 8,7 %, alors que l’inflation demeure élevée à 10,8 %. Alors que pour l’année financière 2022-23, la croissance est estimée autour de 6 % par l’institut des statistiques.

Par ailleurs, la bonne performance de l’économie est soulignée par le Fonds monétaire international (FMI) qui, dans son World Economic Outlook publié en avril dernier, classe Maurice parmi les 20 économies à la croissance la plus rapide au monde en 2022.

Véritable baromètre, l’édition 2023 du Top 100 Companies reflète cette image d’une économie mauricienne dans une phase de nette reprise. Premier constat : le chiffre d’affaires combiné des 100 plus grandes entreprises fait un bond, franchissant confortablement la barre du demi-billion pour totaliser Rs 548,7 milliards contre Rs 418,83 milliards dans le précédent classement, ce qui équivaut à une progression 31 %.

Le classement 2023 est dominé par le Groupe IBL qui conforte sa première place avec un chiffre d’affaires de Rs 54,08 milliards contre Rs 44,97 milliards, soit une hausse de 22,9 %. Lors de la dernière Analyst meeting du groupe, son CEO, Arnaud Lagesse, faisait ressortir que tous les clusters sont en pleine croissance. Il attribue cette performance record à l’engagement du Groupe IBL en faveur de l’excellence opérationnelle et à sa politique d’internationalisation conformément à la stratégie IBL Beyond Borders et sa vision à l’horizon 2030. À terme, le Groupe IBL prévoit de réduire sa dépendance à l’égard du marché mauricien, en passant à une présence internationale supérieure à 50 %.

La deuxième place est occupée par CIEL, dont le chiffre d’affaires augmente de Rs 28,52 milliards à Rs 35,40 milliards (+24,2 %). Airport Holdings Ltd fait un forcing, grimpant de la 32e à la 3e place avec un chiffre d’affaires de Rs 33 milliards. Les places suivantes dans le top 10 sont occupées par Eclosia (Rs 17,83 milliards), ENL Limited (Rs 17,81 milliards), Vivo Energy (Rs 16,5 milliards), Leal Group (Rs 14,72 milliards), Engen Petroleum (Rs 14,64 milliards), New Mauritius Hotels (Rs 14,08 milliards) et IndianOil Mauritius (Rs 13,23 milliards).

Le classement en termes de bénéfices est également fort instructif. Le profit après impôt combiné des 100 compagnies les plus profitables en incluant les banques totalise Rs 87,60 milliards contre Rs 40,79 milliards dans le précédent classement. Ce qui donne un différentiel de Rs 46,85 milliards.

Le top 10 de ce classement se décline comme suit : MCB Group (profits : Rs 17,75 milliards), AfrAsia Bank (Rs 6,64 milliards), Groupe IBL (Rs 5,49 milliards), CIEL (Rs 5,13 milliards), SBM Holdings (Rs 4,18 milliards), Airport Holdings Ltd (Rs 3,82 milliards), New Mauritius Hotels (Rs 2,80 milliards), Investec Bank (Mauritius) Ltd (Rs 2,45 milliards), Absa Bank (Rs 2,23 milliards) et Hongkong and Shanghai Banking Corporation (Rs 2 milliards).

Clairement, la moisson a été bonne pour les entreprises du Top 100. Il est encourageant également de noter que la croissance en termes de chiffre d’affaires ou de la profitabilité est bien répartie dans tous les secteurs. L’avenir s’annonce tout aussi prometteur, surtout quand on sait qu’il y a une solide reprise de l’activité économique au début du second semestre de 2023. Ainsi, la Banque de Maurice s’attend à une expansion du PIB réel se situant dans la fourchette de 6,5 % à 7,5 % cette année. Alors que Statistics Mauritius anticipe une croissance de 6,8 %. Du côté de Maurice Stratégie, l’on prévoit une croissance forte de 7,3 %. Les trois institutions s’accordent à dire que les mesures du dernier Budget ont permis de débloquer l’accès à la croissance, en actionnant les leviers de l’offre et de la demande. Le tourisme, pilier essentiel de notre économie trop longtemps paralysé par la crise, est promis à des jours meilleurs. Pour cette année, ce secteur devrait engranger pas moins de Rs 85 milliards.

Si les perspectives sont bonnes pour l’économie mauricienne, il convient aussi de se rappeler que nous sommes toujours dans un cycle de crise. Les conflits au Proche-Orient ces jours-ci renforcent le sentiment d’incertitude sur la scène internationale et pourraient avoir de graves conséquences économiques, prévient le FMI. Alors qu’ils déroulent leur stratégie, nos décideurs doivent prendre en compte l’environnement international et cette situation de permacrise.

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