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1968 – 2024 : Sur l’autoroute du succès

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CINQUANTE-six ans. C’est relativement court dans l’histoire d’une nation. Pourtant, en ce laps de temps, le pays a fait un pas de géant, réussissant sa transition d’une monoculture à une économie diversifiée, avec le secteur des services générant aujourd’hui environ 75 % de son produit intérieur brut (PIB).

Revenons à la genèse. Après la Seconde Guerre mondiale, le monde entre de plain-pied dans une nouvelle ère. Les puissances coloniales comme le Royaume-Uni, la France, la Belgique ou encore les Pays-Bas sont considérablement affaiblies. Dans le même temps, l’on assiste à l’émergence des États-Unis et de l’Union soviétique, deux superpuissances résolument anticoloniales. En 1952, les Nations unies proclament le droit des territoires non autonomes à l’autodétermination. Un vent de liberté souffle sur le monde.

Contrairement aux pays du MoyenOrient, de l’Afrique du Nord et de l’Asie du Sud-Est, qui ont obtenu leur indépendance dans le sang, Maurice n’a pas connu de guerres et d’insurrections, comme cela a été le cas à Madagascar, en Algérie, en Indochine et au Maroc. Car les bonnes relations entre les indépendantistes, parmi sir Seewoosagur Ramgoolam, avec le pouvoir colonial britannique, facilitent le processus. Mais il a fallu quand même faire une concession de taille. C’est ainsi que dans le sillage de la conférence de Lancaster en 1965, sir Seewoosagur, alors Chief Minister, accepte le détachement de l’archipel des Chagos du territoire mauricien. Par la suite, dans les années 70, plus de 2 000 Chagossiens seront déportés, arrachés à leur terre natale et forcés de s’installer à Maurice et aux Seychelles.

Maurice et aux Seychelles. C’est à la faveur de cette injustice à l’égard du peuple chagossien que nous obtiendrons notre indépendance. Le 12 mars 1968, au Champ de Mars, l’Union Jack était abaissé pour laisser la place au quadricolore national. L’histoire était en marche. Mais rien n’était gagné. Et cela, les dirigeants politiques et le secteur privé le savaient fort bien. Déjà, en 1961, dans un article intitulé Mauritius: a case study in Malthusian economics publié dans l’Economic Journal, James Meade tirait la sonnette d’alarme. Pour le futur prix Nobel de l’Économie, le pays était voué au tiers-mondisme s’il s’affranchissait du joug colonial car il rencontrerait sur son parcours des contraintes structurelles quasi insurmontables. Il n’avait pas tout à fait tort puisque notre économie était, à l’époque, à prédominance agricole, avec 99 % de nos recettes provenant du sucre et de ses sous-produits. Ensuite, le niveau d’industrialisation était extrêmement faible. Il fallait également craindre une éventuelle explosion démographique. Déjà, de 1954 à 1958, la croissance démographique était de l’ordre de 3 % par an, alors que la croissance économique tournait autour de 0,7 % durant la même période. Autant de facteurs qui font que nos chances de sortir du sous-développement – notre PIB était de seulement Rs 587 millions en 1958 – étaient très faibles.

Les prévisions, pour le moins funestes, de James Meade ne sont pas tombées dans les oreilles de sourds. Pour s’en sortir, le pays devait changer de modèle économique et développer sa base industrielle. La suite, on la connaît. Au début des années 70, les pouvoirs publics et le secteur privé développent l’industrie de substitution à l’importation. Puis, c’est la création de la zone franche qui va faire décoller l’économie mauricienne. Ainsi, de 1970 à 1974, le PIB en valeur nominale passe de Rs 1 milliard à Rs 3 milliards. Quant à la croissance, elle grimpe successivement de -0,2  % en 1970, à 4,9 % en 1971, 10,6 % en 1972, 11,6  % en 1973 et 10,8  % en 1974. Les années 70 voient également l’avènement du secteur touristique, grâce notamment à la vision d’Amédée Maingard.

Après avoir frôlé la faillite économique en raison d’une conjugaison de facteurs, parmi la crise pétrolière et l’impact des cyclones Gervaise et Claudette, le pays rebondit à partir de 1983 et connaît son premier miracle économique quelques années plus tard. En 1987, Maurice réalise une croissance de 8,3 %, alors que l’inflation est à seulement de 0,6 %. C’est aussi une période de plein-emploi.

Ayant compris que la diversification est la seule garantie d’une croissance pérenne, les décideurs politiques et économiques développent le secteur offshore au début des années 90. Les années 2000 sont marquées par la création de l’immobilier de luxe, la mise en orbite du secteur des Tic-BPO et le décollage de la grande distribution. Depuis, l’économie mauricienne continue à se diversifier et à s’ouvrir. Si bien qu’aujourd’hui, le secteur tertiaire représente près de 75,1 % du PIB. Alors que la contribution du secteur primaire et du secteur secondaire sont de seulement 20,3 % et 4,3 % respectivement.

Après avoir été durement touchée par la pandémie, l’économie mauricienne est à nouveau sur les rails. Les acteurs économiques récoltent les fruits de leurs efforts et des sacrifices auxquels ils ont consenti pendant qu’ils étaient dans l’œil du cyclone. Pour 2024, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, s’attend d’ailleurs à croissance de 6,5  %. L’avenir s’annonce prometteur. Alors qu’on s’engage sur l’autoroute du succès, n’oublions pas quels sont les ingrédients qui nous ont permis de bâtir notre réussite et notre résilience.

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