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Aldo Dell’Arricia: «Maurice pourrait devenir un pourvoyeur de l’aide au développement»

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Aldo Dell’Arricia: «Maurice pourrait devenir un pourvoyeur de l’aide au développement» | business-magazine.mu

L’évolution de Maurice vers le statut de pays à revenu élevé remet en question l’aide au développement. Le pays pourrait lui-même jouer le rôle de bailleur de fonds si toutes les conditions sont réunies, soutient l’ambassadeur de l’UE.

BUSINESSMAG. L’aide accordée à Maurice dans le cadre du Fonds européen de développement (FED) est en baisse. Quelles en sont les raisons ?

Cette baisse s’inscrit dans la diminution générale des fonds alloués. Avec la crise économique, l’Union européenne (UE) fait l’effort de continuer à soutenir les pays avec lesquels elle collabore. Il s’agit toutefois d’établir des priorités car l’enveloppe globale ne peut augmenter autantque nous le souhaitons. Il faut donc trouver les moyens de fournir une assistance aux pays qui en ont le plus besoin.

Dans une situation où nous ne pouvons augmenter les volumes d’aide financière alors que les exigences, elles, sont de plus en plus grandes, nous devons faire des choix. À Maurice, nous avons réduit l’aide au développement, mais nous avons aussi commencé à envisager deux types de coopération.

D’une part, le rôle de Maurice et son intégration dans la coopération régionale et de l’autre, un nouveau stade de coopération où les fonds seront mis à disposition de manière à avoir une participation du secteur privé. Cela permettra à un partenaire qui est déjà mûr du point de vue économique de jouer pleinement son rôle au niveau du développement.

Nous passons donc d’une coopération pour le développement à un partenariat pour le développement où le secteur privé local et international a un rôle à jouer. C’est là que se déploie davantage le soutien de l’UE au processus de développement de Maurice mais sans le don direct auquel, effectivement, il y a d’autres pays qui sont éligibles.

BUSINESSMAG. Est-ce lié, en partie, au fait que Maurice s’achemine graduellement vers le statut de pays à revenu élevé ?

Avec le statut de pays à revenu moyen qui est celui de Maurice à l’heure actuelle, il y a déjà des possibilités de partenariats économiques qui n’existent pas dans des pays beaucoup plus pauvres. De surcroît, nos relations avec Maurice ont acquis désormais une certaine maturité. En conséquence, des actions conjointes peuvent être menées avec l’appui de l’UE dans le cadre de processus où Maurice a démontré qu’elle est capable de se passer de l’influx de dons venant des bailleurs de fonds.

BUSINESSMAG. Quel rôle les bailleurs de fonds sont-ils appelés à jouer alors que l’île progresse vers son objectif ?

Les bailleurs de fonds seront appelés à répondre de manière positive et constructive à la maturation et à la croissance de la présence économique de Maurice. Nous pouvons donc parler d’adaptation. L’UE, par exemple, ajuste la forme que prennent sa collaboration et sa coopération avec les pays à haut niveau d’évolution et de progrès économique.

Maurice a obtenu des résultats très importants du point de vue économiqueet commercial. J’ai cependant remarqué qu’il y a un besoin d’échange d’informations plus fluide et performant, que ce soit sur le marché européen, pour les entrepreneurs locaux ou sur la réalité locale pour les entrepreneurs européens.

Dans ce contexte, je souhaiterais mettre sur pied un centre d’informations de l’UE à l’intention des entrepreneurs mauriciens, en particulier ceux qui se consacrent à l’exportation, afin qu’ils puissent accéder à des informations réelles et actualisées sur la situation des marchés européens. Ils auraient ainsi également la possibilité de se renseigner sur les règlements sanitaires, phytosanitaires, les potentielles niches de marché dans les espaces d’expansion, les distributeurs qu’ils ciblent pour leurs produits en vue de maximiser les accords et bénéfices tirés des partenariats économiques.

BUSINESSMAG. Dans quelle mesure Maurice pourra-t-elle se passer un jour de l’aide des bailleurs de fonds ?

En fait, il se peut qu’on arrive à un stade où Maurice serait elle-même un pourvoyeur de l’aide au développement. C’est ce que je souhaite à tous les pays en voie de développement ;qu’ils en arrivent à ne plus avoir besoin d’un soutien venant de l’extérieur. Cela, au vu de leur capacité à générer des recettes fiscales suffisamment importantes ou encore leur taux de croissance économique tellement efficient que les appuis budgétaires externes sous forme de dons en deviennent obsolètes. Au moment opportun, ces pays peuvent aussi collaborer avec les autorités internationales sur des bases de partenariat. 

À mon avis, un pays à revenu élevé n’a pas besoin d’aide au développement bien qu’il puisse souhaiter une assistance technique spécifique pour certains aspects de son développement économique, politique et social. Il se peut, en effet, que des pays accédant à ce statut ne veuillent pas utiliser leurs ressources nationales à cet effet. Or, l’UE est toujours prête à fournir une assistance technique de pointe, cela même à des pays à haut revenu. Je pense pouvoir le dire aussi de la part des collègues de l’UE qui coopèrent avec Maurice.

BUSINESSMAG. Quels sont, selon vous, les secteurs les plus aptes à doper la croissance ?

D’après mes observations, le secteur des services est un secteur porteur dans cette recherche de croissance. Toutefois, il y a évidemment des défis que le secteur privé et le gouvernement doivent relever, dans ce cadre spécifique. Il faut qu’il y ait une transparence - par exemple dans le cas des appels d’offres internationaux - et une responsabilité financière totales, entre autres éléments, si l’on veut que le secteur des services soit une force motrice pour le développement économique.

Il s’agit par ailleurs de faire des études afin de savoir effectivement quels sont les secteurs les plus porteurs. Je parle là d’études qui ne resteront pas dans des tiroirs mais doivent donner des idées pour des plans d’action qui permettront de répondre avec rapidité et pertinence aux demandes de marchés internationales.

Ce pays a le potentiel de croissance nécessaire et il y a, à mon avis, une capacité installée du point de vue humain qui est importante. Cela ne suffira pas en ce moment, surtout en raison d’une concurrence internationale conséquente. Toutefois, dans le peu de temps que j’ai passé ici, j’ai pu noter qu’il y a une forte volonté d’aller dans ce sens.

BUSINESSMAG. Combien de temps estimez-vous qu’il faudra à Maurice pour passer dans la catégorie des pays riches ?

Ce serait un peu abusif de ma part de dire comment est le pays. Mon impression est que Maurice termine une étape de son histoire économique et commerciale et doit maintenant se lancer dans une nouvelle étape.

Une volonté politique est sans doute nécessaire. Il faut prendre en considération toutes les nouvelles informations qui surgissent constamment sur le marché global.

BUSINESSMAG. Pensez-vous que le changement de statut s’accompagnera d’effets secondaires pour Maurice ?

S’il y a une capacité de redistribution, de respect de l’équité, de justice sociale au niveau de la redistribution des bénéfices, il y aura des problèmes moindres. Ce qui ne sera pas le cas si cette croissance s’accompagne d’un déséquilibre dans la gestion des bénéfices que rapportera le statut de pays riche. Des poches de pauvreté apparaîtraient alors et une partie de la population serait mécontente.

Là encore, c’est à la politique de développement national adoptée par les décideurs de faire en sorte qu’obtenir ce sceau de qualité économique se fasse dans l’harmonie, la cohésion sociale et le respect des droits humain.