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Astrid Dalais et Kim Lenoir : «House of Digital Art veut s’imposer sur le marché des arts numériques dans l’océan Indien»

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House of Digital Art ouvre ses portes ce mercredi 28 juin dans un bâtiment à caractère patrimonial au 6, rue Edith Cavell, Port-Louis. Bénéficiaire d’un certificat d’investissement de l’Economic Development Board à destination des industries culturelles et créatives, le projet cofondé par Kim Lenoir, Jurgen Loeeffler et Move for Art est une maison culturelle et créative tournée vers les arts numériques. Astrid Dalais et Kim Lenoir répondent aux questions de Business Magazine sur House of Digital Art, qui entend devenir une référence régionale sur le marché des arts numériques.

On vous a perdu de vue après le Festival Porlwi, qui visait à participer à la régénération de la capitale cinquantenaire par la mise en lumière de son patrimoine et la promotion d’artistes et d’artisans locaux. Qu’avez-vous fait depuis ?

Astrid Dalais : Après le Festival Porlwi, nous avons été appelés à La Réunion pour monter un festival similaire car les Réunionnais avaient trouvé qu’il célébrait le vivre-ensemble, et cela leur semblait important. Cet appel venait de l’Office du Tourisme, de la Région Réunion et du secteur privé qui ont formé une association public-privé répondant au nom de Réunion Métis. Nous les avons accompagnés pendant trois ans pour monter un festival similaire éponyme. Celui-ci s’est tenu en 2019, en 2022, et le prochain se tiendra cette année. Notre contrat est d’une durée de trois ans, et notre idée était de passer tout le savoir et l’expérience acquise sur le projet et qu’à partir de là, ce soit leur propre équipe qui se charge du festival. Cette association a été très admirative de voir les rues de la capitale mauricienne se remplir.

En outre, nous avons réalisé quelques projets d’installations artistiques à l’Institut Français de Maurice (IFM) et à Curepipe dans les Arcades Currimjee. Parallèlement, depuis deux ans, avec Move for Art, représenté par Guillaume Jauffret et moimême, nous travaillons sur le projet de House of Digital Art avec Kim Lenoir, Jurgen Loeeffler. À nous quatre, nous avons travaillé sur la fondation du projet et son montage. Donc, nous agissons comme fondateurs et promoteurs de départ et nous avons été rejoints par d’autres partenaires, précisément des groupes mauriciens, qui ont cru dans le projet. Il faut savoir que nous avons bénéficié de l’expertise technique de Gérald Lincoln et de ses équipes d’EY pour le montage financier du projet. Cela a pris plus d’un an. Nous sommes ensuite allés chercher des investissements.

En fait, pour monter un projet pérenne, il faut de l’investissement en équipements techniques, en personnel et en aménagement. Pour réunir le capital de départ, nous avons pu compter sur CIEL, Leal, Rent All House, Rogers, Maxus Co., le Groupe MCB, Constance et Attitude. Nous avons formé une entreprise qui s’appelle The Analog Collective en 2022. Nous sommes demeurés dans l’actionnariat et assurons la gestion du projet. Au niveau de The Analog Collective, nous cumulonss 25 % de l’actionnariat et le reste se partage entre les entreprises mauriciennes engagées dans le projet. L’investissement total est de Rs 60 millions.

Après un emblématique festival comme Porlwi, relevant davantage du monde du spectacle et de l’évènementiel, pourquoi ce saut technologique dans les arts numériques ?

Astrid Dalais : Pour le Festival Porlwi et tous nos projets passés, nous avons toujours beaucoup utilisé le design lumière, les effets sonores, mais aussi la vidéo. Cela fait partie de notre travail intrinsèque depuis le départ ; c’est en fait la mise en scène de ces technologies. Ce qui fait que House of Digital Art est dans une sorte de continuité du Festival Porlwi. Après avoir eu toute cette expérience – je dis nous parce que depuis le départ à Move for Art, nous avons travaillé avec Kim Lenoir –, nous avons vu les impacts que nos projets avaient et nous avons voulu que les impacts soient plus enracinés.

Kim Lenoir : Nous voulons que les impacts se poursuivent de manière pérenne. Un festival, c’est génial pour rassembler et fédérer le public, mais il est important d’avoir un lieu permanent où il peut toujours revenir et toujours se ressourcer, et pas qu’à l’occasion d’un nouvel évènement. On a choisi Port-Louis pour garder cette continuité avec le Festival et cette connexion avec la capitale. De plus, House of Digital Art se trouve dans un bâtiment à caractère patrimonial. Avoir un projet pérenne va nous permettre aussi de projeter des actions à long terme à Port-Louis. Nos piliers sont : art, design, technology and society. Et House of Digital Art est un lieu à la croisée de ces quatre axes.

House of Digital Art est donc un espace culturel tourné vers les arts numériques…

Kim Lenoir : C’est une maison culturelle et créative tournée vers les arts numériques avec une programmation dynamique. House of Digital Art envisage de proposer une nouvelle programmation tous les six mois. L’actuelle va durer jusqu’en février prochain, puis les installations vont changer, les contenus à visionner dans la salle immersive vont changer pour une autre saison avec un nouveau thème. Aussitôt qu’on est bien lancé, on va aussi lancer des conférences, ateliers, causeries et événements ponctuels, et des performances.

Astrid Dalais : House of Digital Art est à la fois un lieu de rencontre, un lieu de recherches, de contemplation, de diffusion et de transmission. La notion de transmission est très importante pour nous. Si vous avez déjà fait l’expérience du Couloir pédagogique de House of Digital Art, vous saurez qu’il est conçu pour parler de tous les sujets qu’on a abordés dans cette première saison inspirée d’une citation d’Edouard Maunick : «S’il était un territoire entre midi et minuit». Les visiteurs vont pouvoir découvrir la création artistique sous toutes ses formes numériques et relevant de leur interprétation de ce thème, c’est-à-dire réalité augmentée, sonore, kinétique, interactif, immersif…, tout cela va éveiller de l’émotion, de la curiosité. Si certains veulent aller plus loin, vers un peu plus les sujets scientifiques évoqués, il y a ce Couloir pédagogique. Il s’agit d’un espace commun, accessible à tout le monde, à tout moment où des livres sont exposés en fonction de la saison.

Quand on s’est penché sur la création, on a travaillé en fonction de ce thème sur l’aspect de cartographie, de rapport à l’espace-temps, la topographie de la Lémurie. Cela va générer de la discussion et de la rencontre, et c’est cela qui est important pour nous. Des spécialistes – des designers, des techniciens, des ingénieurs, des acousticiens – ont contribué à la création de cette saison. Il y a eu de la transmission de savoir et de la rencontre entre les disciplines, les métiers, pendant le projet, et c’est cela qui est important pour nous.

Kim Lenoir : C’est un projet qui n’a pas de frontières entre les générations, c’est cela aussi l’avantage du numérique. C’est bien quand on travaille dans le numérique de pouvoir briser ces frontières.

Selon le rapport 2021-2025 du Global Digital Media Arts Market, le marché mondial des arts numériques devrait atteindre 174,55 milliards d’USD d’ici à 2025, avec un taux de croissance annuelle de 11,8 %. Quelle part de ce marché envisagez-vous de capter si ce n’est à l’échelle locale, à l’échelle régionale ?

Astrid Dalais : Dans notre raison d’être, nous souhaitons être un lieu où au coeur de l’océan Indien les partenaires, le public, les artistes, se rencontrent pour générer et amplifier des expériences artistiques dans le but de contribuer à une société plus créative. Dans cette optique, il s’agit de créer du lien avec la région et d’être vraiment une plateforme aussi bien mauricienne que régionale, on a discuté avec beaucoup d’acteurs d’institutions réunionnaises, malgaches, entre autres, dans la région. Nous avons compris qu’il n’y avait pas forcément de lieu autour des arts numériques. Nous sommes donc le premier lieu créatif gravitant autour des arts numériques dans l’océan Indien. Ainsi, je pense que House of Digital Art vient en complémentarité du paysage culturel local et même du paysage culturel régional.

Kim Lenoir : Nous réalisons cependant que la demande pour les arts numériques sera croissante, surtout depuis l’apparition de la Covid-19. Un appel à projets a été lancé par IGNITE Culture, un mécanisme de subvention aux secteurs culturels et créatifs de 14 pays d’Afrique orientale, et émanant de l’ACP-EU Culture Programme. Sur 330 projets reçus de cette zone, House of Digital Art a été sélectionné parmi les 18 autres projets retenus.Nous avons obtenu une subvention de 180 000 euros au nom de Move for Art pour le projet de House of Digital Art.

Astrid Dalais : Cette subvention reçue nous a donné confiance dans la direction que nous prenions et donné la confiance de nos partenaires et stakeholders. Cela nous a permis de financer toutes nos études techniques et de lancer une initiative de Monitoring and observation.

Pendant les mois précédents, nous avions organisé des Focus groups auprès des acteurs de l’éducation, des ONG, des seniors, des enfants, des adolescents et des jeunes. En fonction de leurs besoins et de leurs retours, nous avons adapté le projet. Nous avons vraiment voulu que ce projet travaille autour du concept de la Theory of Change, grâce à l’appui IGNITE Culture – c’est-à-dire comment ce projet peut contribuer à la société et la rendre meilleure –, en tablant sur nos indices d’impact en fonction des besoins du public. Nous avons travaillé avec l’Université de Mons et le cabinet Nivo pour le déploiement des indices d’impact.

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