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Diaspora: vers un retour des cerveaux

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Lors du discours budgétaire, le Grand argentier a lancé un vibrant appel à un retour au pays des professionnels mauriciens de haut calibre établis à l’étranger. Pour les encourager : une batterie de mesures incitatives.

Le ministre des Finances aura marqué les esprits lundi soir en annonçant la détermination du nouveau gouvernement d’encourager les professionnels hautement qualifiés d’origine mauricienne vivant à l’étranger à revenir au pays. Dans cette optique, Vishnu Lutchmeenaraidoo a inclus dans son Budget 2015-2016 une série de mesures incitatives. Il reviendra au Board of Investment (BoI) de piloter ce projet.

Parmi les mesures énoncées, le gouvernement propose tout d’abord une exemption de l’impôt sur le revenu pendant une période de dix ans. Les professionnels mauriciens qui décideront de revenir travailler sur leur terre natale bénéficieront également d’une exemption des droits de douane jusqu’à un montant de Rs 2 millions pour l’achat d’une voiture. De plus, les représentants de la diaspora ne possédant pas de passeport mauricien se verront accorder un permis de séjour permanent et pourront rentrer au pays avec tous leurs biens personnels sans avoir à s’acquitter de frais de douane. Pour être éligible à cet ensemble de facilités, il faudra obligatoirement avoir travaillé un minimum de dix ans à l’étranger.

Pierre Dinan, économiste, estime que «c’est une des meilleures mesures du Budget 2015-2016». «Maurice possède un bassin de personnes hautement qualifiées qui vivent et travaillent à l’étranger», rappelle l’économiste qui regrette que l’île ne se soit pas inspirée plus tôt de l’Inde en ce sens : «Nous aurions dû prendre comme modèle la Grande péninsule qui est l’un des premiers pays au monde à avoir offert des ‘incentives’ pour encourager les Indiens vivant et travaillant à l’étranger à retourner au bercail.» Selon Pierre Dinan, le gouvernement aurait pu tout aussi bien proposer une mesure plus aboutie. Par exemple, inciter les Mauriciens de la diaspora à investir dans les projets mauriciens par le biais des compagnies évoluant dans l’offshore.

Dhiruj Ramluggun, Head-Training and Development Division de la Mauritius Employers’ Federation (MEF), salue quant à lui «un effort qui augmentera le capital humain» disponible à Maurice mais s’interroge sur les secteurs qui en bénéficieront. D’autres considérations mises en avant par le représentant de la MEF sont celles du salaire et du cadre de travail : «C’est bien de proposer des ‘incentives’ mais il faudrait savoir si ces expatriés recevront le même salaire à Maurice qu’à l’étranger. De plus, se retrouveront-ils dans un environnement favorable à la pratique de leur métier, en particulier du point de vue technologique ?» Dhiruj Ramluggun rappelle, de fait, que «c’est maintenant que le gouvernement équipera l’île entière en fibre optique».

S’il est un secteur qui espère profiter pleinement de cette manne intellectuelle, c’est bien celui du Business Process Outsourcing (BPO) et c’est avec soulagement que les opérateurs de ce secteur accueillent l’initiative gouvernementale. «Il est très louable d’avoir abordé ce sujet qui a été trop longtemps évité. La fuite des cerveaux nuit dangereusement à l’économie nationale», fait ainsi ressortir Charles Cartier, président de l’Outsourcing & Telecommunications Association of Mauritius (Otam) et membre du conseil d’administration de la Banque de Maurice. Il est rejoint par Vidia Mooneegan, Managing Director de Ceridian: «Bien souvent dans le BPO, nos meilleurs éléments préfèrent partir travailler à l’étranger.»

Et Charles Cartier de renchérir que ce sont les États-Unis, le Canada ou l’Europe qui récupèrent les meilleurs cerveaux dans les secteurs comme le BPO ou la finance, notamment. «À Maurice, nous investissons tellement dans la formation de nos jeunes qu’il n’est pas normal qu’au final, ce soient les autres pays qui profitent de leurs compétences et de leur savoir-faire», fait-il ressortir. Vidia Mooneegan cite aussi l’exemple de l’Inde, où, dit-il, l’industrie des technologies de l’information et de la communication (Tic) a été créée par la diaspora indienne «qui est retournée au pays après avoir travaillé pour les sociétés internationales de ce secteur aux États-Unis».

Avec cette initiative, associée à un vibrant appel du ministre des Finances : «Le pays a besoin de vous» à l’intention de la diaspora mauricienne, le nouveau gouvernement s’engage résolument sur la voie du «brain gain».