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Doekle Wielinga: « S’inspirer du dispositif d’assurance régionale des Caraïbes et du Pacifique »

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Doekle Wielinga: « S’inspirer du dispositif d’assurance régionale des Caraïbes et du Pacifique » | business-magazine.mu

La Banque mondiale est partie prenante du projet ISLANDS. Elle s’occupe de la mise en place d’un mécanisme de risque financier.Le point avec son Senior Disaster Risk Management Specialist.

BUSINESSMAG. Pourquoi la Banque mondiale s’intéresse-t-elle au projet ISLANDS ?

Dans le passé, il y a dix à quinze ans, nous avons travaillé sur des initiatives assez similaires dans les Caraïbes et plus récemment dans le Pacifique. C’était donc logique de répondre par l’affirmative quand les responsables d’ISLANDS nous ont contactés pour le projet. C’était il y a à peu près trois ans. Le domaine d’application a changé depuis, car au début, le côté financier était focalisé sur l’établissement d’un mécanisme régional de transfert de risque, un dispositif d’assurance régional (Insurance mechanism pool), donc une assurance entre les pays. Maintenant, comme on peut le constater, cette plate-forme régionale vise à déboucher sur une protection financière contre les catastrophes et les changements climatiques, ce qui est assez différent du concept initial.

Nous avons des connaissances approfondies. Nous pouvons amener les « top world class experts » du domaine pour le projet. Et aussi, comme nous avons déjà travaillé sur des projets similaires, nous pouvons appliquer ces expériences ici dans la région. Quand nous rédigeons le projet, nous prenons aussi en considération les leçons retenues des expériences passées, ce qui a marché ou non et nous les appliquons dans ce contexte-ci.

BUSINESSMAG. Justement, comment adaptez-vous les expériences passées alors que le contexte est si différent dans cette partie du monde ?

Certainement, le contexte est important car ici nous travaillons avec cinq pays différents. Les quatre pays membres de la Commission de l’océan Indien et le Zanzibar ont chacun un profil de risque différent. Par exemple, au Zanzibar, il n’y a pas de risque  cyclonique ou volcanique. À Maurice, il y a des risques de cyclones, d’inondations et de glissements de terrain. Et aux Comores, ce sont surtout des risques volcaniques, cycloniques et de tremblements de terre qu’on retrouve. Par contre, dans les Caraïbes, toutes les îles souffrent de plus ou moins la même chose, les risques cycloniques ou les ouragans comme on les appelle là-bas, et les tremblements de terre. De plus, des îles comme Maurice et les Seychelles sont des États à revenus intermé-diaires. Cependant, ici, il y a aussi les pays qui sont à divers niveaux de développement. Cela rend le contexte économique assez compliqué.

BUSINESSMAG. Comment arrivez-vous à gérer les différences infrastructurelles et économiques des pays ?

Nous avons des engagements dans les différents pays concernés. Nous avons déjà une connaissance du terrain. Nous sommes aussi en contact constant avec le secteur financier, les cellules de gestion de risques. Nous sommes sur le terrain et le travail a déjà débuté.

À Madagascar, il y  a un projet de gestion de risque sur lequel nous travaillons depuis 2008. Aux Seychelles également, nous avons débuté à la même époque. Aux Comores, nous avons des engagements depuis 2011 et à Zanzibar, à travers nos bureaux basés en Tanzanie, nous avons des engagements en ce qui concerne les inondations.

BUSINESSMAG. Avez-vous des projets de gestion des risques à Maurice?

Nous n’avons pas de projet spécifique pour la gestion des risques, mais nous avions été approchés après les inondations, les crues subites (flashfloods) de mars 2013. Nous avions commencé à travailler avec le ministère des Finan-ces mais cela n’a abouti à rien. Mais une cellule de gestion des risques a été créée par le gouvernement mauricien et la Banque mondiale a été contactée pour soutenir cette initiative à travers une évaluation des impacts des catastrophes. Cela englobe tout ce qui est très technique, estimation des risques pour chaque secteur de l’économie pouvant être affecté par les catastrophes. Mais ce projet est toujours en cours et avec les changements récents au sein du gouvernement, nous attendons de voir ce qui se passera.

Nos bureaux à Maurice sont en constant dialogue avec le gouvernement mauricien.

BUSINESSMAG. Quels sont les objectifs définis de la Banque mondiale eu égard au projet ISLANDS?

Premièrement, il s’agit d’avoir une meilleure compréhension des risques et d’appliquer les connaissances acquises. C’est très bien de comprendre et d’avoir bases de données, mais si nous n’appliquons pas ces connaissances dans l’aménagement du territoire, le développement infrastructurel ou les réglementations pour le logement, cela ne sert finalement à rien.

Nous voulons nous diriger vers des planifications en toute connaissance de cause. Ce sera surtout le rôle du ministère des Finances de se servir de toutes ces informations pour développer des stratégies compréhensives de gestion de risque financier en cas de catastrophe. Il faut surtout éclairer les gens sur tout ce qui est fonds de réserve, fonds de prévoyance et ligne de crédit, pour qu’ils aient une idée claire là-dessus, et qu’ils sachent comment le financement se fait après une catastrophe. Ce n’est pas juste comme si un cyclone est venu et que nous devons par la suite déblayer les routes obstruées, rétablir l’électricité et l’eau potable. Il faut trouver les ressources et le financement à tout cela. C’est la raison pour laquelle il faut que les mécanismes soient là pour que le financement arrive le plus rapidement possible.

Nous anticipons aussi une seconde phase du projet où éventuellement nous pourrions soutenir le gouvernement dans l’application de ces stratégies et à partir de là, voir la viabilité de solutions financières régionales. Nous allons nous baser sur le modèle de dispositif d’assurance régionale déjà établie dans les Caraïbes et le Pacifique pour voir si cela peut être répliqué ici, ou sinon considérer d’autres solutions régionales.

BUSINESSMAG. Quels seront les plus grands défis dans l’application du projet ?

Un gros défi déjà c’est de pouvoir retenir l’intérêt du pays. Initialement, les pays adhèreront au projet, mais ils peuvent perdre l’intérêt au fil du temps pour diverses raisons. Comme un projet d’une telle envergure prend beaucoup de temps, il faut pouvoir garder un contact constat, avoir l’intérêt soutenu du gouvernement et toujours garder le dialogue.

De plus, avec les changements de gouvernement, comme avec les élections à Maurice, et bientôt aux Comores, les décideurs politiques changent et nous aurons à rétablir le dialogue, possiblement avoir à tout recommencer.