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Fabrice Konan : «Je rêve d’une île Maurice où l’on achète du pain avec la carte»

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Le Senior Director et Country Lead de Visa pour les îles de l’océan Indien et l’Afrique de l’Est, Fabrice Konan, se dit plutôt satisfait de l’évolution de la transition vers les moyens de paiements digitaux à Maurice. Il évoque l’apport de Visa envers les institutions financières locales pour faciliter cette mutation. Il avance toutefois qu’un des plus grands défis est d’inciter les commerçants et les entrepreneurs régionaux à s’orienter vers ces modes de paiement.

Visa a son empreinte sur l’écosystème financier de Maurice à travers de nombreux partenariats avec des institutions bancaires du pays. En août 2020, Visa a lancé sa campagne «Tapez pour payer» à Maurice pour privilégier le paiement sans contact. Quel constat faites-vous de ces initiatives ?

Effectivement, Visa est présente à Maurice depuis les années 80 et, petit à petit, nous avons bâti un écosystème avec des partenaires dont la plupart sont des institutions bancaires. Toutefois, l’écosystème de Visa ne se réduit pas uniquement aux banques. Il comprend aussi es fintech et autres long traditional players qui se greffent à cet écosystème dont l’ambition est de pouvoir atteindre beaucoup plus de populations, d’un côté, et de commerçants, de l’autre.

L’initiative Touch to pay lancée en 2020 est basée sur un constat simple. En effet, l’île avait probablement beaucoup de cartes en circulation, mais une utilisation efficace était souvent une problématique. La question était de savoir si les consommateurs utilisaient souvent leurs cartes pour payer les commerçants. Ainsi, le Touch to pay était une nouvelle expérience en termes de rapidité au niveau de la transaction, mais aussi en termes de fiabilité. Je suis donc plutôt satisfait de cette progression. Car on était pratiquement à un niveau zéro de transactions cashless et trois ans plus tard, on est à environ quatre transactions sur dix à travers le Touch and pay.

C’est une formidable progression et les initiatives se poursuivent. Une nouvelle campagne avec Super U a été lancée il y a quelques jours. C’est cet effort d’être consistant dans nos initiatives quinous donne une chance de changer les habitudes ; celles-ci ne changent pas en un jour.

Il faut continuer à mettre en avant les bénéfices pour le consommateur sur l’utilisation de ces nouveaux moyens de paiement. Maintenant, notre ambition, c’est de mener une campagne d’éducation financière afin d’influencer les comportements durablement pour que les personnes qui utilisent le cash s’orientent vers les paiements digitaux. Pour nous, le contactless est une manière efficace et pratique de le faire.

La digitalisation des moyens de paiement s’accélère progressivement depuis l’épisode de la pandémie. Or, à Maurice, l’on note toujours que le taux de pénétration de l’acceptation des paiements numériques n’est pas aussi significatif. Rien qu’à voir les chiffres au niveau national, 42 % des paiements auprès des commerçants se font digitalement. Toutefois, seulement 20 % des commerçants sont équipés d’un appareil pouvant accepter les paiements digitaux. Comment expliquez-vous cela ?

Je préfère voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. Effectivement, on a fait des avancées, mais ce n’est pas encore suffisant. De façon très simple, il faut savoir que l’écosystème de paiement comporte, d’un côté, les payeurs et, de l’autre, les vendeurs qui acceptent ces moyens de paiement. Un écosystème qui se développe de façon efficace doit se développer des deux côtés

Mais on note un petit souci du côté des vendeurs. Selon les statistiques, il y a près de100 000 commerçants, petits et grands, et uniquement 20 % qui acceptent des paiements digitaux. Si on veut une économie digitale, ce chiffre doit passer de 20 % à 30 % voire à40 % ou 50 % pour s’assurer que, d’un côté, les acheteurs sont capables d’effectuer des transactions et que, de l’autre, des vendeurs sont capables d’accepter ces paiements digitaux.

Il y a des efforts à faire. Mais les initiatives mises en place à travers notamment le partenariat avec l’entreprise locale MIPS sont là pour essayer de mettre à la disposition des petits commerçants – qui constituent l’épine dorsale de l’économie, ce qui est également le cas en Afrique subsaharienne – des moyens de paiement pour pouvoir accroître la taille de leurchiffre d’affaires et générer plus de bénéfices. C’est vraiment un défi qu’on s’est fixé.

Cette transition va-t-elle prendre du temps ?

C’est un travail qui requiert la mise à disposition de la technologie, mais aussi le besoin dechanger le comportement du consommateur, ce qui ne se fait pas facilement. Cela prendra du temps, mais on a la capacité de le faire. La technologie seule ne va pas résoudre le problème. Laproblématique d’un entrepreneur, c’est de pouvoir vendre ses produits et pouvoir bien gérer son entreprise. Donc, on a aussi la responsabilité d’équiper les commerçants avec des techniques de gestion.

Dans cette optique d’éduquer, on a mis à disposition des plateformes d’éducation gratuites en ligne. Parmi, le Practical Business Skills qui tente de responsabiliser et d’accroître les compétences des entrepreneurs en matière de gestion. Il y a également la plateforme PracticalMoney Skills que tout individu qui le souhaite peut consulter pour avoir des conseils enmatière de gestion de budget, etc. Ce sont des ressources en plus de l’aspect technologique qui doivent permettre de rendre les entrepreneurs un peu plus forts et résilients et de gérer leurs activités de manière plus efficiente.

L’objectif premier est de simplifier la partie infrastructure technologique des commerçants.On souhaite aussi accroître la perspective d’amélioration du chiffre d’affaires du commerçant. Il nous faut donc continuer de pouvoir apporter de bons arguments aux commerçants pour qu’ils comprennent qu’il est de leur intérêt de pouvoir accepter des paiements électroniques, même s’il peut y avoir des coûts associés. Mais on sait qu’en matière de business,c’est toujours chiffre d’affaires et coûts. Si le chiffre d’affaires moins le coût est relativement positif, je pense qu’on va dans la bonne direction.

Un autre élément, c’est comment s’assurer que les petites et moyennes entreprises ont un business solide. C’est là que la partie éducation financière entre en jeu avec les plateformes de formation gratuites qui aideront le commerçant à être beaucoup plus efficace dans la gestion de leur entreprise. D’ici deux ou trois ans, on notera des progrès et on passera de 20 % à 30 % ; ce qui sera un bond intéressant.

Concernant l’intégration de la technologie pour l’avancée vers la digitalisation des paiements, trouvez-vous que Maurice accuse du retard par rapport à l’Afrique ?

J’ai l’avantage de connaître l’océan Indien et aussi le Kenya, qui est un pays phare en matière d’innovation pour les paiements dans l’Afrique subsaharienne. Je dirais qu’un des avantages clés de Maurice, c’est la bancarisation de l’économie. À Maurice, on évolue dans une économie où neuf personnes sur dix ont un compte bancaire. La moyenne en Afrique subsaharienne est de l’ordre de 15 % à 20 %. Il y a vraiment une différence. C’est cela qui a contribué à la croissance – sur le continent – de nouveaux acteurs tels les compagnies de télécommunications qui sont venues réduire le fossé en proposant aux personnes qui ne sont pas bancarisées une solution pour des services financiers de base.

Maurice n’a pas ce problème. Il y a sur l’île 1,8 million de cartes pour une population de 1,3 million. Donc, le problème n’est pas l’équipement en carte, mais plutôt l’utilisation. À travers ce constat, on sait où doivent se concentrer les efforts. Pour l’instant, dans l’île, on utilise principalement des cartes plastiques, mais dans un futur très proche, on aura des personnes qui vont probablement utiliser leurs téléphones pour taper et pour payer. C’est ce qu’on appelle le Tap to phone. Pour ce type de technologie, on est en discussion avec les partenaires pour voir de manière spécifique quels sont les types de commerçants qui peuvent être une cible.

La MCB a lancé Pay+ qui permet non seulement de taper, mais la technologie combine la partie «taper» et la partie «insérer ». Cela s’intègre à l’écosystème domestique de la Banque de Maurice avec le MauCAS, un dispositif interopérable qui permet d’accepter différentes formes de paiements. Maurice est ainsi dans une situation enviable de par son taux de bancarisation. Quand on combine la bancarisation et le nombre d’instruments de paiements pour les payeurs et le potentiel en termes de business qui peuvent accepter ces types de paiements, on voit que Maurice est plutôt dans une position favorable sur laquelle on peut exploiter pour vraiment pousser sur de nouvelles innovations. Ainsi, Maurice est dans une position relativement avancée par rapport à certains marchés d’Afrique subsaharienne, mais il y a encore énormément d’efforts à fournir.

Quelle importance Visa accorde- t-elle aux petites et moyennes entreprises dans cette transition vers le digital ?

On s’est rendu compte que multiplier les moyens de paiement chez les payeurs sans avoir, de l’autre côté, des commerçants qui peuvent accepter le paiement, c’est évoluer dans un écosystème déséquilibré. On va se retrouver avec des fintech qui offrent des moyens de paiement qui ne sont pas utilisés par des utilisateurs car il y a moins d’opportunités pour eux de payer chez les commerçants. Ce qui comporte un gros risque de retour en arrière. Notre objectif est de faire en sorte que cette masse importante de PME – dans divers domaines – soient équipées de moyens d’acceptation de paiements électroniques.

Il y a l’aspect d’accepter le paiement électronique en tant que commerçant, mais aussi le fait que le commerçant fait des achats dans le cadre de ses activités. Il faut s’appesantir sur des solutions pour trouver comment permettre d’accepter des paiements, mais aussi d’en faire. Il y a aussi le moyen de payer par chèque qui existe toujours. Notre ambition est de diminuer l’utilisation du chèque et du liquide, et notre stratégie est d’offrir une Customer Value Proposal (CVP) à ces marchands pour leur permettre de payer et de se faire payer de manière efficiente.

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