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Jocelyn Kwok (l’Ahrim): «Il faut prôner l’ouverture accrue de l’espace aérien»

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Jocelyn Kwok (l’Ahrim): «Il faut prôner l’ouverture accrue de l’espace aérien» | business-magazine.mu

La diversification des marchés touristiques dépendra dans une grande mesure de la libéralisation de notre accès aérien. Quelles seront les implications et l’impact d’une telle politique ? Le Chief Executive Officer de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice répond à nos questions.

BUSINESSMAG. La question de politique d’accès aérien est au centre du développement du tourisme. Comment analysez-vous les derniers développements intervenus dans le domaine de l’aérien ?

La politique actuelle des autorités sur la question d’accès aérien tend vers l’augmentation de la connectivité et un accroissement de partenariats aériens, ou aéroportuaires, avec Air Mauritius de manière prioritaire. C’est une politique d’ouverture qui nous semble fort pertinente et qui, en tout cas, nous change de la situation antérieure à 2011-2012. L’enchaînement de développements positifs à différents niveaux est très significatif. Les deux vols quotidiens d’Emirates sur les A380, l’arrivée programmée de nouveaux avions d’Air Mauritius à partir de septembre 2017, la venue de Turkish Airlines depuis décembre 2015, l’engouement de toutes les lignes aériennes pour la destination Maurice, particulièrement au deuxième semestre de 2015, ainsi que le nouveau projet de corridor avec l’aéroport de Changi sont des exemples probants de notre politique de voir plus grand et plus large.

Le tourisme en bénéficie pleinement et la panoplie de nouveaux marchés atteints en 2015 nous confirme l’attrait et la compétitivité de la destination Maurice, condition de base pour attirer l’aérien. Il nous faut donc poursuivre sur cette voie ; continuer à maintenir le produit et sa gamme et concomitamment prôner l’ouverture accrue de l’espace aérien, avec une attention spéciale pour Air Mauritius dans tout ce que nous entreprenons.

La libéralisation et une plus grande ouverture sont certainement un facteur déterminant si nous recherchons de la croissance et une diversification de nos marchés. Mais la libéralisation totale de l’accès aérien n’a pas encore été étudiée. Nous n’avons donc pas de réponses éclairées sur cette question.

En 2015, l’aérien a globalement bien fait sur Maurice. La destination promettait beaucoup. Les lignes aériennes se sont investies dans des dessertes, nouvelles et supplémentaires, sur Maurice. L’accroissement de sièges d’avion disponibles a été de l’ordre de 7,4 %, celui des passagers de 9,3 % et enfin celui des touristes de 10,9 %.

Vous l’aurez compris, le taux de remplissage des avions s’est donc fortement amélioré. Il est en fait passé de 75,8 % à 77 % sur une seule année. C’est significatif et c’est bon signe. Par contre, à l’intérieur de l’aérien, il y a des différences très marquées. Ainsi, China Southern ne vole plus sur Maurice depuis décembre et nous n’avons pas d’indication quant à une possible reprise de cette desserte. Or, le marché chinois a très bien fait une nouvelle fois en 2015, passant à près de 90 000 touristes, soit une croissance de 41,4 %.

Ce genre de développement, où un nouvel arrivant s’arrête, nous est forcément néfaste. De même, la part du trafic passant par les hubs semble devenir de plus en plus importante. Emirates avec sa longue présence ici possède un palmarès éloquent avec des touristes pour Maurice en provenance de plus de 200 aéroports. 11 % de nos touristes chinois sont arrivés en passant par Dubaï. Ce même Dubaï a vu transiter 21 % de nos touristes indiens, mais aussi 42 %, 37 % et 11 % de nos touristes allemands, anglais et français respectivement.

BUSINESSMAG. Comment mesurez-vous l’impact de l’ouverture de l’espace aérien sur l’économie mauricienne ?

L’augmentation de la connectivité – aérienne, aéroportuaire ou numérique – est une condition essentielle pour amener la croissance et le développement économique et social. Cela est valable non seulement pour Maurice, mais aussi pour toute économie dans le monde qui se veut ambitieuse.

Dans le cas de l’industrie touristique mauricienne, les chiffres sont éloquents et les exemples nombreux. En 2015, la croissance des arrivées touchait les 11 %. Les revenus touristiques ne sont pas encore publiés, mais j’ose espérer que nous avons dépassé la barre des Rs 50 milliards. La croissance du secteur va donc être supérieure à la moyenne nationale. Le nombre de rénovations d’hôtels est en hausse tout comme l’investissement. Il y a eu l’arrivée de plusieurs grandes marques hôtelières internationales qui confirment l’attrait de Maurice. L’emploi direct est aussi en hausse. Il est d’environ 44 000, selon nos estimations. Bien entendu, l’ensemble des opérateurs du secteur a bénéficié de cette croissance exceptionnelle de 2015.

Vous pouvez aussi y rajouter tous les effets induits sur le reste de l’économie, que ce soit en termes d’emplois indirects ou de consommation courante, dans le commerce de détail comme dans la restauration hors circuits touristiques. Sur l’emploi par exemple, si nous retenons un rapport très conservateur de 1,5 emploi indirect pour un emploi direct, nous parvenons au chiffre de 110 000 emplois directs et indirects.

Avec le tourisme, nous touchons à environ 12,4 millions de nuitées de plus passées sur notre sol. En d’autres termes, le tourisme a un effet de consommation supplémentaire de l’ordre de 3 % sur notre demande de marché : une manne pour tous les agents économiques, quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent. Le touriste moyen, en vacances, consomme un peu plus que la moyenne d’un Mauricien.

BUSINESSMAG. L’ouverture de l’espace aérien n’est pas sans conséquence sur Air Mauritius. Peut-on adopter une politique de libéralisation de l’espace aérien qui concilie les intérêts de la compagnie aérienne nationale et les impératifs de croissance ?

La compagnie nationale souffre effectivement avec l’arrivée de nouveaux concurrents. Or, ces mêmes concurrents contribuent à faire grossir le gâteau. Et puis, il y a des questions de positionnement, d’avantage comparatif et de partenariat possible sur plusieurs formules de partage risque / revenu. En même temps, la logique veut que nous ayons de la concurrence pour maintenir la compétitivité des prix de nos billets d’avion.

Si nous y rajoutons l’éloignement de Maurice et son attrait relatif pour l’aérien au niveau global, vous comprendrez que nous aurons toujours, et systématiquement, cette question d’équilibrer les besoins de croissance du pays et les intérêts d’Air Mauritius. À cette question, il faudrait nourrir des réponses avec des ordres de grandeur bien mesurés et en toute rigueur. Mais pour revenir à la question, il est de notre devoir de renforcer Air Mauritius. Cela n’est pas incompatible avec une ouverture accrue de notre ciel.

BUSINESSMAG. Selon la Commission de l’océan Indien, les îles de la région sont mal connectées entre elles et avec le reste du monde. Quelle serait la solution ?

Je comprends que des études déjà faites permettraient de se faire une idée de la viabilité de certaines initiatives : compagnies interrégionales, compagnies low cost, coopération Iles Vanille, etc. Je suis plus que certain que ces études posent invariablement comme hypothèse le dynamisme de chacune de nos économies. Donc, nous pouvons nous en sortir. Si l’économie va, l’aérien aussi va aller. Pour preuve, la desserte Maurice-Réunion et inversement se porte bien. Les vols vers Madagascar suivent d’abord la santé économique de ce pays. La population des Seychelles est de taille comparativement modeste. La réponse se trouve dans les convictions politiques et économiques de la région et de nos îles respectives. S’il y a une ou deux îles leaders sur cette initiative, nous irons plus vite.