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Nicolas Maigrot (Managing Director, Terra) : «Transformer les régions de Beau Plan et de Pamplemousses en Smart city»

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Nicolas Maigrot (Managing Director

Tel est l’objectif du groupe Terra, dont Nicolas Maigrot a pris la direction début 2016. L’ancien patron d’IBL estime que l’économie mauricienne est résiliente et que les fondamentaux sont bons. Il prône, toutefois, une plus grande ouverture.

BUSINESSMAG. Vous êtes à la tête de Terra depuis janvier. Comment s’est passée la transition ?

Elle s’est très bien passée. Terra est un groupe solide avec des bases et un savoir-faire reconnus internationalement dans différents domaines. Cyril Mayer, qui a occupé ce poste pendant plus de 20 ans, m’a énormément aidé à comprendre certains de ces domaines qui sont nouveaux pour moi, comme le sucre. J’ai été très bien accueilli par les équipes. On m’a mis à l’aise dès le premier jour. Cela m’a permis de me mettre au travail tout de suite.

BUSINESSMAG. Contrairement à IBL, Terra est un groupe très engagé dans le secteur sucrier. Cela a-t-il demandé une certaine réadaptation ?

L’apprentissage du secteur sucrier a pris un peu de temps car c’est une industrie complexe avec des dimensions historiques et politiques importantes, qui demandent à être comprises. C’est un secteur unique où tous les acteurs sont très proches. D’où l’importance d’avoir une bonne communication entre eux. Bien comprendre les rouages de cette industrie était essentiel.

BUSINESSMAG. Vous avez certainement dû faire un état des lieux de la société à votre arrivée. Qu’en est-il ressorti ?

Comme tout nouveau dirigeant d’un groupe, il m’a fallu du temps pour bien comprendre la force, les valeurs et les piliers sur lesquels Terra repose aujourd’hui. En outre, à travers les sociétés gérées par Terra, il y a surtout des hommes et des femmes. Ce sont eux qui ont fait de Terra ce qu’il est aujourd’hui. Ma priorité était d’identifier notre know-how et aussi de comprendre nos atouts pour notre développement futur.

Les trois piliers existants sont le sucre, l’énergie et la représentation de marques, où nous avons un savoir-faire indéniable. Il est important de bâtir sur ce savoir-faire pour pouvoir progresser. En ce sens, j’ai mis beaucoup l’accent sur le développement des ressources humaines en termes de formation et de recrutements, afin de renforcer des équipes pour qu’elles soient motivées et concentrées sur leurs activités.

Il était aussi évident que Terra possède un patrimoine foncier extrêmement bien situé. Nous sommes à dix minutes de Port-Louis tout en étant à dix minutes de Grand-Baie. Nous touchons le village de Pamplemousses et deux autoroutes convergent vers Beau Plan, sans oublier les infrastructures que le Nord possède, comme l’hôpital SSRN ou encore le Jardin de Pamplemousses. Il était clair qu’il fallait accélérer le développement d’un nouveau pilier dans ce secteur. Nous avons mis en place une équipe de professionnels qui sera appelée à développer et gérer nos différents projets fonciers, notamment notre Smart city, qui prendra avantage des infrastructures existantes de la région, tout en intégrant les villages de Pamplemousses et de Bois Rouge, ainsi que leurs habitants.

BUSINESSMAG. Quels sont les principaux moteurs de croissance du groupe Terra aujourd’hui ?

Les quatre moteurs de croissance sont clairs : le sucre, les marques – à travers Grays –, l’énergie et le foncier.

BUSINESSMAG. Quel est l’impact de la volatilité du prix du sucre sur la performance de la compagnie ?

Chez Terra, presque 85 % de notre production est constituée de sucres spéciaux, qui nous permettent de réaliser une marge intéressante grâce à une plus forte valeur ajoutée. Aujourd’hui, Terra est reconnu à travers le monde pour ses sucres spéciaux et ce savoir-faire important nous permet de ne pas aller directement sur un marché de masse.

Cela étant dit, une différence de Rs 1 000 par tonne de sucre, en plus ou en moins, a une incidence de Rs 50 M sur les résultats du groupe. C’est dire l’importance du prix du sucre pour Terra.

En 2014 et 2015, le prix du sucre était à un niveau relativement bas sur le marché mondial, notamment à cause d’un surplus dans la production. Les choses vont mieux cette année puisque le stock mondial a diminué, car la consommation est plus importante que la production, ce qui devrait faire augmenter les prix.

Paradoxalement, les betteraviers européens ne seront plus assujettis aux quotas en Europe et pourront écouler leurs surplus chez eux. Cela aura un impact sur le marché européen qui deviendra plus compétitif. Il nous faudra continuer à être plus productifs, mais à terme, il faudra une libéralisation du secteur sucrier local, afin de le dégager de ses contraintes historiques. Celles-ci avaient un sens lorsque le pays pratiquait une monoculture intensive de laquelle dépendait notre économie. Ce n’est plus le cas. Le secteur sucrier devrait être traité comme tous les autres secteurs d’activités à Maurice.

BUSINESSMAG. Comment se présente la situation financière pour l’année 2016 ?

Les profits du groupe seront satisfaisants. Nous pensons qu’avec un prix du sucre plus intéressant et un meilleur taux d’extraction, notre cluster sucre produira des résultats en progression. En outre, notre activité en Côte d’Ivoire continue à porter ses fruits et notre activité commerciale avec Grays va très bien.

S’agissant de l’énergie, nous sommes arrivés à notre capacité maximale. Nous travaillons à voir comment utiliser moins d’énergie au niveau de notre usine sucrière. Nous avons également beaucoup avancé sur un projet de production d’énergie à partir de la paille de canne. Nous attendons désormais que le gouvernement mette en place un cadre légal régissant l’utilisation de cette énergie verte. L’année s’annonce bien pour nos activités, même si certains de nos associés devraient connaître une année plus difficile, ce qui pourrait mitiger notre performance financière pour cette année.

BUSINESSMAG. Vous êtes également en Côte d’Ivoire depuis 1997. Quelle est la contribution de vos investissements dans ce pays à vos opérations ?

L’investissement en Côte d’Ivoire ne s’est pas fait sans douleur, car le pays a traversé une grave guerre civile. Cela dit, la compagnie a continué à opérer et à fournir le marché local. Aujourd’hui, nous avons deux sucreries en Côte d’Ivoire et nous contribuons à assurer l’autosuffisance du pays en sucre. Les activités marchent bien. Nous concentrons désormais nos investissements sur l’amélioration de la productivité ; le savoir-faire acquis à Maurice nous aide à faire cela.

BUSINESSMAG. Comme votre prédécesseur, pensez-vous que l’avenir se trouve en Afrique ?

L’Afrique a un potentiel énorme. Les problèmes conjoncturels existeront toujours, mais le potentiel est bien là. Par exemple, la majorité des terres arables qui n’ont pas été développées se trouvent désormais en Afrique. En tant que groupe d’investissement diversifié, engagé dans les secteurs agricole et cannier, nous estimons qu’il est indispensable de considérer l’Afrique dans notre stratégie de développement.

Par ailleurs, étant nous-mêmes un pays africain, il est important de nous positionner en Afrique sur le moyen et le long terme.

BUSINESSMAG. Que pensez-vous de la situation économique ?

L’économie mauricienne, de par sa diversité, n’a jamais été aussi résiliente. Les fondamentaux sont bons, mais il faut maintenant passer à la vitesse supérieure afin de se positionner en tant que pont entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique.

Le dernier Budget a été intéressant car il a jeté les bases de ce qui pourrait devenir une île Maurice prospère dans les années à venir. Les mesures sur l’e-government et la facilitation des affaires, entre autres, sont extrêmement positives car elles peuvent aider à accélérer le développement. Nous avons aussi noté l’ouverture de Maurice pour accueillir plus de professionnels et favoriser le développement de nouveaux savoir-faire chez nous. Les nouvelles règles assouplies pour permettre la mise en place des Smart cities sont aussi salutaires.

Le développement des Smart cities est une très bonne chose, mais il est essentiel que les investissements étrangers reviennent à Maurice. Il est primordial que le pays s’ouvre aux étrangers et à leur savoir-faire pour faire grandir Maurice. L’appel à la diaspora mauricienne est une excellente initiative, mais cela ne suffira pas si nous voulons nous donner les moyens de réussir. Il faut s’inspirer de Singapour ou de Dubaï pour inciter des professionnels de haut niveau, ainsi que des retraités à s’installer sur notre sol. Notre réussite dépendra, entre autres, de notre capacité à attirer des étrangers.

BUSINESSMAG. Sommes-nous sur la bonne voie pour relancer l’économie ?

Si toutes les mesures annoncées sont mises en œuvre, il ne fait aucun doute que l’économie redémarrera. Il nous faut prôner l’ouverture, tout en gagnant davantage en efficience.

BUSINESSMAG. Nous ne vous apprenons rien en vous disant que l’industrie sucrière est très politisée à Maurice. Avez-vous considéré ce facteur avant de prendre vos nouvelles responsabilités ?

Au-delà du côté politique, les métiers de l’industrie sucrière sont très nobles et sont en constante mutation. Chez Terra, nous avons souvent été les pionniers en termes d’innovation, par exemple en nous lançant dans la production de sucres spéciaux ou en modernisant nos méthodes de production.

À travers Terragen, nous avons aussi opéré la première centrale thermique de nouvelle génération à Maurice. Le secteur sucrier avance dans la bonne direction. Avoir enfin un prix adéquat pour la bagasse est un pas dans la bonne direction, mais cela en appelle d’autres. Je suis confiant que le bon sens prévaudra et qu’on prendra des décisions courageuses afin de donner plus de liberté à un secteur qui n’est plus protégé.

BUSINESSMAG. Hormis le sucre, quels sont les principaux projets d’investissement du groupe ?

Nous avons plusieurs projets importants sur lesquels nous travaillons actuellement, et ce dans nos différents clusters. Grays va investir très bientôt dans un nouvel entrepôt moderne, ainsi que dans un projet de vieillissement du rhum, afin de renforcer le niveau qualitatif de l’appellation «Maurice». Au niveau de l’usine (Terra Milling), nous continuons à moderniser nos équipements en vue d’améliorer notre consommation énergétique.

Notre plus gros projet d’investissement demeure sans aucun doute la transformation des régions de Beau Plan et de Pamplemousses en Smart city. Ce projet a déjà débuté puisque l’African Leadership Group, avec qui nous collaborons, est déjà en activité au Beau Plan Business Park. Nous prévoyons un investissement de Rs 800 millions pour la construction d’un campus universitaire avec toutes les facilités modernes. C’est un début car nous avons beaucoup d’autres projets à l’intérieur de la Smart city.

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