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Paul Jones: « La Chine sauve la mise à l’industrie touristique »

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Paul Jones: « La Chine sauve la mise à  l’industrie touristique » | business-magazine.mu

Le CEO de Lux* décortique la performance du tourisme mauricien. Si la crise a pris l’industrie de court, il n’empêche que nous devons faire notre mea culpa car nous avons trop tardé à réagir, insiste-t-il. Entre-temps, nous avons été devancés par les Seychelles, les Maldives et le Sri Lanka. Il faut désormais agir sur deux principaux fronts : l’accès aérien et la promotion de la destination.

BUSINESSMAG. Après des travaux de rénovation qui se sont échelonnés sur trois ans, Lux* Belle Mare a rouvert ses portes le 1er septembre. Pourquoi cet exercice était-il nécessaire ?

L’ennemi numéro un de tous les hôtels est l’obsolescence. Ce qui était très bien il y a dix ou vingt ans n’est plus valable aujourd’hui. Les goûts et les attentes des clients changent par rapport aux conditions économiques.

Lux* Belle Mare a été construit en 1999. Après quinze ans, l’établissement avait besoin d’un coup de neuf. La rénovation a été réalisée étape par étape depuis trois ans. Nous avons débuté avec quelques chambres et suites. On y a ajouté le Café Lux* et le restaurant Beach Rouge. Notre vision est d’élever Lux* Belle Mare à une position de luxe 5 étoiles pour attirer une clientèle qui recherche un service de ce niveau à un prix raisonnable. Nous visons les clients européens et asiatiques. L’hôtel est très populaire, surtout auprès des touristes chinois. Nous visons également les clients ja-ponais, russes et scandinaves, ainsi que la clientèle locale.

La stratégie était aussi de proposer ce que les autres hôtels à Maurice n’offrent pas. Outre les attractions et les expériences différentes qui nous démarquent, il n’y a pas eu de vrai changement dans la conception des hôtels au fil des années non seulement à Maurice, mais aussi dans toutes les destinations touristiques. C’est important surtout car on est en concurrence avec les destinations de l’océan Indien comme le Sri Lanka, les Maldives et les Seychelles. Maurice, qui auparavant était une destination phare, a pris un peu de recul avec l’arrivée des Resort hotels dans ces destinations. Il faut se démarquer comme on l’a fait il y a des années en introduisant les Resort hotels. L’innovation est très importante dans ce secteur.

BUSINESSMAG. Lux* a poursuivi sa stratégie d’internationalisation avec l’ouverture du Lux* Lijiang dans la province de Yunnan en Chine cette semaine. Quel potentiel le marché chinois représente-t-il pour Maurice ?       

Lors de mes voyages, j’ai noté que les touristes chinois étaient présents un peu partout. Ils sont très mobiles. Il y a une augmentation notable du nombre de touristes chinois aux Maldives grâce aux vols directs avec la Chine. Je me suis d’abord demandé pourquoi ne pas attirer plus de touristes chinois à  Maurice. Or, il n’y avait pas encore de vols directs entre Maurice et la Chine. Cela a pris du temps ! Ils étaient nombreux à ne pas croire dans le potentiel de ce marché. Certains consultants ont même déconseillé à Air Mauritius d’introduire des vols directs sur la Chine. Maintenant que c’est fait, nous voyons tous le résultat.C’est le seul marché touristique qui augmente et qui nous sauve.

Du côté de Lux*, nous avons voulu que notre marque soit présente dans ce pays qui nous apporte une bonne croissance touristique aux Maldives et qui commence à alimenter le marché mauricien. D’où notre implantation en Chine. Il faut aussi savoir que le parc hôtelier chinois comporte beaucoup de chaînes américaines, françaises et anglaises. Alors pourquoi pas une marque mauricienne !

BUSINESSMAG. Quel est le modèle d’investissement que vous avez opté pour Lux* Lijiang ?

Lux* n’est que le gestionnaire de l’hôtel, dont le propriétaire est Xianzhong He. Notre équipe participe pleinement à apporter une touche à cet hôtel. Xianzhong He a comme vision de créer une série d’hôtels sur le Tea Horse Road. Il s’agit d’une route traversant Yunnan, Sichuan et le Tibet et qui était auparavant empruntée par les caravanes pour transporter le thé.

Le Lugu Lake, qui se trouve sur cette route, est magnifique, mais elle est difficile d’accès par voie terrestre. Cependant, avec la construction d’un aéroport d’ici à l’année prochaine, cet endroit deviendra une région touristique. Notre premier hôtel en Chine a ouvert ses portes, mardi. Avec le concours de Xianzhong HE, nous serons en mesure de mettre en route dix à quinze projets hôteliers pendant les cinq prochaines années en Chine.

BUSINESSMAG. Après la Chine quels sont les autres pays que vous ciblez dans le cadre de votre stratégie de diversification ?

Lux* Al Zorah, à Ajman aux Émirats arabes unis, est actuellement en construction. Cet hôtel de 202 chambres se trouve à quarante minutes de Dubaï. Il ouvrira ses portes en 2016. L’architecture est signée Jean-Michel Gathy. Je suis personnellement impliqué dans le design et d’un point de vue opérationnel. Nous avons presque terminé avec les plans. Cela a pris environ dix-huit mois. C’est l’une des zones rencontrant le plus de succès au monde avec un taux de remplissage du parc hôtelier supérieur à 80 % tout au long de l’année.

Lux* Al Zorah offrira des chambres presque ouvertes sur mer. Ce sera le premier hôtel de ce type aux Émirats arabes unis. Nous avons voulu innover dans cet aspect pour nous démarquer.

Notre prochaine étape est de poursuivre notre expansion et d’obtenir des contrats de gestion dans différents endroits. Bien entendu, nous visons l’océan Indien. Je souhaiterais que Lux* soit présent aux Seychelles, au Sri Lanka et en Inde. Et que nous consolidions notre présence au Moyen-Orient et en Asie. Nous avons par ailleurs déjà entamé des discussions relativement à plusieurs projets.

BUSINESSMAG. Le marché français a reculé de 4 % pour les sept premiers mois de l’année comparé à la même période l’année dernière. La situation est-elle inquiétante ?

Je suis inquiet car notre vision était assez étroite. Nous n’avons pas réagi assez rapidement avec la diversification, surtout en termes de vols. La France continue à avoir des difficultés économiques. On ne sait pas quand elle pourra se sortir de cette situation.

Les Français ont moins d’argent disponible pour leurs vacances. Maurice est toujours populaire, mais il y a d’autres destinations qui sont devenues plus compétitives. Ce qui fait que les Français réfléchissent à deux fois avant de faire leur choix. Il faut que Maurice travaille plus dur pour avoir cette part de marché qui est en train de stagner.

Il est évident que Maurice a toujours eu la cote parmi les Français car c’est un pays francophone. Ils se sentent en sécurité ici.Il y a une relation historique qui unit Maurice à la France. La proximité de La Réunion fait aussi que nous sommes considérés dans la famille francophone. Il faut venir de l’avant avec des campagnes publicitaires pour valoriser la destination. Dans le même temps, nous devons poursuivre la diversification. Nous ne pouvons ignorer le marché français. Il en est de même pour les marchés britannique et allemand qui sont pourvoyeurs de tou-ristes. Il nous faudra continuellement trouver des astuces pour faire en sorte que les touristes viennent à Maurice plutôt que se rendre au Sri Lanka, aux Seychelles et aux Caraïbes.

BUSINESSMAG. De 2009 à 2013, la croissance de l’industrie touristique mauricienne a été de 3 %. Dans le même temps, nos concurrents, à savoir les Seychelles, les Maldives et le Sri Lanka réalisaient des performances de 10 %, 14 % et 30 % respectivement. Qu’est-ce que ces destinations offrent de plus que Maurice ?

Rien du tout !C’est une question de sièges et de promotion de la destination. Maurice n’a rien à envier aux Maldives, aux Seychelles et au Sri Lanka. Nous sommes un peuple accueillant, unique et spécial. Le principal problème réside dans l’accès aérien. Nous avons un superbe aéroport pouvant accueillir un grand nombre de touristes, mais encore faut-il les attirer !

Je suis content qu’Emirates opérera un vol sur Maurice deux fois par jour à partir de décembre, et pourquoi pas trois vols à partir de l’année prochaine. Les connexions d’Emirates à travers Dubaï nous offrent une énorme possibilité. Les clients adorent Emirates. Je ne fais qu’un cons-tat à partir de faits sans chercher à faire de la publicité pour cette compagnie. Emirates nous a sauvés.Sans elle, on aurait coulé complètement. Hormis Emirates, les Maldives accueillent d’autres lignes aériennes. Ce pays a pris de l’avance sur Maurice : il accueille des lignes chinoises depuis quelques années déjà. Pendant que nous nous plaignions, alors qu’il y avait des solutions concrètes aux problèmes auxquels nous faisions face, les Maldives ont fait des merveilles en termes de campagnes promotionnelles. Nous avons été trop lents à réagir. Nous ne pouvons plus nous permettre ce luxe. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes laissés dépasser.

BUSINESSMAG. Ils sont nombreux à estimer que le prix du billet d’avion est trop élevé. Ce facteur nous a-t-il handicapés ?

Bien entendu ! Une nouvelle fois tout est une question d’offre et de demande. Le prix sera plus élevé s’il y a moins de vols et sera plus bas si les vols sont plus nombreux. Il est là le problème ! Il faut plus de vols et de sièges. Nous avons besoin d’une politique de prix permettant au prix du billet d’avion de baisser.

BUSINESSMAG. Maurice ambitionne de franchir le cap d’un million de touristes. Croyez-vous que ce sera pour cette année ?

Nous allons définitivement franchir le cap d’un million de touristes. Cela, grâce à l’apport d’Emirates, de la China Southern Airlines, d’Air Mauritius qui a augmenté la fréquence de ses vols vers la Chine et du marché chinois qui augmente de jour en jour. Mais il ne s’agit que d’un chiffre. Le plus important, c’est le nombre de sièges disponibles sur Maurice. Il faut aussi valoriser la destination pour attirer à la fois une clientèle de masse et haut de gamme.

Quand une clientèle haut de gamme vient dans une destination, la clientèle de masse finit par suivre. Cela a toujours été ainsi.Ce n’est pas une recette ma-gique, elle a été employée dans le passé. Par exemple, sir Gaëtan Duval s’est beaucoup investi pour le développement du tourisme à Maurice. À l’époque, nous avons pu attirer une clientèle haut de gamme. Le tourisme de masse a par la suite suivi.

En termes de promotion de la destination, il n’y a pas lieu de réinventer la roue : il faut juste savoir se différencier, proposer de la qualité et avoir des campagnes de promotion efficaces. Les Maldives et la Malaisie ont fait un effort fantastique en ce sens. La campagne de promotion malaisienne est restée gravée dans les mémoires pendant des années.

BUSINESSMAG. N’avons-nous pas su nous réinventer en vue d’attirer plus de touristes ?

Nous avons su nous réinventer, mais nous devons faire preuve de plus de dynamisme. Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Il nous faut faire un effort constant. Il s’agit de valoriser nos atouts. Le plus important, ce sont ces gens qui travaillent avec la clientèle. Il faut valoriser cet aspect et encourager une connexion entre le peuple et les touristes. L’harmonie qui règne à Maurice est formidable. Elle est très importante pour un pays où la vocation est touristique.

BUSINESSMAG. En matière de promotion de la destination, le slogan « Maurice, c’est un plaisir » correspond-il à ce que l’industrie touristique représente ?

Je ne le sais pas ! Il y a quelque chose d’unique à Maurice. On doit la trouver, s’en saisir, l’extérioriser et la promouvoir.

BUSINESSMAG. Pèche-t-on par manque d’agressivité sur le plan du marketing de la destination ?

Oui. Au niveau de Lux*, nous nous sommes engagés dans un processus de rebranding. L’industrie touristique a besoin d’un rebranding sérieux et complet. C’est ce qui mettra le tourisme en valeur. C’est à tra-vers cet exercice qu’il faudra voir comment valoriser la destination et attirer plus de touristes de différents pays et marchés. Les temps changent. Si le marché européen reste notre principale source de croissance, il faut dorénavant aussi prendre en considération le marché asia-tique. Il y a un gros travail à abattre.

BUSINESSMAG. L’hôtellerie est l’un des secteurs les plus endettés à Maurice. Comment en sommes-nous arrivés là et comment sortir de l’ornière ?

L’hôtellerie est endettée parce que les groupes ont réalisé leur expansion en contractant des dettes à une époque où tout allait bien. La croissance était facile et il n’y avait pas de problèmes économiques avant 2008. Les choses ont changé après le crash de 2008.Plusieurs facteurs sont à l’origine de l’endettement du secteur hôtelier. L’euro a perdu de sa valeur. Il y a eu aussi une baisse des marchés. Finalement, en tant que destination, nous avons été trop lents à réagir.

Chez Lux*, notre niveau de dette est acceptable. Nous avons repayé chaque année et continuons à faire baisser le montant de nos dettes. Nous sommes heureusement hors de danger car nous avons un cash-flow stable.

BUSINESSMAG. Comment s’annoncent vos résultats pour l’année financière 2013-14 ?

L’année financière 2013-14 a été très bonne.Nous sommes en croissance. Nous annoncerons à la fin de ce mois-ci les résultats. Je suis plus que satisfait avec nos résultats pour l’année financière 2013-14 et pour les prochains mois à venir.

La marque Lux* prend de l’ampleur de jour en jour. Je suis confiant que ce soit en l’avenir de notre groupe ou de Maurice en tant que destination touristique. Nous sommes fiers d’être une marque mauricienne. Je voudrais que nos établissements à Maurice fassent aussi bien que notre hôtel aux Maldives, qui représente 30 % de nos revenus.

BUSINESSMAG. En tant qu’opérateur touristique, quelles sont vos attentes pour le prochain Budget ?

Il faut d’abord accorder une attention particulière au nombre de sièges d’avion sur Maurice.Et ensuite augmenter le budget pour la promotion touristique.

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