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Prêt-à-porter: les marques locales s’essoufflent

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Prêt-à-porter: les marques locales s’essoufflent | business-magazine.mu

La situation se corse pour le prêt-à-porter mauricien. De nombreux opérateurs enregistrent une baisse de leurs recettes, notamment en raison de la forte concurrence des produits importés d’Asie et des sites marchands étrangers. Pour survivre, ils doivent se réinventer et s’engager dans une production à valeur ajoutée.

Les petites et moyennes entreprises (PME) engagées dans la production de prêt-à-porter contribuent à l’expansion économique, en créant de l’emploi et en payant les impôts et autres charges. N’empêche, elles ne sont pas récompensées à leur juste valeur. Les opérateurs sont d’ailleurs inquiets : ils enregistrent une baisse notable de leurs chiffres d’affaires. Dans le même temps, leurs coûts de production grimpent de manière significative car les matières premières reviennent à plus cher. Sans compter la hausse de la masse salariale, du transport et du fret. Autant de facteurs qui font que ces PME sont asphyxiées. Ce qui a donné lieu à la fermeture de plusieurs entreprises avec la destruction d’emplois à la clef.

Cette situation remonte à plusieurs années. Elle est causée par l’importation en masse de produits asiatiques, ainsi que le peu de soutien du gouvernement et d’organismes étatiques au secteur de l’habillement, selon les opérateurs. Ils sont unanimes à dire que l’État doit accorder davantage d’incitations aux fabricants de prêt-à-porter. Les derniers chiffres de l’institut des statistiques attestent de ce climat morose : la production de prêt-à-porter a enregistré une décroissance de 4,4 % en 2015.

La diversité des composantes du secteur du prêt-à-porter local en fait un marché complexe où certains opérateurs arrivent à tirer leur épingle du jeu en s’adaptant à l’évolution des tendances, alors que d’autres sont fortement affectés par la crise économique et les produits asiatiques qui déferlent à Maurice.

Selon la Chambre de Commerce et d’Industrie, en 2014, le pays a importé pour une valeur de Rs 12,9 milliards de produits textiles, ainsi que des vêtements et accessoires en bonneterie et autres de Rs 1,7 milliard. «Vu que Maurice est un petit marché, il faut constamment évoluer. Sinon, les consommateurs se lassent. Il faut également investir dans la recherche ou encore le marketing. Nous sommes obligés de nous tenir informés de tout ce qui se passe dans le secteur», font ressortir Philippe Lamusse et Françoise Antelme, directeurs de la marque Oneye, qui existe depuis 1988.

Opérer sans filet de protection

Il faut savoir que depuis l’abolition de l’accord multifibre en 2005, le prêt-à-porter mauricien opère sans filet de protection. Nos produits doivent ainsi concurrencer ceux d’Asie qui sont à meilleur marché. L’exportation demeure malgré tout une option rentable. «À travers l’exportation, les entreprises assurent des rentrées de devises. C’est aussi un apport considérable en revenus», soulignent Prayag Vashistsing et Jade Lai, créateurs de la marque Paheli.

Toutefois, en s’engageant dans l’exportation, les fabricants locaux se doivent d’acquérir de nouvelles compétences et de développer de la capacité pour concurrencer les marques internationales, de maîtriser les marchés et de comprendre les contraintes auxquelles elles sont confrontées, de respecter les délais de livraison et de monter en gamme en proposant des produits de qualité.

Pour toutes ces raisons, certains opérateurs préfèrent se concentrer sur le marché domestique. C’est le cas de la marque IV Play. «Nous avons déjà essayé mais c’était compliqué car nous ne sommes pas verticalement intégrés. Ce n’est pas chose aisée de gérer les designs, la production et parallèlement l’exportation. La logistique aussi est compliquée. Nous sommes davantage pour le fait d’exporter notre savoir-faire plutôt que nos produits», souligne le créateur de IV Play, Mario Guillot. Et de faire ressortir : «Auparavant, IV Play avait des magasins à Paris, Londres, Melbourne, en Afrique du Sud, Suisse et à La Réunion. Mais il est très souvent difficile de tout gérer en même temps. Sans compter qu’il faut trouver un bon emplacement, bien fréquenté et cela coûte très cher. Un magasin peut aussi être rempli de clients et perdre de l’argent car parfois les ventes ne suffisent pas à couvrir les frais d’emplacement et autres coûts. À cause de tous ces facteurs, nous avons dû fermer ces magasins. Cependant, nous recevons souvent des mails de clients de l’étranger, de l’Australie par exemple, qui disent qu’ils ne trouvent plus nos magasins, qu’ils veulent retrouver cette identité».

La hausse des coûts opérationnels est une autre contrainte affectant la rentabilité des fabricants. Nombre d’entre eux préfèrent ne pas augmenter leurs prix de vente. Sinon, leurs ventes risquent de chuter. Ce qui les entraînerait dans un cycle économique amorphe.

Autre problématique : le secteur du prêt-à-porter dispose d’une main-d’œuvre vieillissante avec un nombre important d’employés ayant plus de 40 ans. Parallèlement, les jeunes rechignent à s’engager dans cette filière. «C’est l’une des raisons pour lesquelles beaucoup d’entre nous devons faire appel à la main-d’œuvre étrangère parce qu’étant à meilleur marché, elle contribue à faire baisser notre coût de production. En outre, avec les travailleurs étrangers, il n’y a pas d’absentéisme», observe Giovanni Paul,Managing Director de l’enseigne Liquid. Or, un autre problème se profile : les pays en développement d’où viennent les travailleurs étrangers enregistrent une croissance soutenue. On assiste ainsi à une amélioration du pouvoir d’achat dans ces pays. D’où la crainte des opérateurs de ne plus pouvoir embaucher des travailleurs étrangers.

Par ailleurs, de nombreux opérateurs tirent la sonnette d’alarme concernant l’ampleur que prend l’achat en ligne à Maurice, un phénomène qui s’accroît d’année en année et qui suit une tendance mondiale. Si pour certaines entreprises locales, la vente en ligne représente une opportunité à saisir pour les marques locales, pour d’autres, il s’agit d’une concurrence additionnelle. «Ce n’est pas le produit local qui marche, mais plutôt l’achat en ligne», opine Giovanni Paul. En quête d’un nouveau souffle, le prêt-à-porter mauricien doit gagner coûte que coûte la bataille de l’innovation. Il y va de sa compétitivité, voire de sa survie.