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RT Knits – Tisser l’avenir dans le textile

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RT Knits - Tisser l’avenir dans le textile | business-magazine.mu

Le secteur manufacturier doit se repenser si elle veut rester viable. Fondée en 2005, RT Knits, fruit d’une fusion entre Tang Knitwear et Richfield Textiles, a su revoir son modèle opérationnel en faisant du commerce électronique l’un de ses pôles de croissance. Ses codirecteurs, Kendall Tang et Jean Li Wan Po, sont convaincus que le «Manutailing» est la voie à suivre pour l’industrie.

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BUSINESS MAGAZINE. Le secteur manufacturier a joué un rôle prépondérant dans l’économie mauricienne dans les années 70. Comment se porte-t-il aujourd’hui ? 

Jean Li Wan Po :Le secteur manufacturier tourné vers l’export date de 1970. Souvent synonyme d’emploi à grande échelle, il s’est imposé comme le deuxième pilier de l’économie. Il a aussi contribué à la situation de plein-emploi vers la fin des années 80. Mais comme tout secteur, tout modèle commercial et produit, il est sujet à un cycle en quatre étapes : l’introduction, la croissance, la maturité et le déclin. 

Le secteur est arrivé à maturité dans les années 2000. Malheureusement, depuis quelque temps, il est en déclin. Les chiffres des trois dernières années montrent une baisse de plus de 10 %. Les autorités sont aujourd’hui conscientes de son importance. C’est la raison pour laquelle elles mettent en place des initiatives comme le Speed to market scheme pour donner les moyens au secteur de contribuer jusqu’à 25 % du Pib en 2030. L’on constate un regain de dynamisme. Ainsi, les tendances pour le premier trimestre pointent vers une croissance de 6 %.


BUSINESS MAGAZINE. Au fil des années, l’on a assisté à un effritement du tissu textile à Maurice, avec des fermetures d’usines et des licenciements en masse. Qu’est-ce qui explique cette perte de vitesse ?

Jean Li Wan Po :  Dans les années 70-80, Maurice jouissait d’un niveau de salaire bien plus bas que les pays compétiteurs. Le pays était alors compétitif. Au fil des années, nos niveaux de salaire ont énormément grimpé. Aujourd’hui, nous nous retrouvons avec des concurrents qui sont cinq fois moins chers que nous. Nous avons pu compenser cela grâce à une amélioration de la productivité et la montée en gamme de nos produits. Ce faisant, nous avons pu éviter une compétition sur les mêmes produits que les pays en voie de développement. C’est cette combinaison qui nous a permis de résister jusqu’ici. Il est évident que ceux qui n’ont pas su faire cette transition se retrouvent en pleine concurrence avec des pays à moindre coût. Nous sommes conscients que le modèle d’affaires en B-to-B a ses limites. En étant uniquement dans la production, nous n’ajoutons pas assez de valeur pour assurer une viabilité économique. 


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BUSINESS MAGAZINE. Cette transition permet-elle à RT Knits de jouir d’une bonne santé financière ?

Jean Li Wan Po : Depuis 2005, RT Knits a toujours eu une croissance positive, hormis l’année de la crise financière, en 2008. Aujourd’hui, la compagnie brasse un chiffre d’affaires de Rs 1,5 milliard et compte plus de 2 000 collaborateurs. Cette progression nous a permis de pouvoir rester dans un cercle vertueux et de pouvoir continuellement investir et innover. RT Knits a toujours essayé d’adapter son modèle d’affaires au contexte local et compte à titre d’exemple une équipe de 200 diplômés. Ces derniers travaillent notamment sur des projets d’ingénierie et de design. Nous allons même jusqu’à développer nos propres logiciels en interne. C’est une stratégie qui nous aide à gagner en efficience. Nous sommes sereins quant à l’avenir de l’entreprise. Pour preuve, nous venons d’investir dans une nouvelle teinturerie au coût de Rs 350 millions de nos propres fonds.


BUSINESS MAGAZINE. Qu’estce qui est à la source de cette sérénité par rapport à l’avenir de votre entreprise ?

Kendall Tang : Nous pensons que la solution est d’étendre nos activités en touchant toutes les étapes inhérentes à la chaîne logistique. Ainsi, au-delà du modèle Business-to-business, nous bougeons également vers la filière Business-to-consumer. Nous pensons qu’il y a bien plus de valeur à capter dans les activités de distribution. 

Comme producteur, nous ajoutons de la valeur à travers la production. Alors que comme distributeur et propriétaire de marque, ce sont nos clients – les revendeurs – qui ajoutent de la valeur à travers le branding, le marketing, le design, la logistique et le service client. Sans même transformer le produit, ils ajoutent cinq fois plus de valeur que nous. Alors, pourquoi devrions-nous rester au Bto-B? Aujourd’hui, avec le niveau d’éducation des Mauriciens, nous disposons de compétences pour faire les activités qui sont jusqu’à maintenant la spécialité des pays développés. Nous pouvons donc nous attaquer au B-to-C. 


BUSINESS MAGAZINE. Parleznous de ce modèle d’affaires que vous avez développé et qui, paraît-il, va révolutionner le textile ?

Kendall Tang :  En combinant le rôle du manufacturier et du retailer (distributeur), nous devenons des «Manutailers». Nous capturons la valeur qui appartenait à nos clients distributeurs. Nous avons identifié l’opportunité que l’e-commerce pourrait apporter à nos activités. Nous le percevons comme une connectivité qui permet de nous relier directement au consommateur dans les pays développés. Ce canal de distribution présente aussi le bénéfice de permettre de créer du travail à Maurice et de garder toute la valeur ajoutée ici. Ces activités à très forte valeur rendront le secteur bien plus résilient face à l’augmentation des coûts et des salaires. Ce modèle peut jeter les bases pour créer un sixième pilier économique. Il y a bien sûr des défis que nous avons identifiés pour entrer dans le Manutailing à travers l’e-commerce. 

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BUSINESS MAGAZINE. Quels sont ces défis ?

Kendall Tang : L’e-commerce à l’export étant pratiquement inexistant à Maurice, il y a effectivement beaucoup de barrières. Nos compétiteurs sont principalement des entreprises basées dans les pays développés, proches des consommateurs. Ils ont donc l’avantage de la proximité avec des coûts et des délais de livraison inférieurs car leur écosystème logistique est parfaitement rodé. Étant loin de nos clients, et ne bénéficiant pas d’économies d’échelle, nos coûts de livraison sont bien plus élevés qu’eux. Donc, nous ne pouvons nous lancer dans un e-commerce de détail.

RT Knits a identifié les vêtements d’équipe comme un moyen de compenser le coût élevé du fret. En effet, notre panier moyen de commande sera bien plus élevé. Le coût du fret représentera alors un pourcentage raisonnable de la commande. Ensuite, il y avait le problème des retours. 

Le taux de retour peut dépasser les 40 % sur les ventes en ligne de produits textiles. Si on devait absorber ce coût, notre business ne serait pas viable. Nous avons donc choisi de produire des vêtements personnalisés qui nous protègent des retours sans raison valable. Cela permet de réduire drastiquement le taux de retour et de rendre ce projet viable. En même temps, le client comprend qu’une production sur mesure peut prendre un certain délai et, du coup, nous évitons la compétition sur des produits standards prêts à livrer avec des délais très courts.

Jean Li Wan Po :   La dernière contrainte était de trouver un marché qui ne nous mettrait pas en compétition avec nos clients existants en B-to-B. Car nous ne pouvons pas changer de modèle d’affaires du jour au lendemain. Le marché du vêtement d’équipe est complètement différent des marchés de mode de nos clients traditionnels. Aujourd’hui, même nos clients en B-to-B peuvent devenir nos clients en B-to-C. En effet, ils pourront commander chez Teamonite des tee-shirts pour des activités de team building, par exemple. Teamonite est vraiment un projet conçu de toutes pièces avec les contraintes de l’écosystème inexistant aujourd’hui. Malheureusement, beaucoup d’autres idées ont dû être mises de côté pour l’instant. Mais nous avons l’espoir que l’écosystème se développera et les barrières tomberont.


BUSINESS MAGAZINE. Pouvez-vous nous en dire plus sur Teamonite?

Kendall Tang : Teamonite est un projet concret d’e-commerce. Il va nous permettre de vendre nos produits directement au consommateur. Il est déjà disponible à Maurice, mais notre but final est d’exporter nos produits. Le site sera lancé en France à la fin de l’année. Nous aurions pu partager le business model plus tôt avec la communauté économique à Maurice, mais nous aurions manqué de crédibilité. Nous avons voulu venir de l’avant avec une preuve que cela pouvait être fait. En lançant le site à Maurice, cela nous permet de faire profiter de ce service aux Mauriciens, mais aussi de nous préparer pour le lancement en France.


BUSINESS MAGAZINE. Vous parlez d’un sixième pilier. N’est-ce pas trop ambitieux, quand on sait que le pays peine à développer de nouvelles industries ?

Kendall Tang :  En allant vers ce sixième pilier, le Manutailing, nous n’avons pas besoin de réinventer la roue. Les secteurs agricole et manufacturier sont certes en déclin mais restent des piliers importants pour l’économie. Ces deux piliers possèdent déjà énormément de ressources. Nous allons les utiliser et les revaloriser en y ajoutant du marketing, du branding, du service client et en optimisant sur la logistique. 

En ajoutant ces activités, nous allons décupler la valeur à l’export tout en utilisant les mêmes ressources de production. De plus, les métiers créés seront compatibles avec les aspirations des jeunes. Ces métiers seront équivalents à ceux existants dans les pays développés, donc compatibles avec un pays à haut revenu. La cerise sur le gâteau est que ce modèle est également inclusif, créant des emplois pour tous. Nous pensons que ce pilier, bien développé, a le potentiel de vraiment augmenter la part du secteur manufacturier et agricole dans le Pib. Mais attention : ce pilier ne pourra exister que si nous avons des produits fabriqués à Maurice à exporter. Donc, il faut agir vite avant qu’il ne soit trop tard.


BUSINESS MAGAZINE. Estce un modèle qui a été testé ailleurs ?

Kendall Tang :  Parmi les entreprises manufacturières qui existent en Europe, rares sont celles qui sont uniquement des producteurs. Elles sont au minimum des producteurs et détentrices de leurs propres marques et très souvent détentrices de toute la chaîne logistique. Le projet du site Teamonite s’est un peu inspiré de cela. L’entreprise contrôlera, pour la première fois, l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement de Teamonite : la production, le marketing, la commercialisation et la livraison directement aux consommateurs. Du coup, elle récolte localement les bénéfices d’une valeur ajoutée qui, jusqu’à présent, ne revenait pas au pays. L’idée avait germé il y a cinq ans. Malheureusement, nous n’avions pas toutes les compétences nécessaires pour la réaliser à ce moment. Nous avons finalement commencé à travailler sur ce projet en 2016.


BUSINESS MAGAZINE. Quelles sont vos prévisions sur la base de cette nouvelle structure ? 

Kendall Tang : Nous prévoyons une croissance exponentielle avec le projet Teamonite. Nous utilisons un indicateur très important ; c’est la valeur ajoutée par tête d’employé. Avec ce projet, nous sommes au moins cinq fois plus élevés que dans le B-to-B. D’ici à cinq ans, nous prévoyons un chiffre d’affaires de Rs 500 millions et la création d’une centaine d’emplois.

BUSINESS MAGAZINE. Quel a été l’apport de l’Economic Development Board en tant que facilitateur dans ce nouveau modèle ?

Kendall Tang : : Une rencontre s’est tenue avec l’Economic Development Board (EDB) pour présenter notre projet. Les représentants de l’institution ont tout de suite adhéré, soulignant que RT Knits était parfaitement en ligne avec sa stratégie.

L’institution agira en tant que facilitateur pour nous permettre de partager ce nouveau modèle d’affaires avec l’ensemble des parties prenantes. Dans notre analyse, nous avons identifié trois flux nécessaires pour permettre le développement de l’export à travers l’e-commerce, en l’occurrence, l’information (connectivité informatique entre le fournisseur et le client), la finance (le paiement des produits achetés) et la marchandise (la logistique nécessaire pour livrer le produit au client). Sur chacun de ces flux, nous avons besoin d’évaluer la compétitivité, la vitesse, la couverture et la fiabilité. Avec l’EDB, nous allons organiser des ateliers de travail pour bâtir l’écosystème. 


BUSINESS MAGAZINE. Maurice peine à atteindre une croissance de 4 %. Qu’est-ce qui empêche le pays de franchir cette barre psychologique ?

Jean Li Wan Po : Il faut mettre l’accent vers l’innovation, qu’on ait l’a� d’envisager de nouveaux projets, de créer de nouveaux produits, de pénétrer de nouveaux marchés et, surtout, de réinventer notre modèle d’affaires en voyant comment nous ajoutons de la valeur. Nous pensons que le Manutailing est une solution pour augmenter cette croissance. La première étape consiste à aligner tout le monde sur cet objectif, à commencer par la formation. Ce sera un message très fort auprès des jeunes si nous annonçons que le secteur manufacturier a besoin de gens pour travailler dans des métiers autres que productifs. Cela rendra le secteur plus attractif. 


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