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Vincent Montocchio (Managing Director, Circus): «la communication digitale représente 20% de nos revenus»

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Vincent Montocchio (Managing Director

Les annonceurs se tournent moins vers les étrangers et font davantage confiance aux agences créatives locales dont le savoir-faire est désormais reconnu, observe le Managing Director de Circus. Vincent Montocchio déplore toutefois qu’elles ne soient pas sollicitées pour certains gros contrats publics.

 

BUSINESSMAG. Comment se porte Circus ?

Très bien. Il y a cinq ans, nous avons amorcé une profonde transformation pour devenir une agence complètement intégrée. Nous avons mis en place un département digital important qui contribue aujourd’hui largement à notre croissance. Depuis, nous avons une croissance annuelle moyenne de 11 % .

Par ailleurs, nous nous sommes réorganisés au niveau régional où nous opérons désormais depuis Maurice afin de servir des clients à l’international. Ces changements stratégiques portent aujourd’hui leurs fruits. Nous remportons ainsi des appels d’offres contre des pure players digitaux et la communication digitale pèse maintenant près de 20 % de nos revenus. Nous arrivons également à séduire de gros clients hors Maurice, le dernier en date étant Telkom Kenya, qui est particulièrement content de nos services. Tout cela a demandé beaucoup d’énergie et un engagement total de toutes nos équipes. Nous sommes fiers de cette transformation réussie.

 

BUSINESSMAG. Il semble que le marché local ne soit plus attrayant…

Je ne suis pas de cet avis. Ayant eu l’expérience des clients hors Maurice, je peux vous assurer que c’est un marché extrêmement intéressant. Nous avons la chance d’avoir des clients de grande qualité dont nous partageons les convictions. Il n’a jamais été autant excitant de travailler à Maurice dans ce secteur.

 

BUSINESSMAG. Il y a une certaine perception que les plus gros contrats vont aux agences étrangères au détriment des agences locales. Qu’en est-il ?

Je suis d’une nature profondément positive, au point que mes proches me traitent souvent d’optimiste chronique ! Je vois donc plutôt le verre à moitié plein qu’à moitié vide. Même s’il est vrai que certains contrats échappent encore aux agences mauriciennes, c’est beaucoup moins le cas qu’il y a dix ans. La majorité des annonceurs ont compris qu’il n’était plus nécessaire de faire appel à des agences étrangères. Par ailleurs, certains annonceurs ayant fait appel à des agences internationales s’en sont mordu les doigts tant l’écart entre le coût et la qualité de la prestation était grand.

 

BUSINESSMAG. Apparemment, certains gros contrats du secteur public vous passeraient sous le nez…

Le problème n’est pas tant que les contrats nous passent sous le nez, mais plutôt que dans certains cas, les agences locales ne sont même pas consultées. Circus a fait le rebranding d’Air Austral suite à un appel d’offres regroupant huit agences françaises. Nous avons donc tout le savoir-faire pour ce type de projet. Cependant, aucune agence mauricienne n’a été appelée pour le rebranding d’Air Mauritius il y a quelques années. C’est dommage, d’autant plus que les agences mauriciennes sont non seulement compétentes, mais encore elles sont profondément attachées à leur pays et ne demandent qu’à être sollicitées.

 

BUSINESSMAG. Qu’est-ce qui explique ce manque de reconnaissance des corps parapublics voire du gouvernement en général pour les agences locales ?

Tout cela est dommage car nous avons la conviction que la communication est porteuse de solutions pour les sujets de société auxquels Maurice fait face actuellement. La sécurité routière, la violence au cœur des familles et la préservation de l’environnement sont autant de sujets nécessitant de réelles stratégies de communication. Quelques affiches ou des campagnes isolées ne suffisent pas pour changer les mœurs.

Dans ce sens, le système actuel de procurement concernant les campagnes d’intérêt public ne me semble pas adapté car les contrats sont alloués sur de trop courtes durées. Cela me semble improductif car rien ne peut changer avec des actions aussi isolées et forcément incohérentes. Les stratégies de communication qui changent les comportements se distillent sur au moins deux ou trois ans. Il faut accompagner le changement, encourager une évolution. Il faut donc allouer les contrats de communication sur de plus longs termes afin de garantir une cohérence et un fil rouge. Les agences deviendraient alors de véritables partenaires du gouvernement, partageant les mêmes objectifs. À titre d’exemple, en France, l’État travaille avec une seule et même agence pendant plusieurs années concernant la sécurité routière.

 

BUSINESSMAG. Le manque de créativité est un autre problème auquel fait face le secteur de la Com. Cette situation vous incite-t-elle à recruter à l’étranger?

Vous trouvez que le secteur manque de créativité ? Ce n’est pas l’avis des jurys d’awards internationaux. Les agences mauriciennes sont chaque année récompensées pour leur créativité en Afrique et en Europe. Cependant, tout n’est pas toujours à un top niveau, mais c’est ainsi dans tous les pays. Ce que nous pouvons voir sur Internet est la crème de la crème et ne représente pas le paysage publicitaire mondial quotidien. Les meilleures campagnes sont toujours le fruit de partenariats étroits entre clients et agences. De plus en plus d’annonceurs croient en la valeur de la créativité et savent qu’elle rend leur communication beaucoup plus efficace.

Concernant le recrutement, chez Circus, nous croyons beaucoup en la formation continue. L’année dernière, trois de nos graphistes assistaient au Design Indaba à Cape Town et deux d’entre nous étions aux Cannes Lions. À ce jour, notre équipe créative est 100 % Made in Moris. Cela dit, nous envisageons le recrutement d’un troisième directeur de création et il est fort probable que nous recrutions à l’étranger pour répondre à des besoins bien précis.

 

BUSINESSMAG. Comment le fait d’appartenir au groupe Eclosia profite-t-il à votre agence ?

Eclosia et Circus ont en commun une valeur fondamentale : la créativité. Nous avons la même foi et la même passion pour notre pays. Nous plaçons l’humain au coeur de tout ce que nous faisons, c’est pour cela que les choses se passent si bien entre nous. Le groupe nous apporte énormément en termes de méthode de gestion et met à notre disposition des formations de haut niveau. Au niveau apport de business, la situation a toujours été saine : les marques d’Eclosia ne pèsent pas plus de 30 % de notre chiffre d’affaires. Nous avons toujours été une agence complètement ouverte et tournée vers les clients extérieurs.

 

BUSINESSMAG. Certains avan-cent que Circus exercerait une forme de monopole sur le secteur de la publicité et de la communication à Maurice. On évoque une concurrence malsaine. Vos commentaires ?

Je ne pense pas que nous ayons la même définition du mot «monopole». Il y a plus de 35 agences actives à Maurice, sans compter les indépendants. Les clients sont libres de leur choix. Circus répond à des appels d’offres et notre agence, comme toutes les autres, fait face à une concurrence de plus en plus accrue. Ces contrats sont attribués sur la base de nos propositions stratégiques et créatives, la qualité des équipes mises à disposition et les prix. Parfois nous gagnons, parfois nous perdons. C’est un des secteurs où la compétition est la plus saine et l’offre la plus importante.

Nous avons aujourd’hui une part de marché convenable d’environ 15 % selon nos estimations. Cela est le fruit d’un travail acharné, d’investissements dans la formation, de remises en question permanentes, de création de nouveaux services, et surtout le fruit de la satisfaction de nos clients qui nous font confiance.

 

BUSINESSMAG. Vous êtes l’un des gros actionnaires de Touch Point, une société qui suscite pas mal de controverses…

En ce qui concerne lesdites «controverses», à part une méconnaissance des services de Touch Point et une certaine méfiance de certains concurrents, j’avoue ne pas bien comprendre ce qui dérange. Touch Point est une agence spécialisée dans les médias. Ce modèle d’agence existe dans tous les pays développés. L’agence a pour but de professionnaliser le métier du planning et de l’achat d’espaces publicitaires. Elle investit dans des études de marché et la formation de ses équipes spécialisées afin d’optimiser la performance de l’investissement média de ses clients. Ainsi, tout est mesuré et expliqué. Cet arbitrage n’est jamais simple, mais au final c’est le client qui décide.

Touch Point agit, par ailleurs, comme centrale d’achats d’espaces et fournit ses services non seulement à ses actionnaires, mais aussi à ses propres clients, notamment des centrales d’achats internationales.

Pour finir, il est important de remettre les choses en perspective : selon la dernière étude DCDM, les investissements totaux médias sont de Rs 1,6 milliard par an. Touch Point représente 10 % de ce total. Il y a donc de la place pour tout le monde.

 

BUSINESSMAG. Quelles sont les perspectives de croissance pour le secteur de la Com ?

Selon les dernières études DCDM Research, nous ne notons pas de croissance à proprement parler, mais plutôt un changement dans la façon de gérer les budgets publicitaires et de communication. Les PR, le digital, les réseaux sociaux, les activations de marques et l’événementiel semblent prendre plus de place dans le mix. Il s’agit d’être présent au quotidien. En ce sens, la communication 360 n’est plus le réel enjeu, il s’agit maintenant de la communication 365 !

 

BUSINESSMAG. Se dirige-t-on vers une consolidation dans ce secteur ?

Je ne peux pas parler pour les autres acteurs du secteur, mais en ce qui nous concerne, il n’y a pas de projet de ce type en perspective.

 

BUSINESSMAG. Circus se tourne de plus en plus vers l’Afrique. Pourquoi ce virage ?

Ce n’est pas un virage mais plutôt une évolution naturelle, Circus ayant toujours eu certains clients en Afrique. Nous avons travaillé pour le gouvernement sénégalais pour la promotion des investissements étrangers. Nous avons également travaillé pour la Privatisation Commission of Malawi. En 2013, nous avons réalisé une campagne panafricaine pour Orange. Il est vrai que nous prenons de plus en plus conscience que nous avons une vraie carte à jouer en Afrique de l’Est et nous souhaitons saisir cette opportunité en intensifiant nos actions dans ces pays.

 

BUSINESSMAG. Parlez-nous de votre stratégie africaine.

Nous souhaitons attirer des clients principalement dans le domaine du branding, ce type de prestations ne nécessitant pas d’ouvrir des agences physiques dans les pays. Notre flexibilité et notre désir de découverte est un atout. Cela se ressent chez nos clients internationaux lors de nos déplacements. Nous y agissons de façon ponctuelle en tant que consultants, pour ensuite développer les prestations depuis Maurice. Notre partenariat avec les agences Publicis Africa Group (33 pays) nous permet d’avoir tout le soutien logistique sur place lorsque cela est nécessaire.  Maurice a une image extrêmement positive et inspirante en Afrique. Notre multiculturalité naturelle est une force et les clients sentent notre capacité à nous imprégner des cultures locales.

 

BUSINESSMAG. Quels sont les contrats que vous avez récemment décrochés en Afrique ?

Nous venons de remporter un important appel d’offres au Kenya. Il s’agit du rebranding de Telkom Kenya mettant en compétition six agences internationales d’Europe et d’Afrique du Sud. Selon les termes mêmes du client, nous avons gagné grâce à notre méthodologie, notre expérience dans le secteur du branding, ainsi qu’à notre approche humaine du projet qui place le consommateur au cœur de toute la problématique.

La prestation comprend une première phase d’audit du marché avec un gros volet de recherches qualitatives et quantitatives. Nous nous sommes immergés littéralement dans la vie des Kenyans en vivant près d’une semaine durant au cœur des familles kenyanes pour vivre leur vie et puiser des insights pertinents pour le développement de la nouvelle marque. Puis, nous sommes passés à l’étape cruciale du positionnement stratégique. À partir de quoi, nous entamerons le volet de la création de la marque (naming, identité visuelle, univers graphique…) Le contrat comprend la conception et le design des points de vente, ainsi que la stratégie de migration et le Brand engagement. Ce projet s’échelonne sur huit mois. Le client a décidé de nous confier également la création de la campagne publicitaire de lancement de la nouvelle marque. Ainsi que la création et le développement de son nouveau site web. Ce contrat constitue pour Circus et le secteur une avancée majeure. Nous sommes fiers de pouvoir contribuer à notre mesure au positionnement du savoir-faire mauricien en terre africaine.

 

BUSINESSMAG. En tant qu’opérateur, quel regard portez-vous sur la situation économique locale ?

Dans un monde qui bouge plus vite que jamais, nous devons sans cesse nous remettre en question. Les recettes du passé ne sont peut-être plus adaptées à la réalité d’aujourd’hui.

Dans ce contexte, notre petite taille pourrait devenir notre force à travers notre capacité à faire réagir plus rapidement tous les acteurs (secteur public, secteur privé, associations…). Cultivons et développons notre agilité ! Il y a de nombreux challenges auxquels le pays fait face. J’ai confiance dans la capacité des Mauriciens à faire preuve d’inventivité pour relever ces défis.

 

BUSINESSMAG. Dans le contexte économique actuel, y a-t-il des secteurs en particulier qui ont recours à vos services?

La Destination branding est un secteur particulièrement porteur pour nous en ce moment. Il comprend d’abord les Smart cities qui ont des besoins importants de positionnement et de communication, et ensuite celui des développements immobiliers de type IRS.

 

BUSINESSMAG. L’économie mauricienne dépend dans une grande mesure de l’exportation. Comment la notion de créativité peut-elle contribuer à donner une meilleure visibilité à nos produits sur le marché international?

En ce qui concerne l’exportation de nos produits sur le marché international, la solution se trouve dans le développement d’actions communes. Les entreprises mauriciennes restent petites lorsque nous parlons à l’échelle africaine ou internationale. Il me semble donc très compliqué de mener des actions isolées. Pour convaincre des distributeurs et des centres commerciaux, c’est à mon avis de façon collective que nous avons une place à prendre. Quand on voit la capacité des acteurs de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM) à faire cause commune à travers le Made in Moris, nul doute qu’ils sauront trouver le moyen de créer un projet collectif pour l’export des produits locaux.

 

BUSINESSMAG. Maurice est aussi connu comme une destination touristique. Comment mieux promouvoir l’île ?

Cela fait quelques années que le secteur se porte bien et que le tourisme progresse. Les hôteliers et la nouvelle équipe de la Mauritius Tourism Promotion Authority y ont visiblement beaucoup oeuvré. Le challenge à venir est de passer d’un marketing hôtelier à un marketing de destination. Les nouveaux voyageurs et les Millenials sont à la recherche de bien plus qu’une prestation hôtelière : ils recherchent de véritables expériences hors hôtels, avec une soif de découvrir la culture du pays et de ses habitants. Cette offre est en train de prendre forme et de belles initiatives voient le jour. Porlwi by Light en est un exemple. Il y a également le projet d’aquarium du groupe Eclosia. Sur une plus petite échelle, l’expérience My Moris est extrêmement intéressante. Cette entreprise ouvre véritablement les portes mauriciennes en proposant des expériences authentiques aux touristes.

 

BUSINESSMAG. Faut-il faire un rebranding de la destination?

Non, je pense que l’identité visuelle s’est bien installée et commence à gagner en notoriété. C’est plutôt à travers les outils de communication, la présence sur les réseaux sociaux, le brand-content, l’utilisation des influenceurs et des bloggeurs qu’il faut travailler et continuer les efforts.