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Wasoudeo Balloo: «Montrer que la juridiction mauricienne est transparente»

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Wasoudeo Balloo: «Montrer que la juridiction mauricienne est transparente» | business-magazine.mu

Toutes les institutions financières sont concernées par la loi américaine, même celles n’ayant pas de lien avec les citoyens américains, souligne Wasoudeo Balloo. Membre du ‘Working group’ de la MRA pour l’élaboration du Guidance Note, il a aussi présidé le comité de Global Finance Mauritius sur la FATCA.

BUSINESSMAG. Valeur du jour, sommes-nous «FATCA-compliant»?

Maurice a signé l’Intergovernmental agreement (IGA) en décembre 2013 pour appliquer la FATCA sous notre loi domestique. En 2014, la loi a été promulguée. Par la suite, un Working group a été constitué par la Mauritius Revenue Authority (MRA) pour cerner les implications et entendre les propositions des différentes parties concernées et aussi l’aider à l’élaboration du Guidance note pour donner des détails à toutes les compagnies concernées par la FATCA. Notamment sur la façon de faire le reporting à l’Internal Revenue Service (IRS) à travers la Mauritius Revenue Authority.

Sous la FATCA, il y a deux types d’accords possibles avec l’IRS. D’abord, le Model I qui stipule que toutes les institutions financières vont «report» à la MRA.Celle-ci se chargera par la suite de transférer les informations à l’IRS.Ensuite, le Model II qui stipule que les institutions financières doivent communiquer les informations directement à l’IRS. Maurice a signé le Model I. Valeur du jour, il y a eu beaucoup de discussions autour du Guidance note, mais on attend toujours le document final.

BUSINESSMAG. Depuis le 31 décembre, Maurice est censée être en conformité avec la FATCA. Qu’en est-il ?

À ce jour, les banques se sont fait enregistrer. Elles sont donc conformes. Les banques sont un peu mieux préparées que les autres institutions financières telles que les Management companies, les fonds d’investissement et les compagnies d’assurances.  À partir du 31 juillet, les banques devront fournir les informations adéquates à la MRA. Par contre, beaucoup d’institutions financières ne sont pas encore enregistrées auprès de l’IRS car elles ne savent pas encore si elles sont concernées ou pas. Nous-mêmes en tant que firme comptable, nous sommes approchés par plusieurs de ces institutions pour venir faire une analyse, afin de  savoir dans quelle mesure elles seront impactées. Il faut voir si elles sont une FFI (Foreign Financial Institution) selon les termes de l’IGA ou pas.Si elles le sont, elles doivent se faire enregistrer. Par la suite, l’application des procédures est une étape importante. Les institutions doivent revoir leur documentation, identifier les investisseurs avec lesquels elles travaillent déjà et obtenir certaines informations concernant leurs nouveaux clients. Par exemple, dans le cas d’un fonds d’investissement, il y a pas mal d’investisseurs qui sont concernés. Les responsables du fonds vont devoir vérifier les informations sur leurs clients existants et à venir.

BUSINESSMAG. Dans combien de temps  Maurice sera-t-elle «fully compliant» ?

D’ici à juillet, Maurice devrait être 100 % «compliant» car les institutions financières mauriciennes qui se sont fait enregistrer ont jusqu’au 31 juillet 2015 pour soumettre leur premier «return» à la MRA.

BUSINESSMAG. Quelles sont les informations requises par l’IRS pour les citoyens américains ?

D’abord, les noms des actionnaires de compagnies, s’ils détiennent des comptes et, si oui, les numéros de compte et leur lieu de résidence. Ensuite, le montant des revenus qu’ils dégagent, incluant leur Interest income.

BUSINESSMAG. Il y a eu des critiques selon lesquelles la conformité à la FATCA allait à l’encontre de nos lois domestiques ?

Justement, nous avons changé nos lois pour assurer que l’on puisse partager ce type d’informations. Nous avons signé un Tax information exchange agreement avec l’IRS et avons désormais un cadre réglementaire pour l’échange d’informations avec les autorités américaines.

BUSINESSMAG. Pour les institutions financières locales, la conformité à la FATCA représente quand même un énorme fardeau…

Oui, en termes de compliance cost notamment, surtout que les compa-gnies concernées devront revoir leurs procédures avec les nouveaux clients et le due diligence, pour s’assurer que les informations demandées sont obtenues, afin de pouvoir les fournir à la MRA dans les délais prévus à cet effet.

BUSINESSMAG. Sans doute, mais de nombreuses institutions financières locales ne traitent pas avec les investisseurs américains et ne sont donc pas concernées…

 Non, et c’est là qu’il faut être clair. Toutes les Mauritius Financial Institutions (MFI) sont concernées, sans exception, par la FATCA. Donc, toutes les instituons financières locales de-vront s’y conformer, tout simplement parce que l’IGA signé par Maurice devient une loi domestique. Toutes les FFI devront être en conformité avec la FATCA et faire leur «repor-ting» auprès de la MRA. Même celles qui n’ont pas de transactions avec les citoyens américains, devront envoyer un return «nil» à la MRA. Certes, cela représente des frais additionnels et c’est prenant, en termes de temps et de procédures, mais elles n’ont pas le choix car cela aura un impact sur leurs transactions avec d’autres FATCA-compliant Financial Institutions.

Il faut s’y préparer car cette loi risque de se propager dans le monde, surtout que maintenant il y a aussi l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui vient de l’avant avec son Standard for automatic exchange of financial account information, qui suit la mouvance de la FATCA. L’OCDE soutient que le monde devient de plus en plus mondialisé et qu’il devient plus facile pour tous les contribuables de détenir et faire gérer leurs investissements par les institutions financières hors de leur pays de résidence. De vastes sommes d’argent sont ainsi conservées offshore et ne sont pas taxées dans la mesure où les contribuables ne respectent pas le paiement de l’impôt dans leur pays d’origine. L’évasion fiscale à l’étranger est un problème grave pour les juridictions partout dans le monde, que ce soit pour les pays développés et en développement. Et l’OCDE maintient que les pays ont une responsabilité commune lorsqu’il s’agit de maintenir l’intégrité de leurs systèmes fiscaux. Et un aspect clé de cette coopération est l’échange d’informations. La Standard for automatic exchange of financial account information de l’OCDE sera applicable à partir de 2017. Ces règlements constitueront un nouveau challenge pour les institutions financières mauriciennes.

BUSINESSMAG. Ne risque-t-on pas d’aller vers un marché financier surréglementé à l’avenir ?

 Il est vrai que dans le sillage de la crise de 2008, le marché financier se surrégularise pour contrer l’évasion fiscale. À cause de la crise économique et financière, les gouvernements subissent davantage de pression pour financer leurs dépenses et se mettent donc à lutter contre l’évasion fiscale pour récupérer leurs revenus. Aux États-Unis, le gouvernement estime que de nombreux Américains préfèrent garder leur argent à l’étranger dans des comptes offshore, refusant ainsi de payer la taxe à l’IRS.

BUSINESSMAG. C’est vrai que la FATCA implique des contraintes majeures pour le secteur financier, mais cette loi comporte-t-elle au moins des avantages ?

Il y a des opportunités à exploiter à moyen - long terme avec cette loi. D’abord, elle permet de montrer au monde que la juridiction mauricienne est transparente puisque Maurice a été le premier pays d’Afrique à appliquer la FATCA. Elle permettra aussi aux FFI de pouvoir se présenter comme FATCA-compliant et ainsi d’attirer plus d’investisseurs américains et donc de faire plus de business avec les États-Unis.