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Formation Tertiaire : Maurice, centre de savoir en devenir de la région

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Formation Tertiaire : Maurice

Attirer davantage d’étudiants de la région et s’imposer comme le centre de savoir. Telle est la motivation des opérateurs du tertiaire. Pour cela, les partenariats avec les plus grandes institutions d’enseignement supérieur se multiplient.

Le domaine de la formation tertiaire à Maurice compte une cinquantaine d’institutions privées et une dizaine d’institutions publiques. Selon la dernière publication de la Tertiary Education Commission (TEC), datant de 2014, le tertiaire attirait alors à Maurice 50 608 étudiants contre 50 579 en 2013. Ce chiffre englobe également des étudiants étrangers. Selon la TEC, à décembre 2014, Maurice hébergeait 1 546 étudiants étrangers. Ces étudiants proviennent de 65 pays dont la Grande péninsule (546), l’Afrique du Sud (271), le Nigeria (171), Madagascar (98), la France (84) et le Bangladesh avec 38 étudiants.

Le Dr. Nitin Essoo, directeur de Rushmore Business School, précise que 10 % des 500 étudiants que l’établissement accueille proviennent de l’étranger. La MCCI Business School attire chaque année entre 15 et 20 étudiants venant de la région de l’océan Indien. Quant à Vatel Mauritius, 45 % de ses étudiants sont des étrangers. «Nous avons actuellement 322 étudiants et nous attendons encore environ une centaine pour la rentrée de septembre 2016. 45 % d’entre eux sont des étrangers. Ils viennent de l’île de La Réunion, de Madagascar, de France mais également du Kenya, du Zimbabwe, de l’Inde ou encore du Pakistan», font comprendre Tanuja Azema, directrice associée, et Yamal Matabudul, directeur des Études&Recherches de Vatel Mauritius.

Ces étudiants étrangers sont particulièrement attirés par les filières suivantes : le secteur bancaire, l’environnement des affaires, l’informatique mais surtout le tourisme et l’hôtellerie. Ainsi, à la TEC, on note 746 étudiants enregistrés dans la filière médicale, 247 étudiants dans l’informatique et 154 étudiants dans le tourisme. Une attirance qu’expliquent les directeurs de Vatel Mauritius par «la qualité de notre secteur hôtelier. L’implantation de groupes étrangers dans ce secteur à l’île Maurice n’a fait que renforcer cette attirance pour la formation tertiaire.» Quant à Toriden Chellapermal, CEO de MCCI Business School, il avance que les étudiants étrangers ne sont pas particulièrement attirés par des filières spécifiques :«Ils choisissent davantage leur formation en fonction de la qualité de l’enseignement, de la reconnaissance internationale du diplôme ainsi que des filières adaptées au monde du travail.»

En effet, nous assistons depuis peu à l’ouverture de la formation tertiaire mauricienne. Pour attirer un nombre grandissant d’étudiants étrangers, les institutions du privé comme du public se lancent dans des partenariats avec des institutions étrangères ; le but est de proposer des cours, des filières innovantes. C’est le cas de l’Université de Maurice (UoM), qui a établi l’année dernière des partenariats avec Ducere de l’Australie pour un MBA en Innovation & Leadership ou encore avec EON Reality – qui a élu domicile au Center for Innovative and Life Long Learning à Ebène – pour lancer en décembre dernier un Postgraduate Diploma en réalité augmentée et virtuelle.

Résoudre le problème de ‘mismatch’

Et l’UoM ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Dans un entretien accordé à Business Magazine, Romeela Mohee, vice-chancelière de l’Université de Maurice, annonce que l’UoM compte se concentrer davantage sur l’obtention d’accréditations professionnelles et internationales. Ainsi, des joint courses ont été depuis peu développés, notamment avec l’université de Canberra en Sport Science, avec la Birmingham City University pour un Joint Nursing Course. Ou encore toujours avec Ducere, pour le One million entrepreneurship degree pour la région africaine – un BSc en entrepreneuriat. Des initiatives saluées par Toriden Chellapermal de la MCCI Business School : «Ce sont là d’excellentes initiatives car il est très important que l’UoM maintienne non seulement un rôle de premier plan dans la formation à Maurice mais conserve également une réputation d’excellence et soit en phase avec les nouveaux besoins du pays et des étudiants.»

Même si Maurice ambitionne d’attirer plus d’étudiants de la région et de s’imposer comme un Knowledge hub, les institutions tertiaires doivent avant tout résoudre le problème de mismatch sur le marché du travail et surtout de rendre employables les gradués-chômeurs. Au quatrième trimestre de 2015, le taux de chômage pointait vers les 7,9 %, avec près de la moitié était composée de ceux de moins de 25 ans. À noter que près de 21 % étaient à la recherche d’un emploi depuis plus d’un an.

Pour les deux intervenants de Vatel Mauritius, ces partenariats sont des décisions judicieuses. «Ces partenariats sont de très bonnes idées. Cette diversité n’apportera pas uniquement des opportunités pour toute la population estudiantine de l’île Maurice ; elle créera également des carrières et des moyens de subsistance différents pour la jeune génération et ces éternels amoureux de l’apprentissage. Avec le taux de chômage qui ne cesse de grimper, nous estimons que plus de choix, de diversité des filières de l’enseignement supérieur élargiront les possibilités sur le marché du travail.» Ces partenariats apporteront une nouvelle perspective à l’approche, la méthodologie et la prestation d’apprentissage dans ce domaine à Maurice. Les deux intervenants de Vatel Mauritius ajoutent qu’un partenariat entre le public et le privé (PPP) consolidera davantage ce secteur.

Bien qu’étant une institution publique, le Fashion & Design Institute a revu sa stratégie et s’est engagé dans une sorte de partenariat avec l’État. En effet, en vue de pallier le problème de mismatch, l’établissement basé à Ebène propose désormais des cours correspondant aux demandes sur le marché du travail. Le FDI tombe désormais sous la responsabilité du ministère de l’Industrie, du commerce et de la protection des consommateurs. Pour Pushpanjali Luchoo, Chairman du Fashion & Design Institute, l’objectif est qu’à la fin de leurs études tertiaires, les étudiants trouvent facilement de l’emploi.

Mais est-ce suffisant pour réaliser l’ambition de faire de Maurice un centre de formation prenne forme ?Toriden Chellapermal, CEO de MCCI Business School, estime que Maurice a certainement tous les atouts pour s’imposer comme un centre de formation reconnu dans le monde. «Il nous faut cependant éviter de favoriser la quantité sur la qualité, être très rigoureux dans le choix des institutions et des diplômes délivrés, éviter le foisonnement d’institutions médiocres offrant toutes une multitude de cours sans avoir les ressources et l’expertise nécessaires pour le faire, et surtout sanctionner sévèrement tous ceux qui trouvent dans le projet du ‘knowledge hub’ un moyen de faire du business au détriment des jeunes, qu’ils soientà Maurice ou à l’étranger.»

Innovation et flexibilité

Les interlocuteurs de Vatel Mauritius abondent dans le même sens. Ils sont d’avis que Maurice peut s’imposer comme un centre de connaissances dans la région, en accordant une attention constante à la qualité de l’enseignement. Le paysage de l’enseignement supérieur à Maurice doit s’améliorer et être plus flexible, avec des établissements d’enseignement supérieur capable d’innover. Pour devenir un centre régional de l’enseignement, Maurice doit attirer davantage d’étudiants étrangers, mais aussi des enseignants internationaux avec un certain bagage.

Quand on évoque l’innovation et la flexibilité, la palme revient au secteur privé. La dernière création du secteur privéest le Medine Education Village qui accueille des institutions d’enseignement supérieur de renom et propose un campus à des étudiants étrangers. «Avec une approche ‘village’, Medine Education Village propose bien des avantages. Mais ce concept nécessite un important investissement. Ce type de concept requiert aussi une planification adéquate

Toriden Chellapermal soutient que le privé a plus de flexibilité et de moyens pour se lancer dans de tels projets. «Je pense que ces initiatives ne peuvent que compléter la formation dispensée dans des institutions publiques, qui se lancent maintenant dans de nouveaux partenariats», dit-il. Cependant, le CEO de MCCI Business School ajoute que la qualité de la formation ne se juge pas uniquement sur les infrastructures. Il reste convaincu que Maurice, pour être un centre de connaissances, doit pouvoir offrir des logements adéquats, des facilités de transport et autres activités récréatives, «bref, une vraie expérience de vie étudiante, si nous voulons attirer les étudiants étrangers.»

C’est le même son de cloche du côté de Rushmore Business School où le Dr. Nitin Essoo insiste qu’il est nécessaire d’avoir des infrastructures adéquates, un réseau de transport efficace et des divertissements sains.

Un point sur lequel s’accorde la TEC. «Certes, nous pouvons nous positionner comme un Knowledge hub mais Maurice a bien des défis à relever en ce sens. Nous sommes conscients que nous souffrons d’un problème de transport. Il nous faut compter plus de logements. De plus, nous avons besoin d’une marque pour commercialiser Maurice en tant que destination. Il nous faut plus de ‘nightlife’ ; tout cela prendra du temps. Nous ne pouvons pas devenir un ‘Knowledge hub’ en une nuit !Mais nous nous engageons dans la bonne direction», indique-t-on.

Une marque pour commercialiser Maurice

Du côté de Vatel Mauritius, bien qu’on salue les mesures annoncées lors du Budget 2015-2016, on avance qu’après un an et demi, bien des questions demeurent sans réponse. «Par exemple, on a annoncé un ‘Higher Education Bill’ ; ce projet de loi n’a jamais vu le jour. Ce manque de transparence soulève bien des préoccupations», estiment les directeurs de Vatel Mauritius qui se penchent à nouveau sur la recherche et l’innovation, auxquelles devront recourir les institutions publiques et privées pour permettre à Maurice d’accéder au rang de centre de connaissances de la région. «Le gouvernement n’a accordé que 8,5 % du budget de l’éducation au tertiaire. Jusqu’à présent, nous ne savons pas combien de ce pourcentage a été alloué à la recherche et à l’innovation», disent-ils. Ainsi, la culture de la recherche et de l’expérimentation doit être encouragée au sein des institutions tertiaires. Les intervenants s’accordent tous sur un point : une stratégie nationale et bien définie doit être mise en place pour la formation tertiaire. Toriden Chellapermal est d’avis qu’il ne faut pas opposer le public et le privé et privilégie un plan national pour le tertiaire incluant les offres du public et du privé avec, «si possible, des champs de spécialisation qui devraient permettre de mieux structurer l’offre du pays tout en garantissant la qualité des formations offertes.» Un avis que partagent les directeurs de Vatel Mauritius : «Bien que le secteur privé souhaite contribuer à la formation tertiaire, sa principale raison d’être repose sur le retour sur l’investissement. Un plan directeur serait très bien accueilli et Vatel Mauritius a exprimé à maintes reprises le souhait d’apporter une contribution importante et stratégique à cette discussion.»