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Groupe Deramann : Madagascar, tremplin d’une expansion vers l’Afrique

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Groupe Deramann : Madagascar

Créé il y a un peu plus de cinquante ans, le groupe Deramann s’est fortement positionné dans le secteur manufacturier local, à travers la fabrication de dentifrice et de cosmétiques. Ses ambitions s’orientent désormais vers la Grande île et le continent africain.

Fondé en 1964 par sir Deo Dookun, aujourd’hui décédé, et lady Henriette Dookun, le groupe Deramann compte une quinzaine d’entreprises réparties dans trois secteurs d’activités : industrie, distribution et immobilier. Le premier d’entre eux a vu le développement de Mauritius Cosmetics Ltd (MCL) et Paper Converting Company Ltd (PCCL), à travers lesquelles le groupe s’est officiellement engagé dans la fabrication de produits cosmétiques, de dentifrice et de papier toilette en 1966.

Jadoo Dookun, Managing Director du groupe, nous indique qu’à l’origine, sir Deo Dookun, son père, nourrissait l’ambition de mettre sur pied une usine fabriquant de la bière allemande à Maurice. Il n’avait cependant pu obtenir les autorisations voulues car la Mauritius Breweries Ltd, enregistrée en 1960, avait déjà fait une demande auprès du gouvernement pour la production de bière et à l’époque, l’État souhaitait restreindre la compétition sur ce marché.

C’est ainsi que les Dookun décident de se lancer plutôt dans la production de dentifrice sous la marque Blendax, à travers un partenariat avec la société allemande Blendax-Werke – marque qui sera plus tard rachetée par la multinationale américaine Procter &Gamble (P&G). Le dentifrice est fabriqué dans les locaux de MCL, situés sur un terrain de quatre arpents à Bonne Terre, où sont réunies la totalité des unités de production du groupe Deramann. Lorsque P&G a mis un terme à la fabrication de Blendax, la société mauricienne a pris le pari de miser sur l’expertise locale et début 2016, a lancé sa propre marque de dentifrice : Dentamax. «La production de dentifrice n’intéressait aucune autre entreprise de l’île avant le groupe Deramann. Mon père voulait développer l’industrie à Maurice et nous avons graduellement commencé à faire du papier toilette et des cosmétiques», poursuit Jadoo Dookun.

Selon le MD, le gouvernement soutenait pleinement l’industrie locale à ce moment-là, ce qui a facilité la croissance des différentes entreprises du groupe. Ce dernier a aussi collaboré à la création de Food Canners, dont il était actionnaire, mais a revendu les parts qu’il détenait dans la conserverie par la suite.

Le chiffre d’affaires du groupe Deramann s’élevait à Rs 550 millions pour l’année financière se terminant le 31 décembre 2015 alors qu’il emploie entre 250 et 300 personnes. Il compte désormais trois usines de fabrication de papier toilette et une de cosmétiques, dédiée à la marque Kamill, une autre marque pour laquelle cette usine confectionnait des produits destinés à l’exportation ayant été rachetée par la société britannique Reckitt Benckiser.

Outre l’industrie manufacturière, le groupe s’est positionné sur le marché de l’immobilier et est propriétaire de 37 surfaces louables à travers l’île : Astor Court, Deramann Tower ainsi que Blendax House, qui deviendra bientôt Dentamax House, à Port-Louis. «Ces projets font partie de la vision de sir Deo Dookun, qui avait remarqué le manque d’espaces louables dans la capitale», souligne le MD avant d’ajouter: «Nous avons trois terrains exploitables à Port-Louis mais n’avons pas encore pris de décision les concernant, d’autant plus que les prix dans le domaine foncier ont tellement grimpé au fil des années».

Par ailleurs, le groupe Deramann a fait ses premiers pas dans la région il y a cinq ans. Il s’est en effet implanté à Madagascar, à Tananarive plus précisément, où il opère une usine de recyclage de papier à des fins de conversion en papier toilette. En sus de ce premier projet, la société mauricienne a fait l’acquisition d’un bâtiment auquel elle entend conférer une vocation locative et envisage d’ouvrir bientôt deux autres usines dans la Grande île. «Nous lorgnions Madagascar depuis 1992 mais ne nous y sommes installés que récemment. L’instabilité politique qui prévaut parfois dans ce pays ne m’inquiète pas», confie Jadoo Dookun.

Si le groupe Deramann a pris l’initiative de se lancer dans des activités manufacturières à Madagascar, explique le MD, c’est en partie parce que le gouvernement mauricien ne donne plus d’«incitations» aux acteurs locaux du secteur de l’industrie depuis 25 ans environ. Le pays, observe notre interlocuteur, se trouve dans la troisième phase de son développement, axée sur les services, après les phases agricole et manufacturière. «J’ai l’impression que nous ne sommes plus une nation industrielle. La première phase de notre développement a été agricole, avec la culture du sucre, du thé et des légumes. Or, c’est devenu une honte d’être agriculteur de nos jours. Personne ne veut plus faire ce métier ; ils ont tous quitté la terre pour aller travailler dans les usines au moment de la révolution industrielle.»

50 années d’expérience

Tandis qu’à l’heure actuelle, le secteur des services polarise l’attention à Maurice, JadooDookun est d’avis que le pays ne pourra cependant mettre complètement de côté l’agriculture car il n’arrivera pas à faire du tourisme l’unique pilier de l’économie ou encore employer tous les Mauriciens dans le secteur offshore. «Il faut un ‘wake up call’ pour réaliser qu’on a besoin de plusieurs piliers», insiste le MD.

En 50 ans d’existence, le groupe Deramann n’a cessé d’évoluer, restant à l’affût des opportunités. De fait, il a emprunté la voie du développement immobilier parce qu’elle se présentait comme une valeur sûre, dotée d’un potentiel évolutif grâce au nombre grandissant d’étrangers aisés qui viennent s’établir à Maurice. Le groupe continue en parallèle sa progression dans le secteur manufacturier : sa dernière usine à Maurice, The Green Paper Bag Company, située à Coromandel, se spécialise dans la fabrication de sacs en papier pour répondre aux besoins du marché. MCL a également ajouté à ses activités la fabrication de barres de savon.

JadooDookun évoque aussi un projet d’usine qui se spécialiserait dans la fabrication de produits de substitution, à Madagascar. Toutefois, soutient-il, «il y a un gros problème d’énergie dans la Grande île ; le futur sera certainement en Afrique». Le MD ne cache pas l’ambition du groupe de faire une percée sur le continent, mais avoue que l’Afrique lui inspire à la fois curiosité et crainte. Ce dernier sentiment est généré par la corruption dont il a entendu parler, entre autres. «J’ai horreur de la corruption. C’est pour cette raison que j’aime bien ce que fait le gouvernement actuel. Je sais que cette stratégie est déstabilisante à plusieurs égards mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs», avance Jadoo Dookun.

Revenant sur les projets du groupe en Afrique, le MD confie que le Mozambique l’intéresse particulièrement et qu’il s’y est déjà rendu à deux reprises. Des rencontres ont aussi eu lieu avec un potentiel partenaire malgache afin d’y investir, poursuit Jadoo Dookun. Ce qui le dérange quelque peu, concède-t-il, est le fait qu’au Mozambique, un investisseur étranger ne peut que louer et non acheter des biens immobiliers. Ce pays d’Afrique de l’Est mis à part, le Cameroun, l’Angola, le Rwanda, l’Éthiopie et l’Afrique du Sud ne laissent pas indifférent le groupe Deramann.

Dans un autre ordre d’idées, le savoir-faire de MCL est sollicité en Asie, notamment en Inde et au Bangladesh. «Nous avons à notre actif 50 années d’expérience au niveau de la fabrication de dentifrice et de cosmétiques. Des demandes de formations ou de partenariats y relatives font actuellement l’objet de discussions», affirme Jadoo Dookun. La priorité du groupe demeure néanmoins pour l’instant ses projets à Madagascar, qui devraient se concrétiser d’ici à fin 2016 et ont demandé des investissements de Rs 8 millions.