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Les logiciels ‘Made in Mauritius’ gagnent du terrain

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Les logiciels ‘Made in Mauritius’ gagnent du terrain | business-magazine.mu

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à délaisser les logiciels étrangers à la faveur de ceux conçus localement. Cette demande grandissante pour les logiciels ‘Made in Mauritius’ est la preuve que Maurice peut exporter son expertise dans ce domaine.

À l’heure où le gouvernement affiche son ambition de faire de Maurice une référence dans la région de l’océan Indien, les logiciels, solutions et systèmes informatiques sont appelés à jouer un rôle plus important. C’est qu’explique Kemraz Mohee, General Manager de State Informatics Ltd (SIL) : «Les logiciels jouent désormais un rôle plus stratégique dans les opérations et le développement d’organisations et d’entreprises mauriciennes.» Un avis que partage Christian Morel, Managing Director d’Uniconsults : «Les compagnies mauriciennes en sont aujourd’hui plus conscientes. Elles ont réalisé qu’elles ont besoin de solutions qui leur apportent plus de visibilité, une meilleure efficience.»

Le marché des logiciels a connu une évolution certaine depuis la crisefinancière de 2008. En effet, aujourd’hui, les entreprises mauriciennes sont de fervents adeptes de l’adage «le temps, c’est de l’argent» et elles veulent autant améliorer leur productivité que leur efficience. En conséquence, elles sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers les solutions en Cloud computing. «Nous notons une évolution graduelle vers le Cloud», constate Sergio Arlapen, Business Development Executive de ProximaSoft.

Christian Morel trouve que les entreprises mauriciennes sont en quête de solutions en Cloud computing pour diminuer les coûts d’acquisition de logiciels, de mise en place et les frais d’opération de ce type de services. Pour Kemraz Mohee, le marché des logiciels à Maurice est devenu plus complexe et exigeant : «Les entreprises, les organisations adoptent des systèmes redondants. L’offre s’est diversifiée avec les technologies Cloud et mobiles.» Saga Sathan, Chief Operating Officer de Leal Communications & Informatics (LCI), ajoute que la numérisation a profondément modifié les processus des entreprises «au point qu’elle est aujourd’hui vitale, tant pour la productivité que pour la capacité d’innovation. Elle touche tous les services, qu’il s’agisse de l’administratif, de la gestion ou des processus métiers».

Le Managing Director d’Uniconsults est également d’avis que l’offre s’oriente plus vers le mobile : «La jeune génération, très friande d’applications mobiles, fait aussi évoluer le marché des logiciels. Beaucoup de compagnies veulent que les logiciels fonctionnent sur les smartphones, sur les tablettes, et qu’ils intègrent des outils de Business Intelligence (BI) afin de pouvoirsuivre en temps réel la progression de leurs activités et ainsi pouvoir prendre les bonnes décisions.» Un point sur lequel le rejoint Saga Sathan de LCI : «Il existe une croissance essentiellement marquée par le dynamisme des segments logiciels en gestion des données structurées, systèmes de gestion de bases de données relationnelles et Business Intelligence.»

Sergio Arlapen note que l’investissement dans les logiciels varie en fonction de la «taille de l’entreprise et de l’importance des logiciels dans les opérations de la compagnie». Il estime que la somme consacrée à cet item peutvarier entre Rs 20 000 et Rs 20 millions, voire plus. Pour Software Concepts, cet investissement est tributaire du budget et des besoins de l’entreprise. «Une solution pour une petite société peut coûter entre Rs 5 000 et Rs 75 000. Tandis que pour une PME, ça peut varier de Rs 125 000 à Rs 250 000 et, pour les grandes entreprises, dépasser Rs 250 000», laisse entendre Roshan Beetum, directeur de Software Concepts.

Le ‘Made in Mauritius’ de plus en plus prisé

Autre constat est que les entreprises mauriciennes ont de plus en plus confiance dans les logiciels conçus par des Mauriciens. Cela s’explique par le fait que les compétences et l’expertise des concepteurs mauriciens de logiciels ont grandement évolué, et ces derniers n’ont rien à envier à leurs pairs sur le marché international.

C’est ce que témoigne SIL, qui depuis 25 ans a été un des acteurs majeurs dans le secteur des Tic à Maurice. Elle a contribué au développement d’organismes gouvernementaux et d’entreprises en développant et intégrant des solutions à la pointe de la technologie dans les sociétés mauriciennes. «Le ‘Made in Mauritius’, notamment à travers SIL, permet de bénéficierd’une expertise directement pertinente pour l’organisation mauricienne et ses ambitions à et hors de Maurice. Par exemple, l’organisation qui fait appel à nos services bénéficie d’un service et de solutions qui répondent réellement à ses besoins spécifiques, au lieu d’utiliser un package ‘one size fits all’. Nous accompagnons le client durant le développement jusqu’à la fin de la réalisation des projets», souligne Kemraz Mohee.

Christian Morel souligne l’engouement pour les logiciels Made in Mauritius par le fait que les concepteurs mauriciensont beaucoup évolué, ces dernières années. «Autrefois, les entreprises ne juraient que par les logiciels étrangers, puis elles se sont rendu compteque les solutions locales se comparaient à celles qui étaient importées, avec l’avantage de s’adapter à leurs besoins et leur budget. Quand vous achetez une solution qui a été développée à l’étranger, les spécificités mauriciennes ne sont pas souvent prises en considération. Et si vous avez besoin de support, de changements, de rapports spécifiques ou d’évolutions, et que l’équipe de développeurs se trouve à l’étranger, il est difficile pour le prestataire qui se trouve à Maurice d’obtenir satisfaction.» Il ajoute que les coûts d’opération sont en général moins élevés localement. Un avis que partage Ganesh Ramalingum, Executive Chairman de Data Communications Ltd (DCL) : «L’avantage avec les logiciels mauriciens, c’est qu’une incompatibilité peut être résolue rapidement ; la mise à jour peut prendre des mois avec un programme étranger.»

D’ailleurs, le coût constitue une des raisons qui poussent les entreprises mauriciennes à se tourner vers les logiciels conçus à Maurice.C’est ce que professe Sergio Arlapen de ProximaSoft : «Avec les logiciels internationaux, les frais des licences et des supports sont en devises, ce qui implique qu’on a moins de contrôle sur la fluctuation des coûts. Pour cette raison, les entreprises commencent à privilégier les logiciels locaux, avec les montants en roupies. Sans oublier qu’avoir un prestataire local implique aussi un support local avec un court délai d’intervention. L’intervention est presque instantanés

Une industrie en devenir

Un autre pas a étéfranchi par les éditeurs mauriciens de logiciels. Ils sont de plus en plus nombreux à exporter leurs services et produits en Afrique et vers d’autres pays de la région de l’océan Indien. Uniconsults exporte les logiciels Sicorax vers la Grande île, aux Seychelles et aux Maldives. «Maurice a la capacité d’exporter ses produits et services vers l’Afrique qui, soulignons-le, représente un énorme potentiel de développement», indique Christian Morel.

C’est le cas de SIL, dont les projets sont souvent utilisés comme référence par ses partenaires technologiques pour leurs réalisations dans d’autre sterritoires. «En sus de Maurice, SIL a développéet installé en Afrique plusieurs solutions informatiques et systèmes qui ont mis en relief la compétence de son équipe et la maîtrise de technologies de premier plan. Nous avons déjà réalisé des projets en Afrique de l’Est, en Afrique australe, en Afrique centraleet à Madagascar, à travers notre bureau mauricien ou nos filiales en Namibie et au Botswana. SIL s’est donc déjà positionnée en Afrique depuis plus de dix ans», rappelle Kemraz Mohee. SIL aaussi un partenaire au Ghana et touche ainsi le marché de l’Afrique de l’Ouest.

Les opérateurs sont unanimes : Maurice a le potentiel de développer une industrie de logiciels et, de ce fait, peuts’imposer dans cette partie du monde. Christian Morel fait ressortir que les atouts de Maurice sont son savoir-faire existant, le multilinguisme, l’inventivité et la capacité d’adaptation : «Il y a quelques mois, j’ai rencontré des éditeurs de logiciels en France, et ils ont été impressionnés par notre savoir-faire ‘Métier’ et par notre niveau de technicité, autantsur des applications client-serveur traditionnelles que sur des applications ‘Cloud’ et mobiles (pour smartphones et tablettes)

Ganesh Ramalingum estime que l’île Maurice a un grand potentiel dans le développement de logiciels «mais elle n’exploite pas ses capacités au maximum. Aujourd’hui, nous avons besoin d’identifier ces entreprises compétentes dans la création de logiciels et ensuite les encourager à exporter leur savoir-faire ainsi que leurs produits». Mais le gouvernement fait-il cequ’il faut pour transformer ce marché en une industrie de logiciels ?

Christian Morel d’Uniconsults trouve, lui aussi, que Maurice peut exporter ses logiciels en Afrique : «Maurice a le potentiel d’exporter ses produits et services en Afrique. Ce développement vers le continent noir par le biais d’actions concertées entre les entreprises et le gouvernement mauriciens permettra de se donner toutes les chances commerciales d’y arriver et de faire de l’île un acteur incontournable en matière de savoir-faire informatique dans la région.»

Manque de main-d’œuvre qualifiée

Ganesh Ramalingum ajoute que le gouvernement doit créer un environnement propice pour encourager les investissements dans ce domaine et le développement de cette industrie : «Maurice étant un petit marché, il est impératif de se tourner vers l’exportation. Mais il faut mettre sur pied un forum pour aider ces entreprises à cibler des marchés pour y vendre leurs logiciels. De plus, même si beaucoup d’entreprises développent d’excellents logiciels, cela ne signifie pas qu’elles connaissent le marché africain. Je suis en faveur d’une ‘export promotion’ afin d’accompagner ces entreprises en Afrique et trouver les bons marchés

Roshan Beetum de Software Concepts abonde dans le même sens : «L’idée d’encourager les entreprise smauriciennes à participer aux projets nationaux a déjà été abordée, et je pense que le gouvernement y travaille d’arrache-pied. Des partenariats avec des compagnies internationales devraient être mis en pied afin de donner l’opportunité aux Mauriciens de participer à des projets nationaux et internationaux.» Christian Morel revient sur les contrats alloués aux entreprises étrangères pour des projets nationaux : «Il a été reproché au précédent gouvernement de privilégier des solutions extérieures pour ses besoins en informatique, au détriment des entreprises locales, alorsque les solutions de ces dernières sont adaptées, et surtout moins chères. Je suis certain qu’avec les règles de bonne gouvernance qu’adopte le nouveau gouvernement, priorité sera donnée aux entreprises locales. Celles-ci pourront alors s’appuyer sur leurs réalisations concrètes auprès du gouvernement mauricien pour aller prospecter les autres pays de la région.»

Même si une industrie de logiciels voit le jour, les opérateurs soutiennent qu’ils feront face à de nombreux défis. Tous pointent du doigt le manque de ressources humaines.«Maurice étant une petite île, cette industrie devra s’exporter pour continuer à se développer. Les principaux défis sont de deux ordres : trouver les ressources humaines pour soutenir le développement mais aussi pour pouvoir faire Maurice émerger comme un acteur incontournable pour ce qui est des compétences et du savoir-faire dans les technologies informatiques, auprès des institutions publiques et des entreprises privées de la région. Pour relever ces deuxdéfis, le gouvernement et les opérateurs privés doivent unir leurs forces et dégager une stratégie et les actions qui devront être menées», insiste Christian Morel.

Même son de cloche à la State Informatics Ltd. Pour KemrazMohee, son General Manager, la fuite des cerveaux reste un des gros problèmes à surmonter. C’est également le cas de ProximaSoft. «Il faudrait arriver à contourner le problème d’indisponibilité de personnel qualifié et former davantage de ressources pour répondre aux besoins du secteur», suggère Sergio Arlapen de ProximaSoft. Un autre défi pour SIL, c’est l’éloignement des principaux marchés.

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