Type to search

Autres Entreprendre

Produits bio: le marché de l’alimentaire en pleine transformation

Share
Produits bio: le marché de l’alimentaire en pleine transformation | business-magazine.mu

La tendance est à l’alimentation saine. Le marché alimentaire à Maurice ouvre ses portes aux produits dérivés de la culture bio et de l’agriculture raisonnée. Deux cultures que les autorités locales veulent à tout prix promouvoir.

Protéger sa santé et faire attention à son poids. Cesont les nouvelles motivations des consommateurs des quatre coins du monde. À Maurice, ilssontégalement de plus en plus nombreux à exprimer le désird’adopterune alimentation saine, pour avoir la forme tout en maintenant la ligne. Le consommateur a aujourd’hui le choix avec l’introduction de produits bio et du concept de l’agriculture raisonnée.

Un fait queconfirme Daniel Bernasconi, directeurd’Agribio. : «Le consommateur mauricien a une obsession: prévenir la maladie. Il se sent plus responsable de son capital santé. De ce fait, il mange sain pour vivre sainement.» Pascal Couronne, Category Manager de Winner’s, remarque que le consommateur mauricien se renseigne beaucoup plus sur la qualité des produits qu’il achète. «Dans ce contexte, les produits certifiés bio offrentune bonne alternative et un gage de confiance aux consommateurs mauriciens», dit-il.

Même son de cloche chez les opérateurs proposant des produits dérivés de l’agriculture raisonnée, commec’est le cas de Field Good d’ENL. «Nous constatons que de plus en plus, le consommateur affiche sa préférence pour les légumes frais et les viandes fraîches. Ces produits ont sa faveur pour la simple raison qu’ils sont plus sains que les congelés ou les légumes en conserve. Certes, ils ont plus de saveur, de vitamines et de minéraux. Un produit avec une étiquette Agriculture Raisonnée sera plus à même de se retrouver dans leur assiette», fait ressortir Alban Doger De Spéville, Manager d’Agrex, filiale responsable du marketing et de la vente de produits non sucre au sein d’ENL Agri. Arline de Shibani Trading, représentant de la marque bio Mantra, ajoute que depuis ces dernières annéesil y a un intérêt accru également pour les produits sans gluten. «Le consommateur prend goût au bio car il offre un meilleur rendement pour la même quantité. Par exemple, le riz bio peut générer 33 à 50 % plus de rendement tout en facilitant la cuisson, qui est beaucoup plus rapide. À Maurice, nous notons que les consommateurs ont un penchant pour les farines, les riz organiques, mais aussi les légumineuses et autres produits sans gluten», indique-t-il.

Malgré cette prise de conscience, les opérateurs évoluant dans le bio sont d’avis que le marché mauricien est trop étriqué pour développer une industrie bio. «Les ventes de produits certifiés bio commencent à décoller. Les volumes sont toujours relativement faibles, mais nous notons chez Winner’s un taux de croissance satisfaisant ces deux dernières années», laisse entendre Pascal Couronne. Il ajoute que Maurice est un petit marché, se trouvant relativement loin «de ses sources d’approvisionnement. Il nous est plus difficile et coûteux de faire venir les produits bio ici.»

Chez Agribio, qui produit 20 tonnes de légumes bio chaque année, on explique que les prix des produits bio à Maurice sontélevés en raison de la petitesse du marché. «Pour faire de la culture bio à Maurice, il faut faire de gros investissements. Tout d’abord, cette culture se pratique à des endroits ciblés où la pluviométrie est basse. Généralement, la côte ouest est propice à la culture bio. Quant au terrain qui y est dédié, il ne peut pas être mécanisé, mais nécessite des travaux manuels. Plus encore, la semence bio importée et le compostage bio sont interdits à Maurice. Il nous faut développer nous-mêmes nos semences, nos compostages. Ce qui explique pourquoi les produits bio sont si chers», soutient Daniel Bernasconi. Agribio produit 70 % de ses propres semences. «Pour proposer des produits bio, il est impératif d’être certifié Ecocert. Avec cette certification, nous recevons régulièrement la visite d’un auditeur qui prélève des échantillons de nos produits, qui sont ensuite soumis à des tests. En sus de la préparation du terrain pour la culture bio, le compostage, le contrôle régulier de la qualité de nos produits est également un gros investissement. Tout ceci explique pourquoi le produit bio est coûteux», dit-il. Le terrain d’Agribio – un hectare – sur la côteouest, a nécessité un investissement de Rs 10 millions sans compter les frais pour le raccordement aux réseaux d’eau et d’électricité.

Un avis que partage Pascal Couronne.«Les produits bio sont toujours plus coûteux que les produits conventionnels. La principale cause étant que les volumes sont toujours relativement faibles, et ne permettent pas aux distributeurs locaux d’avoir de meilleurs tarifs.» Il ajoute que de nouvelles filières d’approvisionnement commencent à se développer : «L’Inde, par exemple, propose des produits certifiés organiques, et à des prix abordables

L’agriculture raisonnée: un gros risque financier

Les produits dérivés de l’agriculture raisonnée affichent aussi des prix élevés. Comme le bio, cette culture requiert de gros investissements. «Faire de l’agriculture raisonnée n’est pas facile à l’île Maurice. Au contraire, c’est une grosse contrainte ; il faut prendre des risques», fait remarquer Alban Doger De Spéville tout en ajoutant qu’il est déjà difficile de faire de l’agriculture conventionnelle avec des conditions climatiques compliquées. «La chaleur, la pluie, l’humidité… tout est favorable à la prolifération d’insectes, de bactéries, de virus, de champignons. Alors l’agriculture raisonnée, c’est un gros challenge mais surtout un énorme risque financier.» Pour les produits Field Good, ENL utilise peu de pesticides, mais a investi beaucoup dans la culture sous serreafin de protéger les légumes contre les caprices du climat mauricien et des insectes en tout genre.

Un constat que font les opérateurs du bio et de l’agriculture raisonnée, c’est que leur clientèle se compose principalement d’expatriés. «Nous avons une page Facebook dynamique et nous constatons que beaucoup d’expatriés la visitent», fait part Alban Doger De Spéville. Au niveau du marché local, 20 à 30 % de la clientèle de Field Good est composée d’expatriés. «Les expatriés sont plus conscients des bienfaits de l’agriculture raisonnée.» Un point que partage Daniel Bernasconi. «C’est la même chose pour le bio. Nos principaux clients sont les expatriés. Pour la simple raison qu’ils ont un meilleur pouvoir d’achat que les Mauriciens.» Pour Pascal Couronne, les expatriés sont habitués aux marchés européens, qui ne sont pas comparables au contexte mauricien. «Ces marchés ont des offres beaucoup plus larges et variées en matière de produits bio. Des points de vente entiers sont consacrés au bio.»

Outre la petitesse du marché, les opérateurs du bio et de l’agriculture raisonnée sont d’avisque le consommateur mauricien ne cerne pas tous les bienfaits de ces deux cultures. «Malheureusement, malgré une certain prise de conscience, la population mauricienne n’est toujours pas suffisamment informée», comme le laisse entendre Pascal Couronne de Winner’s. Alban Doger De Spéville explique, pour sa part, que les Mauriciens utilisent à tort et à travers le terme agriculture raisonnée. «C’est dommage que le consommateur mauricien aille vers ces produits plus pour suivre la tendance que pour savoir ce que cela veut dire réellement», souligne-t-il.

Utilisation abusive des pesticides

Lors du Budget 2015-2016, le gouvernement a fait part de son mécontentement devant l’abus de l’utilisation de pesticides, d’herbicides sur les légumes, ce qui a de graves répercussions sur la santé des consommateurs. Pour mettre fin à cet abus, le gouvernement encourage les agriculteurs à se tourner vers la culture bio et l’agriculture raisonnée. Pour les opérateurs, dans l’avenir, l’agriculture s’orientera davantage vers le bio et l’agriculture raisonnée. Comme le témoigne Pascal Couronne de Winner’s.«Le développement du bio passera certainement par une plus forte production locale. Les agriculteurs locaux ont tout à gagner à développer et proposer cesproduits au marché mauricien, et peut-être même sur le marché régional. Le consommateur mauricien se retrouvera ainsi devant des produits qu’ilconnaît, qui seront proches de ses habitudes et besoins culinaires, à des prix raisonnables

Pour Alban Doger De Spéville, la décision du gouvernement est logique car Maurice n’a l’alternative que de se diriger vers une agriculture raisonnée. «Le gouvernement ne fait qu’enclencher ce mouvement vers l’agriculture raisonnée. À l’avenir, notre agriculture se métamorphosera en une agriculture raisonnée. En conséquence, les consommateurs délaisseront graduellement les produits congelés, en conserve ou des aliments conventionnels aux goûts chimiques – un goût laissé par les pesticides, herbicides, entre autres – pour revenir vers le frais

Pour enclencher ce mouvement, le gouvernement a annoncé lors du Budget 2015-2016 l’introduction du Bio Farming Certificate’. Une mesure que salue Pascal Couronne qui estime que cette mesure permettra à l’industrie bio de se développer à Maurice. Daniel Bernasconi salue cette mesure mais soulève quelques points : «Il est fort louable que le gouvernement préconise le bio. Mais s’il veut réellement mettre sur pied une industrie bio à Maurice, il doit prendre des initiatives concernant l’interdiction de l’importation de semences et de compostages bio. D’autre part, il annonce l’étenduede la culture bio. Pourquoi ne pas étendre cette culture à Rodrigues?»

Pour l’agriculture raisonnée ou l’agriculture en environnement protégé, les acteurs de ce segment espèrent qu’enfin qu’une certification pour cette filière sera mise sur pied.

«À ce jour, aucune certification n’existe pour les produits dérivés de l’agricultu reraisonnée à Maurice. Ainsi, la prochaine étape pour le gouvernement serait cette certification et un contrôle plus rigoureux pour les personnes postulant pour décrocher cette certification. Le Mauritius Standards Bureau se penche en ce moment sur l’élaboration de cette certification», constate Alban Doger De Spéville. Le Manager d’Agrex espère aussi que toutes les mesures annoncées par le ministre des Finances, dans le discours du Budget 2015-2016, ne seront pas que de la poudre aux yeux. «C’est très important que les mesures annoncées pour le développement du bio et de l’agriculture raisonnée ne finissent pas comme le projet Maurice Ile Durable (MID), avec uniquement un bel effet d’annonce»,  souligne-t-il. Il ajoute que le gouvernement pourrait également «faire un effort additionnel pour promouvoirl’utilisation du bio-pesticide, mais avant tout faciliter son introduction sur le territoire mauricien.» Alban Doger De Spéville est d’avisque face au gros investissement que requièrent cesdeux cultures, le gouvernement pourrait également proposer une aide financière aux agriculteurs.

Lire ce dossier dans son intégralité dans Business Magazine