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Salière de l’Ouest: une progression freinée par un cadre légal trop restrictif

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Salière de l’Ouest: une progression freinée par un cadre légal trop restrictif | business-magazine.mu

La raffinerie de sel située à Tamarin a dû renoncer à plusieurs tentatives d’innovation en raison des lois régissant cette industrie à Maurice. Une situation qui mérite une réaction urgente de la part des autorités, selon Assif Khodabocus, manager de l’entreprise.

Partie de la vision d’André Koenig, Salière de l’Ouest a vu le jour à Tamarin en 1997 avant d’opérer comme raffinerie de sel en 1999. L’idée principale était d’absorber les excédents de production des salines du pays car à l’époque, il n’existait qu’une seule raffinerie basée à Coromandel. D’autant plus qu’avec la croissance démographique, la demande en sel, élément essentiel à l’assaisonnement des aliments, augmentait.

Salière de l’Ouest s’approvisionne en sel brut auprès de Mont Calme et la Société RPA de Ravel, la troisième entreprise formant Les Marais Salants, la Société Koenig Frères, ayant réduit sa production depuis sa reprise par le groupe New Mauritius Hotels. Si Salière de l’Ouest achète 1 200 tonnes de sa matière première annuellement des fournisseurs locaux, en 2014, 50 % de sa production finale a été réalisée à partir de sel importé.

Lorsqu’il arrive à l’usine de Salière de l’Ouest, le sel brut en provenance des salines passe par les différentes étapes du processus de raffinage, soit le lavage, le broyage et le séchage. Le produit fini est ensuite emballé à des fins de commercialisation. Toutefois, il convient de souligner que le raffinage entraîne obligatoirement une perte de 30 à 40 % de matière première. Aussi, l’entreprise a-t-elle décidé de se tourner en partie vers l’Inde pour l’achat d’un type de sel déjà lavé. En éliminant cette étape, c’est aussi 20 % de matière première que préserve Salière de l’Ouest.

«L’Inde peut nous fournir du sel brut avec une teneur en chlorure de sodium de 99 % et nous n’aurons même pas à faire de séchage. Ainsi, nous nous concentrerons sur le broyage et l’emballage», explique Assif Khodabocus, manager de la raffinerie. Dans ce contexte, il annonce que cette année, Salière de l’Ouest compte importer 80 tonnes de sa matière première directement de la Grande Péninsule sur une base mensuelle, sans passer par un intermé-diaire. En parallèle, l’entreprise achètera 25 tonnes de sel brut de ses fournisseurs locaux. Le sel importé présente également l’avantage d’être moins cher, souligne le manager : «Le sel que nous achetons à Maurice est à Rs 5 000 la tonne mais nous pouvons en faire venir de l’Inde à Rs 3,10 le kg (NdlR : Rs 3 100)

Outre Salière de l’Ouest, l’île compte trois raffineries qui importent du sel pré-raffiné et se partagent 60 % du marché. En conséquence, les 40 % de parts de marché restantes reviennent à l’entreprise de Tamarin qui a une capacité de production quotidienne de 8 tonnes mais se limite actuellement à 5 tonnes. «Nous brassons un chiffre d’affaires d’environ Rs 1,2 million mensuellement et sur l’année, ce chiffre tourne autour de Rs 15 millions. Ce qui est raisonnable», estime Assif Khodabocus. À savoir que Salière de l’Ouest commercialise deux types de sel sous des marques différentes, notamment, le sel de table Ecosel et le sel raffiné Crown. Le premier nommé représentant 40 % du chiffre de vente et le second, 60 %. La différence entre ces deux produits est que le sel de table contient un anticoagulant qui renforce sa résistance à l’humidité quand il est mis dans une salière.

Par ailleurs, Assif Khodabocus dit craindre pour l’industrie du sel à Maurice à cause des restrictions du cadre légal y afférent. De fait, selon les lois en vigueur, la teneur en chlorure de sodium du sel raffiné et du sel de table produits localement ne doit pas être inférieure à 98 %. Pour l’entrepreneur, cette loi datant de 1997 doit être revue au plus vite. Citant l’exemple du sel de Guérande, «l’un des plus renommés et qui se vend dans le monde entier mais dont la teneur en chlorure de sodium ne dépasse pas les 85 %», il se dit d’avis que «ceux qui ont écrit la loi régissant l’industrie locale ne se sont pas basés sur du concret». En effet, puisque la teneur en chlorure de sodium du sel produit à Maurice est inférieure à  95 %,  «travailler pleinement avec ce sel équivaudrait à aller contre la loi». Déplorant cette situation, Assif Khodabocus observe qu’il est «navrant d’être sur une île entourée d’eau salée et d’être obligé d’avoir recours à l’importation du sel». Et d’ajouter que «les autorités devraient protéger cette industrie étant donné qu’elle correspond à quelque 200 emplois directs et indirects.» Sans compter que certaines personnes qui travaillent dans les salines de génération en génération, «ne connaissent que cela».

De par ses dispositions, la loi freine aussi l’innovation qui pourrait donner un nouveau souffle au secteur. Elle stipule notamment que le sel raffiné doit être de couleur blanche, sans aucune impureté ni colorant ou additif. Or, Salière de l’Ouest avait commencé la production de sel agrémenté d’épices et de condiments dont le poivre, le piment et l’ail. Mais pour demeurer conforme à la loi, l’entreprise a dû se résoudre à mettre un terme à cette innovation. Là encore, Assif Khodabocus regrette que «ce type de produit existe sur le marché mauricien mais nous, producteurs locaux, n’avons pas le droit de nous lancer dans ce créneau.»

La raffinerie de Tamarin s’est une fois de plus heurtée aux contraintes légales quand elle a tenté de proposer le produit haut de gamme qu’est la fleur de sel. Non répertoriée dans la Food Act, celle-ci aurait pourtant permis à Salière de l’Ouest d’engranger d’importants bénéfices vu qu’elle se vend au minimum dix fois plus chères que le sel de table ou raffiné. «La fleur de sel se vend en supermarché mais ce produit n’a pas d’identité légale et peut être saisi à n’importe quel moment», affirme notre interlocuteur. Et quand Salière de l’Ouest a voulu mettre sur le marché du sel dans des salières, comme les produits en provenance d’Afrique du Sud, elle s’est heurtée à la disposition légale selon laquelle le sel produit localement doit être vendu «empaqueté, dans des logements de 250 g, 500 g et 1 kg». 

Quant aux salines, les seules options de diversification qu’elles ont pu envisager sont la vente de sel brut pour l’entretien des piscines ou la préservation du poisson sur les thoniers.

Face à un cadre légal aussi restrictif, Assif Khodabocus fait ressortir non sans amertume que Salière de l’Ouest a dû rester à ce jour sur ses «mainline products» : Ecosel et Crown. Malgré toutes les idées innovantes que pourrait avoir l’entreprise, à l’heure qu’il est, «la seule chose que nous puissions faire pour nous démarquer est d’introduire de nouveaux emballages tout en respectant les normes imposées», regrette le manager.

Souhaitant tout de même trouver de nouvelles avenues de développement, Salière de l’Ouest ambitionne de s’engager dans une autre voie, celle de l’emballage du sucre. Une deuxième unité sera construite à cet effet. En outre, l’usine fait en ce moment l’objet de travaux de rénovation qui ont nécessité des investissements de Rs 600 000 et vont durer environ deux mois.