Sécurité privée : l’érosion des compétences inquiète les opérateurs

Alors que la demande pour les services de sécurité est en constante hausse, les opérateurs font face à un épineux problème: ils parviennent difficilement à retenir leurs ressources humaines, car le métier est dur et ingrat.

Ces dernières années, l’on a assisté à une forte progression de la demande pour les services de sécurité et de gardiennage. Si le secteur corporatif demeure le principal moteur de cette industrie, l’on constate que les particuliers sollicitent de plus en plus les agences locales pour sécuriser les sites et dissuader d’éventuelles intrusions.

De par sa nature, le métier de la sécurité nécessite une main-d’œuvre abondante. Les salaires versés aux employés engloutissent la majeure partie des revenus des compagnies de sécurité. Chez Caudan Security Services, ils constituent environ 85 % des revenus, indique son CEO, VilasSoopramanien.

Malgré leurs investissements conséquents en termes de capital humain, les compagnies de sécurité éprouvent toutes les peines du monde à retenir leurs bons éléments. Car il faut savoir que c’est un métier dur où il faut travailler à des heures indues. C’est la raison pour laquelle ils sont nombreux à finir par jeter l’éponge. Avec pour conséquence que les opérateurs se retrouvent dans une situation où ils doivent constamment recruter et former du personnel et refuser certains contrats car ils sont en manque d’effectifs. Jusqu’ici, soutiennent les opérateurs, leurs efforts en vue de valoriser le métier d’agent de sécurité n’ont pas toujours donné des résultats probants.

Yves Gourel de St Pern, Managing Director d’Avacor, reste, pour sa part, malgré tout optimiste. «Il n’y a pas de manque de main-d’œuvre dans l’industrie comme se lamentent certains opérateurs. Pour preuve, Avacor, qui a fait ses débuts en 2011 avec une soixantaine d’hommes, compte aujourd’hui plus de 500 employés. Notre croissance à deux chiffres année après année est le résultat d’une revalorisation du métier à travers la reconnaissance des talents, la formation et des conditions d’emploi plus favorables que ceux prévalant sur le marché», étaye-t-il.

Du côté de Caudan Security Services, l’on soutient respecter à la lettre les recommandations des autorités concernant les conditions de travail et de salaire. «De plus, nous sommes la seule agence à avoir instauré un plan de pension privée après deux ans consécutifs de travail», fait ressortir son CEO.

En dépit des incitations proposées par les compagnies de sécurité (salaire de base au-dessus du minimum requis, accès à la formation, perspectives d’évolution de simple agent à chef d’équipe / superviseur), les agents de sécurité, dans une grande majorité, ne restent pas longtemps dans ce secteur. Ce que reconnaît le Managing Director d’Avacor, qui relate avec humour avoir «recruté, habillé et formé 1 400 vigiles depuis 2011, mais il n’en reste plus que 450».

La rentabilité affectée

Vu que nombre d’agents de sécurité ne se voient pas faire carrière dans ce métier, il y a un laisser-aller manifeste de leur part, une conduite non professionnelle qui impacte lourdement sur la rentabilité des compagnies de sécurité. «Ce n’est pas un secteur qui rapporte car la sécurité physique est sujette à des variations extrêmes liées à l’absentéisme, aux heures supplémentaires et à des coûts qu’on ne peut toujours prévoir», observe VilasSoopramanien. Cette situation a poussé Caudan Security Services à offrir le service de gardiennage comme un complément à d’autres services connexes à la sécurité comme le convoyage des fonds.

Du côté de Brink’s océan Indien, pour améliorer la rentabilité, l’on a fait évoluer la vision traditionnelle de la sécurité. «Le service de gardiennage non associé à d’autres systèmes de sécurité a perdu de sa pertinence. Chez Brink’s, nous avons fait évoluer cette vision traditionnelle de la sécurité. Nous proposons désormais des solutions sécuritaires sur mesure à tous nos clients, avec une large panoplie de dispositifs de sécurité», souligne-t-il.

Actuellement, le domaine de la sécurité privée regroupe une vingtaine d’opérateurs. Or, seules trois agences proposent l’éventail complet des services dans ce secteur, à savoir le gardiennage, la vente et l’installation des équipements de sécurité et l’offre de services d’intervention et de patrouille. En dépit des contraintes en termes de capital humain, Yves Gourel de St Pern est d’avis que le secteur de la sécurité privée a un fort potentiel. «La sécurité est le miroir de la croissance, car plus la richesse croît, plus les besoins sécuritaires émergent», énonce le Managing Director d’Avacor. De son côté, Vilas Soopramanien indique que Caudan Security Services n’a pas enregistré une «augmentation particulière durant ces quatre à cinq dernières années» de la demande pour ses prestations dans l’exercice du maintien de l’ordre et de la sécurité physique des personnes et des biens. La croissance actuelle de la demande, dit-il, est «normale» car elle est proportionnellement liée à une meilleure qualité de vie.

Valeur du jour, la demande pour les services de sécurité et de gardiennage émane surtout du secteur de l’hospitalité, suivi de la grande distribution et du commerce de détail et de l’immobilier de luxe.

Selon Eric Rey, les services recherchés par les entreprises varient en fonction de la nature de leurs activités. «Pour le transport de valeurs sécurisées, nous sommes approchés surtout par les banques. Alors que pour les services de sécurité incluant le gardiennage, le matériel de sécurité, la télésurveillance à distance, entre autres, la demande émane de l’hôtellerie, du secteur industriel et de la grande distribution», précise-t-il.

Concernant le gardiennage, un grand nombre d’entreprises, mais aussi des particuliers optent pour le service de télésurveillance avec intervention, indique-t-on chez Caudan Security Services. Depuis un an et demi, la compagnie enregistre une forte demande pour l’installation de caméras de surveillance et de systèmes de gestion d’alarme par le biais de téléphone mobile. Ces solutions sont de plus en plus prisées en raison de leurs coûts abordables.