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Construction : L’industrie mise à rude épreuve

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Bien que le secteur de l’immobilier soit sur une bonne lancée, la performance du marché de la construction est dubitative. Cela est dû au fait qu’il dépend de plusieurs conditions externes sur lesquelles les acteurs du secteur ont une influence limitée. Les constructeurs, de leur côté, disent avancer à contre-courant.

Le secteur de la construction a été désigné comme l’un des moteurs de la reprise post-Covid-19. Selon Statistics Mauritius, l’industrie du bâtiment devrait croître de 25,2 % après une baisse de 25,8 % en 2020, avec la reprise attendue des projets de construction privés au cours du deuxième semestre de 2021. Cette industrie semblait être immunisée contre le ralentissement économique, mais qu’en est-il vraiment ? Après la crise sanitaire, la guerre russo-ukrainienne est venue enfoncer le couteau dans la plaie. Les constructeurs sont préoccupés par les conséquences qui en découlent, notamment, la hausse des prix des matériaux et une situation incertaine en matière de fret.

Anwar Ramdin, le CEO de Hyvec Construction, dresse un constat alarmant de la situation. «La perte de valeur de la roupie, principalement face au dollar américain et à l’euro est une source d’inquiétude. On parle d’essor mais, croyez-moi, l’industrie de la construction est mise à rude épreuve en ce moment et seuls ceux qui auront les reins solides financièrement et les moyens de se réinventer resteront dans la course. À mon avis, une amélioration n’est pas à prévoir avant mi-2023 voire la fin de l’année prochaine.»

Un membre exécutif de General Construction abonde dans le même sens. Il va plus loin et concède que même s’il y a «un bon nombre de projets en cours et potentiels à venir pour le secteur, la concurrence est agressive et force les acteurs opérant déjà en zone à haut risque à s’exposer davantage ; ce qui fragilise énormément le secteur».

Selon les chiffres de Statistics Mauritius, l’indice des prix de la construction, qui s’est établi à 108,3 au premier trimestre de 2021, a progressé de 1,8 % pour atteindre 110,3 au deuxième trimestre de 2021. Quelles en sont les répercussions pour les constructeurs ?

Anwar Ramdin, CEO Hyvec Construction

Anwar Ramdin, CEO Hyvec Construction

BRUNO TADEBOIS (HEAD OF FINANCE & OPERATIONS DE GREWALS)

BRUNO TADEBOIS (HEAD OF FINANCE & OPERATIONS DE GREWALS)

 

ANIL RAMBARUN (PRÉSIDENT DE BUILDING MATERIALS MANUFACTURERS ASSOCIATION)

ANIL RAMBARUN (PRÉSIDENT DE BUILDING MATERIALS MANUFACTURERS ASSOCIATION)

Pour Bruno Tadebois, Head of Finance & Operations à Grewals Ltd, «les particuliers sont les premiers touchés. La perte de valeur de la roupie et l’inflation internationale sur les matériaux de construction n’ont contribué qu’à diminuer le pouvoir d’achat. Les particuliers réfléchissent à deux fois avant de se lancer dans leurs projets. Au niveau des entreprises, beaucoup de projets qui devaient démarrer ont pris du retard pour des raisons économiques. Cela a ralenti drastiquement nos activités au cours de ces dernières semaines avec une visibilité réduite sur les mois à venir». Le membre exécutif de General Construction allonge la liste des conséquences. «Tous nos projets en cours subissent directement ces hausses. Celles-ci ne sont pas repassées aux clients car tous les contrats sont sur une base de prix fixe et de par ce fait, elles affectent directement nos marges et l’équilibre financier de nos projets, et donc de notre entreprise.»

Quid de l’approvisionnement des matériaux ? Y-a-t-il le stock nécessaire sur le marché local ? Les constructeurs sont unanimes : il y a retard de livraison et les perturbations des services de fret maritime en sont l’un des facteurs. Par ailleurs, Anwar Ramdin concède que la distance avec ses fournisseurs et le fait de dépendre des expéditions par conteneurs représente un inconvénient. Il reconnaît que «si nous organisons nos propres achats, nous devons planifier à l’avance afin de manquer de matériaux le moins possible et d’éviter les hausses de prix. Mais cela nécessite de mobiliser davantage de fonds pour payer les fournisseurs. Nous sommes grandement pénalisés dès qu’il arrive à manquer de quelque matière première que ce soit sur les chantiers de construction et si nous nous approvisionnons sur le marché local, les prix sont exagérément élevés».

TRANSITION VERTE

Toujours en ce qu’il s’agit des matériaux, d’aucun pourrait présumer qu’il y a une forte demande pour une série de produits, dont le fencing, le fer forgé, le bois et la tôle face à l’élan que prend l’immobilier, Toutefois, les constructeurs partagent une perspective différente. «Par rapport aux projets que nous réalisons, nous ne constatons pas plus de fer forgé, de bois ou de tôle qu’auparavant», confie le membre exécutif de General Construction. Même son de cloche du côté de Grewals Ltd. «Ces dernières semaines, la demande pour les matériaux de construction est au ralenti et nous restons optimistes pour une nouvelle croissance à partir de septembre», reconnaît Bruno Tadebois.

Il est important de souligner que l’heure est aux techniques écoresponsables dans tous les secteurs d’activités. La construction écologique est une question importante pour notre société et notre avenir. Cette transition est un élément catalyseur de la transition générale vers une économie à faible émission de carbone. Dans quelle mesure cela devient-il une réalité à Maurice ? «Grewals, comme toutes les filiales du groupe ENL, est déjà engagée vers la transition de l’économie à faible émission de carbone. Cela passe par une revisite de nos opérations et des produits à proposer aux clients. Il faudrait que cette prise de conscience de construction verte soit aussi partie prenante chez le consommateur pour permettre la réalisation de ces projets. L’État aussi doit s’engager avec des standards et des mesures fortes afin d’inciter ces nouveaux modes de consommation. De multiples ateliers au sein du groupe ont déjà été entrepris et l’analyse des émissions de carbone a déjà été réalisée chez Grewals, et nous agissons déjà pour les réduire de manière pérenne», soutient Bruno Tadebois. Le membre exécutif de General Construction affirme que les progrès sont visibles dans les projets de leurs clients qui prennent au sérieux la composante écologique et la placent au centre de leurs plans. Des certifications telles que BREEAM ou LEED les aident à les mettre en œuvre. «Sur un de nos gros projets de construction en cours, nous recyclons ou réutilisons à ce jour plus de 95 % des déchets. Nous intégrons les critères “green” dans nos achats. À titre d’exemple, nous venons juste d’investir dans un nouveau poste d’enrobés plus propre, plus efficient et qui peut utiliser jusqu’à 30 % de fraisats d’enrobés recyclés. D’un point de vue national, il n’y a pas encore de filières pour le recyclage en volume des déchets ; cellesci auraient induit des investissements de la part des acteurs pour valoriser ces filières et traiter le problème à grande échelle avec un impact réel. À plus petite échelle, quelques initiatives honorables voient le jour, comme avec La Déchethèque, dont le modèle collaboratif est très utile à plusieurs titres mais cela ne touche qu’un volume relativement marginal de déchets pour le moment, en raison d’un manque de synergie nationale.»


UN SECTEUR QUI SE PORTE BIEN

Anil Rambarun, président de Building Materials Manufacturers Association (BMMA), brosse un tableau du secteur de la construction à Maurice. Il affirme que ce dernier affiche bonne mine. «Pendant les confinements, les activités de construction avaient diminué, mais vite après, il y eu la reprise – des projets déjà lancés ont repris normalement et les autres programmes ont été mis en chantier. Le secteur de la construction se porte bien.» En ce qu’il s’agit de la hausse des prix des matériaux, il concède que la situation ne s’améliorera pas. «Les prix des matériaux de construction suivent la logique de la spirale inflationniste ; ils vont continuer à grimper. C’est le consommateur final qui paie le prix. Nos activités se poursuivent malgré les augmentations.» Il ajoute que certains types de matériaux sont disponibles en grande quantité sur le marché local. «Les matériaux de base tels que les sable, agrégats, prefa, béton sont disponibles en quantité suffisante pour répondre aux besoins du secteur. Il existe une quinzaine de points de concassage à travers le pays, des stations de production du BPE sont aussi bien positionnées. Les clients sont bien servis.»


 

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