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Industrie locale un puissant pilier économique

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L’avenir de notre pays, notre économie et les emplois sont fortement dépendants de la capacité productive de l’industrie locale. Les entreprises locales contribuent à hauteur de 8,5 % du pib et pourvoient environ 150 000 emplois directs et indirects à maurice. De par son poids conséquent dans le bon fonctionnement de notre économie, l’industrie locale demeure et restera un des piliers sur lesquels se reposent nos fondations économiques.

L’importance de l’industrie locale pour la sécurité alimentaire a été reconnue particulièrement durant la première vague de la pandémie de la Covid-19. Nos entreprises engagées dans la production des commodités, la transformation alimentaire et l’agro-business, entre autres, se sont hissées au premier plan pour répondre aux attentes de la population. Et dans un contexte où le monde est affecté par des turbulences économiques accentuées par la pandémie, le changement climatique et des tensions géopolitiques, l’industrie locale est appelée à se positionner davantage pour consolider la sécurité alimentaire. D’ailleurs, le gouvernement a fait de la sécurité alimentaire un axe important du Budget 2022- 2023.

Sunil Bholah, ministre du Développement industriel, des PME et des Coopératives, l’affirme : l’industrie locale a toujours occupé une place importance dans les projets de développement. Même si en voulant rechercher d’autres secteurs émergents pour consolider et relancer notre économie, il précise que le gouvernement a été attentif aux griefs et des soutiens spécifiques ont été apportés à l’industrie locale. D’année en année, les budgets consécutifs du gouvernement ont fait provision pour des mesures pour la valorisation des produits locaux.

Effectivement, différents plans de soutien sont proposés par des institutions de support comme SME Mauritius pour alléger le fardeau financier des entreprises locales. En parallèle, il y a le National Productivity and Competitiveness Council (NPCC) qui offre des programmes adaptés pour améliorer la compétitivité et rendre les entreprises locales plus résilientes. Le Mauritius Standards Bureau accompagne les entreprises locales pour obtenir les certifications et accréditations nécessaires qui témoignent de la qualité des produits locaux. Des institutions financières comme la Development Bank of Mauritius (DBM), par exemple, a une série de plans de financement pour soutenir les entreprises locales.

L’Economic Development Board (EDB), de son côté, mène des campagnes de promotion en vue de permettre la commercialisation des produits locaux. En vue de promouvoir l’industrie locale et d’encourager les gens à consommer ce que nous produisons, le ministère du Développement industriel, des PME et des Coopératives avait lancé une campagne intitulée nou res loyal, nou konsom lokal à travers la production et diffusion d’une vidéo en 2020.


ÉDUQUER SUR L’ACHAT LOCAL

Nous assistons ainsi à l’émergence de nouveaux comportements de consommation qui favorisent de plus en plus l’achat de biens produits localement lorsqu’ils présentent des caractéristiques équivalentes aux produits concurrents fabriqués à l’étranger. Cela dit, la question est pourquoi l’effet multiplicateur de l’industrie locale sur la richesse du pays estil encore sous-exploité ?

Pour Kevin Teeroovengadum, économiste, nous ne pouvons pas continuer avec le même modèle de consommation que nous avons poussé ces 10 dernières années. «Nous devons le changer, sinon nous ne serons jamais en mesure d’apporter le soutien nécessaire aux fabricants Made in Moris. Les consommateurs devraient penser à soutenir les produits locaux car ces derniers permettent de conserver des emplois dans le pays. Même de grands pays comme la France ou les États-Unis le font actuellement. Ils ont compris que produire tout dans des pays moins chers comme la Chine n’est pas une solution durable à long terme, et c’est pourquoi ils rapatrient leurs capacités de production sur leurs marchés nationaux. Cela permet de créer des emplois et de minimiser les pertes de devises étrangères.»

Kevin Teeroovengadum ajoute que le gouvernement doit faire preuve d’audace et fournir des incitations et des subventions aux produits Made in Moris et augmenter les taxes sur les produits importés. Sinon, le Made in Moris ne pourra jamais s’imposer. En outre, il précise que nous devons faire comprendre aux Mauriciens en général que dépenser leurs roupies dans des produits Made in Moris est plus important que de dépenser le peu de devises que nous obtenons dans des produits importés. «Cette éducation peut commencer dès l’école car je pense que les jeunes générations devraient être encouragées à changer les mauvaises habitudes de consommation dont nous avons hérité au cours des dix dernières années en consommant uniquement des produits importés.»

Il est certain que dans ce contexte d’affaiblissement de l’économie mondiale et de remise en cause des modes de production, de distribution et de consommation, le label Made in Moris joue désormais un rôle clé dans la promotion d’une économie locale résiliente. L’île Maurice reste un petit État insulaire très dépendant de l’étranger pour ses biens et services. L’économie locale a été mise à mal par les crises sanitaires et économiques mondiales. Notre résilience et notre indépendance économique redeviennent des enjeux stratégiques vitaux.

98 % des Mauriciens estiment que l’industrie locale est essentielle pour la sécurité alimentaire et la stabilité économique du pays. Mieux encore : 92 % des Mauriciens estiment qu’il est important d’acheter des produits labellisés Made in Moris. Aujourd’hui, le label est octroyé dans sept secteurs d’activités économiques, ce qui représente quelque 150 entreprises, 350 marques et plus de 3 500 produits.

Shirin Gunny, Acting CEO de l’AMM et directrice générale de Made in Moris, explique que le label Made in Moris est avant tout une initiative de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM) visant à promouvoir la qualité de la production locale sur une île aux options limitées en termes de ressources naturelles et fortement dépendante des produits importés. En 2012, notre secteur manufacturier était déjà un secteur mature, produisant des biens de qualité pour le marché intérieur. Malheureusement, la perception des produits mauriciens par le public était mauvaise. 11 entreprises locales ont uni leurs forces, avec la MCB comme partenaire financier, pour lancer le label dans deux secteurs : l’agroalimentaire et l’industrie.

Ces pionniers étaient également animés par la volonté de lancer un projet susceptible d’avoir un impact positif dans l’île. «Aujourd’hui, le logo Made in Moris figure sur plus de 3 500 produits mauriciens, fabriqués par plus de 150 entreprises. Notre label est attribué à des produits dans sept secteurs: Agroalimentaire, Agricole, Culturel et Créatif, Industriel, Textile, Hôtellerie et Services. Plus de 50 % de nos membres sont des PME. Cette diversité témoigne de la force de notre industrie manufacturière. En dix ans, nous avons réussi à changer cette perception et à être reconnus comme un acteur important de l’économie locale. Nous avons maintenant nos propres bureaux aux Kocottes, à St-Pierre, ainsi qu’une équipe formidable. Aujourd’hui, le label est connu par plus de 90 % de la population», rappelle Shirin Gunny.

Shirin Gunny précise que l’AMM a réussi dans ses engagements avec les parties prenantes et a obtenu diverses mesures budgétaires du gouvernement mauricien pour encourager l’approvisionnement local et la promotion du label sur les marchés publics. Depuis la pandémie et le conflit en Ukraine, on ne s’interroge plus sur la pertinence d’avoir un secteur manufacturier solide, dans un contexte où les principales nations industrielles refusent d’exporter leurs marchandises et où les routes maritimes évitent parfois Maurice. Par ailleurs, le Made in Moris est en train de consolider son intégration au sein de l’industrie touristique.

RÉINDUSTRIALISATION

Il va sans dire qu’aujourd’hui, les enjeux élevés et le contexte économique préoccupent. Les défis sont liés aux interruptions de la chaîne d’approvisionnement mondiale, à la pénurie de conteneurs maritimes ainsi qu’à la flambée des prix sur le marché mondial des matières premières et des produits de base. Ce qui témoigne des limites de la mondialisation. Si en 2012, la mission de Made in Moris était de changer la perception du public sur les produits locaux, aujourd’hui, l’AMM positionne sa communauté de fabricants locaux comme une partie de la solution pour atteindre la sécurité alimentaire, stimuler l’innovation industrielle et conduire la transition d’une économie linéaire à une économie circulaire.

Pour Bhavish Jugurnath, économiste, si les succès de Maurice en matière de développement méritent d’être salués, son secteur manufacturier a connu des difficultés au cours de la dernière décennie. Ceci est évident en ce qui concerne la valeur ajoutée manufacturière, la performance commerciale, l’emploi, l’investissement et les tendances de la productivité. La valeur ajoutée brute du secteur manufacturier mauricien est restée entre 1,5 et 1,8 milliard de dollars depuis 2008, les niveaux de 2018 se situant fermement dans cette fourchette à 1,65 milliard de dollars. Cela devrait être une préoccupation majeure pour toutes les parties prenantes mauriciennes, car le secteur manufacturier a historiquement été l’engine room de la croissance économique et du développement social de Maurice.

«Je pense que pour soutenir la croissance de l’industrie locale, il est absolument nécessaire de stimuler les PME. Les PME sont devenues un segment important du secteur industriel, contribuant de manière significative à l’emploi, à la production économique et au développement de l’esprit d’entreprise. Le secteur des PME au sens large (services compris) comprend environ 138 600 établissements et emploie quelque 284 574 travailleurs. En tant que tel, le secteur des PME au sens large représente une part considérable du PIB mauricien, le recensement des petits établissements publié en 2018 estimant une contribution de 40 %», chiffre le Dr Bhavish Jugurnath.

La question est de savoir si, dans cet environnement économique précaire où nos importations prennent clairement le dessus, nous devons nous lancer dans une stratégie de réindustrialisation ? À cela, le Dr Bhavish Jugurnath répond que la richesse économique croissante de l’île Maurice a modifié son profil de consommation, les importations ayant augmenté de manière significative au cours des dernières années. Il est frappant de constater que Maurice importe de plus en plus de biens de consommation de la classe moyenne, ce qui se traduit par un taux de croissance annuel composé (CAGR) élevé des importations pour un large éventail de produits manufacturés. Seules les importations majeures (valeur supérieure à 5 millions de dollars US en 2018) ont connu une croissance du CAGR de plus de 7 % au cours des cinq dernières années.

La conséquence de ces changements est une mutation majeure dans la performance du commerce de marchandises de Maurice au cours de la dernière décennie, qui montre que l’importation de produits manufacturés a augmenté de manière significative depuis 2009, ce qui a entraîné un creusement du déficit commercial (de 673 millions de dollars US en 2009 à 1,5 milliard de dollars US en 2014 et 1,9 milliard de dollars US en 2018). Par conséquent, les produits manufacturés deviennent un fardeau de plus en plus lourd pour le déficit commercial déjà important et croissant du pays. Par ailleurs, le tableau des exportations globales est fortement biaisé par les récentes mauvaises performances de certains sous-secteurs dominants de l’habillement et du textile. En revanche, plusieurs sous-secteurs manufacturiers plus petits, tels que les articles de transport ou d’emballage des marchandises, le plastique, les instruments médicaux, les médicaments et les pâtes alimentaires, ont connu une croissance significative de leurs exportations.

«Si l’on analyse de près les exportations vers les deux destinations les plus importantes du pays, la France et le Royaume-Uni, elles ont considérablement diminué au cours des dernières années. Si les pertes de 2014 à 2018 sont significatives en soi, c’est la comparaison avec les niveaux de 2004 qui met en évidence l’ampleur des pertes subies, les exportations vers le Royaume- Uni en 2018 ne représentant grosso modo qu’un tiers de leur niveau de 2004. Ces pertes dramatiques ont été partiellement compensées par la croissance des exportations vers les marchés régionaux, dont les plus importants sont l’Afrique du Sud, Madagascar et le Kenya. La croissance des exportations vers ces trois pays a été importante, y compris tout récemment. Cela suggère un changement majeur dans l’orientation des exportations de Maurice, et l’importance probable du commerce régional pour l’avenir du secteur manufacturier du pays. Pour les importations, l’adoption d’une buy-Mauritius strategy peut aider à réduire la facture des importations », observe le Dr Bhavish Jugurnath.

L’industrie locale doit se réinventer et se réindustrialiser pour survivre dans un environnement économique mondial en mutation. Face aux impacts économiques dévastateurs et à long terme de la pandémie de la Covid-19, le gouvernement, les organisations économiques et les institutions doivent être guidés par un cadre conceptuel basé sur la résilience, l’inclusivité et les opportunités. Il faudra pour cela repenser l’industrie afin de rendre les industries de base existantes moins vulnérables aux chocs économiques, tout en favorisant les secteurs industriels présentant un potentiel de croissance économique dans l’économie post-Covid.

«Un processus de réindustrialisation permettrait idéalement d’améliorer les avantages concurrentiels existants et d’orienter les nouvelles politiques pour les secteurs industriels promis à l’innovation et à l’investissement dans le capital humain au cours de la décennie 2020. Les paradigmes de croissance économique dominants, notamment l’économie de la connaissance, l’économie numérique et la quatrième révolution industrielle (4IR), se recoupent avec la pensée de la réindustrialisation en ce qui concerne la perte d’emplois, la stagnation des salaires, la formation des travailleurs et les faibles niveaux de compétitivité. Cependant, ils divergent dans l’attribution d’importance aux éléments économiques et humains, et dans leur processus de prise de décision. Contrairement aux autres paradigmes de croissance économique, la réindustrialisation met davantage l’accent sur le bilan social et les considérations humaines, y compris les opportunités économiques et l’équité», précise le Dr Bhavish Jugurnath.


LE TOURISME, UNE VITRINE DE LA PRODUCTION LOCALE

Le label Made in Moris a créé des ponts forts avec l’industrie du tourisme et le secteur hôtelier. Ainsi, en 2019, pour la première fois, un groupe hôtelier – les Hôtels Attitude – a été labellisé Made in Moris pour son Expérience Client. Le label considère que le tourisme peut servir de vitrine à une production locale de qualité. En outre, Made in Moris a toujours été pensé comme un outil de marketing territorial et peut représenter un véritable avantage concurrentiel et de différenciation par rapport aux autres destinations. Ainsi, il s’agit d’une volonté du secteur touristique de rejoindre la communauté Made in Moris et de lui apporter en retour ce qu’il peut faire de mieux ; tout en améliorant et en co-développant de nouvelles offres de produits et de services qui permettront au secteur touristique de gagner encore plus d’ancrage local culturel et créatif. Il s’agit aussi de co-développement et de co-création pour que notre destination touristique soit de plus en plus perçue comme unique par rapport aux destinations concurrentes, également grâce à ses engagements locaux et à une cohérence de ses offres de services et de produits aux touristes.

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