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Les management companies font preuve de résilience malgré les défis

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Le secteur du Global Business a fait preuve de résilience bien qu’il ait été confronté à des incertitudes et à des défis sans précédent depuis le début de l’année 2020. La performance de ce secteur s’est encore améliorée au cours du premier semestre 2022, notamment suite au retrait de Maurice des listes du Groupe d’action financière (GAFI), du Royaume-Uni et de l’Union européenne. Dans l’écosystème financier de Maurice, les management compagnies jouent un rôle crucial ; certaines employant plus de 500 personnes.

Le secteur du Global Business est bien intégré dans l’économie, même si la plupart de ses actifs sont investis à l’étranger. En 2022, il était estimé que le secteur connaîtra une croissance de 3,3 % en termes réels. Cette contribution émane principalement des activités des GBC et des services achetés aux entreprises nationales. Par ailleurs, l’emploi direct généré par le secteur du GB est passé à 5 028 à fin juin 2022, contre 4 748 à fin décembre 2021 ; constitué principalement de l’emploi dans les management companies. Comme le fait ressortir le Dr Ludovic Verbist, Managing Director d’AAMIL Group, le Global Business est une partie importante du secteur financier à Maurice, qui luimême est un des piliers de l’économie. À titre de comparaison, la part du secteur financier dans le PIB est de l’ordre de 20 %. Dans le canton de Genève, pourtant réputé comme centre bancaire et financier, elle oscille entre 12 % et 14 %.

Devendra Seebaluck, Partner de Dewberry Investments, souligne que les management companies basées à Maurice représentent un hub central pour les investisseurs internationaux car elles offrent tous les services nécessaires à la création et à la gestion des entités. Au cours des cinq dernières années, soit jusqu’en 2022, 35 le secteur financier a contribué en moyenne 13 % à la valeur ajoutée brute (VAB). Au fil des années, les management companies ont établi et maintenu un solide cadre de gouvernance d’entreprise aux normes internationales.

Christian Li, directeur et PDG du groupe de CKLB International Management, précise que pour ceux qui ne sont pas directement impliqués dans le secteur des Affaires Mondiales à Maurice, il est important de faire la différence entre l’investissement étranger direct dans le pays et l’utilisation des structures d’entreprise et de l’infrastructure professionnelle du pays, ainsi que du cadre juridique qui les soutient. En effet, les bénéficiaires finaux de ces investissements étrangers sont rarement situés à Maurice, bien que des structures mauriciennes soient utilisées pour réinvestir à l’étranger. «Dans la plupart des juridictions offshore et des centres financiers, historiquement, les sociétés de fiducie et de services aux entreprises, que nous appelons à Maurice des sociétés de gestion, sont les catalyseurs du développement du secteur des Affaires Mondiales. Elles sont les moteurs du développement du secteur.»

Le rôle initial d’une société de gestion consiste à établir, gérer et fournir des services pour le compte de toute entité étrangère engagée dans les Affaires Mondiales. L’autre aspect de son mandat s’articule autour de sa capacité à agir en tant que garant et gestionnaire du patrimoine de la société étrangère utilisant ses services pour s’implanter au sein du MIFC (Mauritius International Financial Centre). Comme l’explique Shamima Mallam-Hassam, la présidente de Mauritius Finance, les sociétés de gestion offrent aux clients les services de siège social/enregistrement et agissent en tant que secrétaires de compagnies.

Elles mobilisent également les directeurs résidents qui siègent au conseil d’administration de la société et qui y opèrent de manière indépendante afin d’assurer le bon fonctionnement de l’entreprise tout en respectant les principes de bonne gouvernance. Les sociétés de gestion jouent aussi un rôle crucial dans l’administration et la gestion des sociétés qu’elles représentent. Elles veillent à la conformité des normes en vigueur, que ce soit au moment de l’intégration lorsque l’exercice de diligence est effectué aussi bien que lors des traitements des transactions.

Veiller à la conformité

Comme le fait ressortir Devendra Seebaluck, les sociétés de gestion sont légalement tenues de s’assurer que les entreprises sous leur gestion remplissent toutes leurs obligations réglementaires et se conforment aux autorités et parties prenantes concernées. En respectant toutes les exigences légales, les investisseurs étrangers sont assurés de tous les risques juridiques et financiers qui peuvent survenir dans le cadre de leurs activités. En plus, depuis 30 ans, les sociétés de gestion mauriciennes ont toujours fait preuve d’une résilience remarquable, adaptant leurs modèles d’affaires et cherchant des occasions d’affaires créées par les changements réglementaires internationaux. Celles-ci ont également constamment amélioré et innové leur offre de produits.

Le Dr Ludovic Verbist rappelle qu’au début des années 1990, l’offre du secteur offshore de Maurice était cantonnée à la création de deux types de sociétés : la société offshore et la société internationale. La première portait mal son nom, car il s’agissait en fait de la société résidente fiscale, donc non offshore, précurseur de la GBL1, maintenant GBL. La force de Maurice dès le départ est d’avoir pu proposer ces deux types de sociétés, l’une ayant accès aux nombreuses conventions de double imposition, la seconde étant une Société Internationale d’Affaires (IBC) classique, n’étant soumise à aucune fiscalité. Elle suivait en cela l’exemple du Luxembourg, en s’écartant de la proposition des paradis fiscaux classiques. «Le législateur mauricien a graduellement élargi les possibilités de licences et dès lors les possibilités de développement d’affaires dont pouvaient bénéficier les GBL. Aujourd’hui, Maurice est incontestablement reconnu comme un centre financier à part entière, une porte d’entrée tant vers l’Asie que vers l’Afrique.»

Au fil du temps, comme le souligne Shamima Mallam-Hassam, les entreprises du secteur des services financiers ont dû adapter leurs produits et services afin de rester pertinentes et compétitives, mais aussi pour rester en conformité avec les changements réglementaires, les avancées technologiques et surtout les besoins des clients. Les initiatives récentes dans le secteur des fonds, y compris la structuration transfrontalière et la gestion de patrimoine, jouent un rôle clé dans l’attractivité de notre juridiction.«La technologie a aussi largement contribué à la configuration du paysage des services financiers. Les clients, en particulier ceux qui traitent avec des gestionnaires de fonds, recherchent de plus en plus des solutions axées sur la technologie pour rationaliser le processus et améliorer l’efficacité. Cela incite les sociétés de gestion à investir dans des logiciels sophistiqués spécialement conçus pour la gestion des fonds. Ces plateformes intégrées permettent aux clients de gérer leurs appels de fonds, leur comptabilité et leurs interactions avec les investisseurs, leur donnant ainsi accès en temps réel aux informations essentielles», explique Shamima Mallam-Hassam.

Concurrence

Devendra Seebaluck ajoute que nous avons une approche novatrice solide qui permet de transformer rapidement les retours d’information des clients en changement législatif et en nouveaux produits, comme la récente loi sur les Variable Capital Companies (VCC) qui créera une multitude d’options pour les investisseurs. La croissance de la juridiction mauricienne en tant que centre financier d’excellence inclut de nombreux exemples de collaboration entre le gouvernement et l’industrie pour anticiper les demandes du marché et élaborer les lois et règlements tout en respectant les normes de bonne gouvernance. Cette collaboration se renforce pour soutenir d’autres innovations qui peuvent renforcer la diversification et le leadership international du secteur. La fintech, par exemple, révolutionne les services financiers par l’essor des cryptomonnaies, de la blockchain et des technologies similaires.

Le secteur est soumis à une concurrence croissante de la part d’autres centres financiers internationaux. Le choix de canaliser les investissements à travers le centre financier international de Maurice découle des avantages compétitifs que la juridiction offre – notamment fiscaux, la facilité de faire des affaires et un solide écosystème de fournisseurs de services pour les investissements transfrontaliers.

Mais, dans un contexte qui s’est durablement complexifié, Christian Li est d’avis que le secteur doit considérer l’environnement concurrentiel dans son sens global, c’est-à-dire la concurrence entre les centres financiers et les juridictions plutôt qu’entre les sociétés de gestion locales à Maurice. «Si nous passons notre temps à nous concurrencer nous-mêmes, nous avons tendance à perdre de vue ce que font les autres juridictions pour améliorer leur compétitivité. 30 ans, c’est long et nous avons l’expérience de ce que nous savons faire et nous devons nous assurer que nous devenons encore meilleurs dans ce domaine tout en profitant du développement du marché plus près de chez nous.»

Il ajoute que pour réussir à concurrencer les juridictions bien établies, le secteur devra réagir de manière à pouvoir faire face aux groupes de pression internationaux. Les juridictions bien établies existent depuis bien plus longtemps que nos 30 ans, certaines d’entre elles ayant commencé dans les années 70. Elles ont donc une certaine sagesse dans leur manière de réagir aux chocs extérieurs et Christian Li précise que nous devons apprendre d’elles au lieu d’être en concurrence avec nous-mêmes en interne, y compris avec les autorités gouvernementales.

L’industrie du global business à Maurice devrait croître considérablement au cours des prochaines années. Selon les observations de Devendra Seebaluck, il y aura une demande pour les professionnels. En fait, il convient de noter que la plus grande compétition parmi les sociétés de gestion serait le recrutement et la rétention des talents. De plus, afin de répondre aux demandes de plus en plus des clients avertis, l’utilisation de la technologie moderne par ces sociétés aura un impact direct sur les opérations et les investissements.

L’Afrique maintient une dynamique ascendante

Selon des observateurs, certaines sociétés de gestion ont été assez timides dans leur approche du marché africain, alors qu’il faudrait être plus musclé et encourager les banquiers d’affaires à s’installer ici pour exploiter le continent, qui connaîtra une poussée de restructuration du capital, de fusions et d’acquisitions.À cela, Shamima Mallam-Hassam répond que Maurice a un rôle important à jouer sur le flux d’investissement en Afrique. Alors que nous avions un intérêt initial pour l’Inde, nous avons diversifié notre approche au fil du temps pour cibler divers marchés africains. Notre localisation stratégique, notre infrastructure financière bien établie, de même que notre environnement réglementaire favorable font du centre financier international de Maurice une passerelle clé pour les investissements sur le continent africain.

Le rapport de Capital Economics commandité en 2021 précise que le rôle que la juridiction mauricienne a joué dans la facilitation de l’investissement en Afrique est important. Le rapport avait démontré que le flux d’investissement de Maurice vers l’Afrique s’élevait à environ 82 milliards de dollars américains, représentant environ 9 % du flux d’investissement vers l’Afrique. Ce flux avait généré environ 6 milliards de dollars américains annuellement en termes de revenu fiscal et avait soutenu la création d’environ 4,2 millions d’emplois.

«Le centre financier international de Maurice s’est imposé comme juridiction privilégiée pour les entreprises de premier plan cherchant à établir leurs activités de holding en Afrique, surtout lorsqu’elles ont des opérations réparties dans différentes juridictions. Le centre financier international de Maurice s’est également positionné comme une juridiction privilégiée pour la gestion de trésorerie et la mise sur pied de sièges sociaux (Regional Headquarters)», fait ressortir Shamima Mallam-Hassam.

Elle ajoute que Maurice a acquis une réputation de juridiction de prédilection pour les fonds axés sur l’Afrique ; ce statut est renforcé par sa conformité avec l’ensemble des 40 recommandations du GAFI. Le centre financier international de Maurice offre ainsi le juste et crucial équilibre entre sa palette de services, sa flexibilité financière et son cadre législatif solide. Cet équilibre renforce l’attrait de notre juridiction auprès des investisseurs qui souhaitent optimiser leurs stratégies d’investissement en Afrique.

Pour consolider sa position, le centre financier international de Maurice a diversifié avec succès ses marchés d’investissement cibles en se concentrant de plus en plus sur l’Afrique, en particulier à la suite des changements apportés au Double Taxation Avoidance Agreement (DTAA) entre l’île Maurice et l’Inde. La région africaine est devenue la destination d’investissement la plus ciblée en termes de nombre de GBC. Les investissements sur le continent africain ont principalement pris la forme d’investissements directs par le biais de fonds de capital-investissement.

Bien que l’Inde reste le pays cible prédominant pour les investissements de portefeuille.

L’Afrique a maintenu une dynamique ascendante en termes de région d’investissement cible principale. Le nombre de GBC en activité ciblant l’Afrique a augmenté à un taux annuel de 2 % en juin 2022 et représentait 44 % du total des GBC en activité. D’un autre côté, l’Inde est restée le pays cible prédominant pour les investissements de portefeuille dont le volume de transactions via le système bancaire mauricien est plus important. À cet effet, le suivi et le maintien des activités centrées sur l’Inde sont restés importants, tout en explorant continuellement de nouvelles voies en termes de marchés et de produits.

Christian Li précise que les sociétés de gestion développent leur propre marché de niche et certaines réussissent mieux dans certains types d’activités tandis que d’autres se concentrent sur une activité particulière qu’elles ont développée au fil des ans. Ainsi, la mesure dans laquelle les sociétés de gestion s’aventureront sur le marché africain sera naturellement différente et certaines auront une approche plus agressive alors que d’autres ne considéreront ce marché que comme périphérique. Cela dit, l’Afrique a été une bénédiction pour l’île Maurice après les débâcles éventuelles du traité indien avec l’île Maurice. Ainsi, le fait d’avoir des banques internationales à Maurice ne garantit pas nécessairement le succès dans ce domaine.

«C’est ce que l’on pourrait appeler un ‘Catch 22′, car vous pouvez avoir les plus grands et les plus merveilleux banquiers internationaux de la lune, mais si l’infrastructure locale et le cadre juridique et d’entreprise ne sont pas là, si vos employés les plus qualifiés quittent le pays tous les mois et si les autorités gouvernementales essaient toujours de comprendre ce qu’est cette activité après 30 ans et rendent la vie difficile aux clients internationaux, ils trouveront une autre juridiction. C’est aussi simple que cela. Il semble que la tendance des sociétés de gestion à Maurice, en particulier les grandes sociétés de capital-investissement, ait été de s’embarquer dans l’utilisation de l’île Maurice en tant que bureau d’appui. Si cela peut être une bonne chose en termes d’emploi, cela n’aide pas les professionnels locaux à développer les compétences de haut niveau que nous aimerions voir », indique Christian Li.

Le Dr Ludovic Verbist pense, lui, que Maurice doit pleinement jouer son rôle de porte d’entrée et de centre financier pour les investissements en Afrique. « Nous avons eu un bon exemple d’implantation d’un groupe financier et en pleine croissance en Afrique, basé en Côte d’Ivoire, AFG Holding, qui s’est porté acquéreur d’une majorité de contrôle d’AfrAsia Bank à Maurice. A priori, cela me semblait une opération très attrayante, permettant à cette banque mauricienne de profiter du rayonnement de banques sœurs en Afrique. Pour des raisons que j’ignore, l’opération n’a pas été conclue. »

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